En septembre 2004, Simon
Leys écrivait à son ami Pierre Boncenne[i] au
sujet de George W Bush : « Si le président Bush est réélu en
novembre, je me demande si on ne devrait pas commencer à étudier sérieusement
les possibilités d’émigrer sur une autre planète. » Ce n’est pas faux
et c’est joliment dit, bien qu’il ne nous ait été confié qu’une seule
planète et que le président Bush, tout en étant certainement un des
responsables des maux qui nous affligent en ce moment, n’en soit pas le seul.
Après tout, les
prédécesseurs de M. Bush ont souvent cultivé des alliances louches et fait des
choix « stratégiques » douteux, semblant toujours chercher une
préférence aux islamistes. Peut-être ont-ils imaginé que ces derniers faisaient
jaillir du pétrole partout où ils se trouvaient. Allez savoir, la cupidité peut
perturber l’entendement.
Du reste, il serait un peu trop confortable de charger les Etats-Unis de toutes les fautes. Nous
vivons après tout dans une Europe qui s’est ouverte à tous les vents, laissant
entrer et sortir à peu près n’importe qui et n’importe quoi au nom de théories
fumeuses sur l’obsolescence des frontières et des nations, masquant mal une
fausse générosité à l’égard d’immigrés et de réfugies mêlée à un
libre-échangisme presque masochiste, lui-même encouragé par divers intérêts
financiers.
Mais nous ne saurions
nous contenter de pester contre l’Union Européenne. Bien des pays, après tout,
se sont contentés en ce qui concerne les populations immigrées de cultures et
de religions radicalement différentes, de les parquer dans des banlieues où,
déracinées, elles ne se sont vu proposer aucune des richesses du terreau local.
Pour avoir la paix, les autorités ont pu laisser quelques prédicateurs de
rencontre « convertir » quelques voyous… Quant à l’école, chez nous,
le peu qui leur a été appris sur la France est un discours dénigrant celle-ci,
délivré par des enseignants ou pondu par de hauts fonctionnaires gauchistes
soucieux de partager leur haine de soi avec le plus grand nombre, coûte que
coûte.
Ajoutons à cela des
politiques de défense et de sécurité suicidaires, qui ont consisté à démanteler
nos armées et à appauvrir notre police sous le prétexte d’assainir les finances
de l’Etat, et il ne reste plus qu’à mentionner… la politique étrangère
inintelligible de nos gouvernements, au moins sous MM. Sarkozy et Hollande. De M.
Sarkozy qui semblait tout vouloir faire « à l’américaine »
(fascination de gosse des années 1950 pour les Etats-Unis ?) à M.
Hollande, toujours soucieux de plaire aux autorités américaines (réflexe d’ancien
young leader ?), nous avons été servis. Quant à M. Fabius, n’en
parlons pas, soyons charitable.
N’étant pas expert dans
ces domaines et mon imagination ayant des limites, j’arrête là. Il y a
certainement de nombreuses autres raisons à nos tribulations[ii]. Nos
gouvernants seront jugés durement par l’histoire, cela ne fait pas un pli.
En attendant, nous
traversons de rudes épreuves, et nous sommes bien obligés de nous appuyer sur
ces gouvernants-là : nous n’en avons pas d’autres pour l’instant. Mais lorsque
nous aurons surmonté ces épreuves (ce ne sera pas demain matin, ni même à l’heure
du déjeuner), espérons voir apparaître des dirigeants plus dignes et plus
lucides[iii]. Et
les anciens devront s’expliquer : non pour être jugés, mais pour qu’en
Europe on sache déjà tout ce qu’il faut éviter.
Et pour ma part je vais
tâcher de me remettre à parler de littérature et de choses plus ou moins
artistiques. C’est important.
[i] On trouve
cette citation dans Quand vous viendrez me voir aux Antipodes, abécédaire
construit par Pierre Boncenne à partir de lettres qu’il reçut de Simon Leys. Ce
livre est paru cette année aux éditions Philippe Rey ; il est agréable à
lire, contient des propos vifs, drôles et intelligents. Une forme de civilisation qui est indéniablement une
part essentielle de ce que nous avons, plus que jamais, à défendre.
[ii] Je vous laisse voir
quelques riches explications ici.
[iii] Pour ce qui est de la
population, il y a de l’espoir. Un sain patriotisme semble paraître. Voir ici
par exemple.
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