Commençons par un
aveu : plus j’avance en âge, moins je suis du matin. En soi, cela n’est ni
un mal ni un bien ; c’est un fait. Pourquoi l’avouer, alors ? C’est
qu’il est des jours fériés où j’ai mauvaise conscience lorsque je me lève tard.
Ce qui est le cas du 11 novembre : après tout, tant de mes compatriotes
n’ont pas tenu bon, tant ne sont pas morts il y a environ un siècle pour
m’octroyer le droit de ronfler un peu plus et d’éviter un jour de travail.
Histoire d’avoir bonne
conscience, peut-être, je profite de l’oisiveté de ce jour férié – qu’en bon
salarié moderne je prolonge volontiers par un « pont » – pour
m’abandonner à quelques réflexions sur le 11 novembre.
Pour commencer, je peux
me rappeler que c’est la Saint-Martin : après l’été du même nom arrivent
souvent les premiers froids (qui semblent tarder cette année), occasion de
songer au manteau que saint Martin partagea avec un pauvre hère rencontré au
détour d’une route.
De manière anecdotique,
je puis aussi penser à Guillaume Apollinaire agonisant, tandis qu’en ce 11
novembre 1918, sous ses fenêtres, la foule défilait au cri de « à bas
Guillaume ». Pauvre coïncidence qui ne plaide pas en faveur des foules.
Cette date est évidemment
l’occasion de penser à ceux qui, pendant quatre ans, acceptèrent d’endurer des
conditions souvent atroces pour défendre leur pays en guerre (quelle que soit
l’absurdité des causes de cette guerre[i]).
Dans de telles circonstances, à quel confort serions-nous encore capables de
renoncer ?
Il m’est possible aussi
de songer à l’évolution du sens donné à une commémoration. Avant 1939, le 11
novembre dut être teinté de pacifisme, empli de « plus jamais ça » et
de « der des ders ». Il n’est pas mauvais, il est même bon de
souhaiter la paix, et même de la chérir ; il est encore meilleur d’avoir
les moyens – y compris la force – de la préserver. Sinon…
Un tel avertissement nous
amène évidemment au 11 novembre 1940 où quelques jeunes patriotes défilèrent à
Paris. Ce n’était peut-être pas tant le souhait d’une revanche que l’espérance
d’une libération qu’ils manifestèrent ce jour-là. Mais il ne sied pas de parler
à leur place. Ce qui est permis, en revanche, c’est d’admirer leur courage.
Enfin, une pensée étrange
sur cette commémoration : son caractère arbitraire. Certes, les hostilités
avec l’Allemagne prirent effectivement fin le 11 novembre 1918 à onze heures,
mais cela ne signifie pas que la guerre était terminée sur tous les
fronts : les derniers traités de paix furent signés en 1921. Parcourez
pour vous en assurer les monuments aux morts de la grande guerre : vous y
trouverez quelquefois de rares noms inscrits en regard d’années postérieures à
1918. On les oublie souvent, ces morts : la mémoire nationale semble les
avoir égarés dans quelques limbes. Ce qui nous autorise à songer à ceux de nos
militaires aujourd’hui engagés dans quelques opérations extérieures dont nous
ne savons pas toujours grand-chose.
[i] Parenthèse qui ne dispense
pas d’avancer quelques hypothèses. Celle de l’élévation de la nation ou de la
patrie, réalités par ailleurs indispensables, au rang d’idoles.
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