On apprenait au début de
cette semaine (ici par exemple) que, pour la quatrième fois, l’exposition d’œuvres
de M. Anish Kapoor dans les jardins du château de Versailles avait fait l’objet
d’actes de vandalisme. Il semble que cette quatrième « attaque » ait
fait moins de bruit que la précédente. Tout lasse…
Remarquons que l’exposition
de déchets onéreux appelés œuvres d’art contemporain dans les jardins du
château de Versailles est à la mode depuis quelques années. La liste intégrale
des « artistes » ainsi exposés m’échappe, mais on y relèvera des
noms comme celui de l’omniprésent Jeff Koons.
Ce genre de cirque a ses
partisans, qui se recrutent en général dans une bourgeoisie argentée, moderne
et citoyenne du monde, ou dans la partie de son personnel qui œuvre dans le
journalisme culturel ou goûte celui-ci. Il s’agit pour lesdits partisans, sans doute, d’exalter
le dialogue entre le moderne et l’ancien. Il a aussi, notons-le, ses ennemis
acharnés, horrifiés par le sacrilège qu’il constituerait.
Tâchons de garder la
raison : aucun dialogue, aucune confrontation n’est possible entre un lieu
aussi magnifique que le château de Versailles – un des sommets de la
civilisation française – et quelques bidules aussi clinquants qu’insignifiants ;
quant au caractère sacré de Versailles, il m’échappe : dans ce monument
érigé par Louis XIV à sa propre gloire, ses deux successeurs, croit-on savoir,
s’ennuyèrent fort. Et leur retrait sur cet Olympe dont ils avaient hérité ne
les aida certainement pas à se faire aimer du peuple (à commencer par celui de
Paris[i]).
Dans de telles
dispositions, on ne voit pas de réelle matière à scandale. Le Dirty Corner[ii] de
M. Kapoor (dit aussi le Vagin de la reine[iii])
mérite surtout des haussements d’épaules. Le seul scandale dans cette affaire
résiderait dans le coût de ce genre d’installation, que nous ignorons d’ailleurs.
La troisième « attaque »
contre ce Dirty Corner, donc, avait fait du bruit voici quelque temps. C’est
qu’elle avait consisté en l’écriture de graffitis plus ou moins abscons dont
certains pouvaient être considérés comme antisémites (voir ici par exemple).
« Encore un coup des
royalistes ! » se serait écrié M. Kapoor, avant de décider de
conserver, pour l’exemple sans doute, ces brumeuses inscriptions. Décision qui
appelle deux remarques.
La première portera sur « les
royalistes ». Ayant personnellement, sans pour autant militer dans quelque
parti, mouvement ou groupuscule quelconque, une forte sympathie pour l’idée d’avoir
un roi en France, je tiens à préciser que je ne goûte guère ce genre de
graffitis. Sans pouvoir affirmer qu’ils sont en effet l’œuvre de « royalistes »,
je n’ignore pas que dans certains milieux se voulant tels il existe un certain
nombre d’esprits, disons… un peu fatigués. Peut-être faudrait-il leur suggérer
que les fleurs de lys, eh bien, cela ne se fume pas.
La seconde a pour objet
la décision de M. Kapoor. Elle n’est pas, après tout, sans une certaine
cohérence. Car là, le dialogue est possible entre deux formes d’insignifiance. Contrairement
à ce que certains pourraient croire à première vue (qu’ils soient des
admirateurs de ce bric-à-brac dément ou de ceux qui le couvrent de graffitis
non moins déments), M. Kapoor et ses adversaires sont bien du même monde :
celui du néant.
Il n’y aura donc aucune
raison de regretter cette quincaillerie lorsque le château de Versailles en sera
enfin débarrassé et que chacun pourra jouir pleinement de sa splendeur guindée.
Jusqu’à la prochaine exposition…
[i] Vous aurez reconnu là les
propos d’un Parisien.
[ii] Et non Chatty Corner, s’il vous plaît. Encore
qu’avec sa forme de cornet acoustique géant, il pourrait faire penser à un coin
bruissant de bavardages…
[iii] Je n’ai pas réussi à
comprendre si ce nom, plus ridicule que scandaleux, a ou non quelque caractère
officiel. Mais il faut reconnaître que cette partie du corps – surtout chez une
reine – a quelque chose de plus sacré que les pierres de Versailles, aussi
belles soient-elles. Elle mérite qu’on la laisse en paix et qu’on n’en parle
pas.
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