Le bref voyage au Vatican de notre président préféré,
il y a bientôt une semaine, est un événement qui n’aura échappé à personne.
Fallait-il donc que votre Chatty Corner
y aille aussi de son petit commentaire ? Pourquoi pas, mais alors un peu
moins à chaud.
Une espérance
A l’occasion de ce voyage, entre deux réformes sociétales ouvertement opposées à ce que
l’Eglise peut prôner ou admettre sur un plan moral, certains auront
probablement prié à l’intention du voyageur et de son hôte. En ce qui concerne
M. Hollande, pourquoi ne pas en profiter pour prier pour sa conversion,
intention un peu ambitieuse, ou au moins pour que quelques doutes soient semés dans son esprit, germent et y croissent, quant
à de nombreux aspects de sa politique ? Cela est fort bien exprimé dans un
article récent du blog de Patrice de Plunkett. Je me suis permis d’y laisser un
commentaire, et la réponse qui m’y fut faite m’incite à quelques
développements, aussi brefs que possible.
Un rêve pieux
Bien entendu, il n’était pas interdit non plus, ce
24 janvier, d’imaginer François Hollande revenant de Rome à pied, chaussé de
sandales et vêtu d’une robe de bure. Arrivé à Paris, après avoir abrogé
quelques lois démentes, il eût prononcé la fin de la République et offert le
trône de France à son héritier légitime. Lequel se fût loyalement engagé, lors
de son sacre à Reims, à fonder un royaume fort, libre et juste. François
Hollande, après avoir assisté à ce sacre les larmes aux yeux, se fût discrètement
retiré dans un monastère pour désormais consacrer sa vie à la prière et à la
méditation.
Son geste eût bientôt été imité par quelques-uns de
ses anciens ministres. Mme Taubira, par exemple, après être entrée en religion
sous le nom de sœur Christiane des Voix Magnifiques, eût obtenu de fonder le
couvent Saint-François des Assises, en souvenir du Pape, de l’ancien président,
et en référence à la récente lecture des œuvres complètes de François Mauriac[i],
qui eussent remplacé dans sa bibliothèque celles d’Aimé Césaire. Et M. Valls,
bientôt suivi par M. Peillon…
Assez. Ce n’est qu’un rêve. Il est très joli, non[ii] ?
Mais, comme tous les rêves, il est un peu fou aussi – ce qui est à la fois la
vertu et la limite des rêves agréables. Il suffit pour rester lucide de se
rappeler qu’un rêve n’est qu’un rêve. Ce qui me rappelle un passage dans A.O. Barnabooth, son journal intime, de
Valery Larbaud :
« Quoi :
je n’ai jamais pu voir les épaules d’une jeune femme sans songer à fonder une
famille. Le besoin est là, toujours prêt. Bon, ce sera pour une autre fois. »
Bon, ce sera pour une autre fois. Mais ne
désespérons pas, une fois passée cette scène de vitrail, de voir germer autre chose que ce mélange de réformes
démentes et de politicaillerie routinière qui caractérise ce président et son
gouvernement en particulier, sans d’ailleurs toujours épargner leurs
prédécesseurs immédiats.
Nous devrons évidemment nous armer de patience. Et
accepter d’affronter bon nombre d’épreuves et d’avanies.
Un autre rêve, moins pieux
Bien entendu, ce n’est pas cette espérance qu’auront
retenue la plupart des commentateurs de la grosse presse. Ils auront plutôt vu
dans cette visite toute protocolaire une tentative de M. Hollande pour séduire l’électorat catholique. Ce qui appelle quelques remarques.
Premièrement, il y a fort à parier que c’est vrai.
Dans mon commentaire à l’article de M. de Plunkett, j’émettais – oh, prudemment
– l’hypothèse que ce genre de calcul était possible, calcul qui reviendrait en
gros à prendre les électeurs – catholiques ou autres – pour des benêts qui se
paieraient de quelques gages symboliques distribués ici ou là. M. de Plunkett
prit moins de pincettes pour confirmer cette hypothèse : « Non seulement possible, mais avéré !
Mépris insondable des politiciens envers toute conviction… Un député de ma
connaissance parlait de ses électeurs en les appelant "mes connards". »
Edifiant, non ?
De deux choses l’une, puisque ce genre de gage n’est
pas une première (M. Sarkozy l’avait fait aussi, en rencontrant Benoît XVI, sans
trop de souci de cohérence avec le reste de sa politique et de ses
discours) : ou bien le truc marche assez pour être répété, et bien des
électeurs sont en effet des niais ; ou bien il ne marche pas, et ce sont
les politiciens qui, à force de prendre les électeurs pour des nigauds, le
deviennent eux-mêmes.
Il y a sans doute des deux, en vérité. Et aussi une
tendance à classer les citoyens, à les ranger en catégories aussi simplettes
qu’immuables, comme, je ne sais pas, moi, l’électorat
catholique, l’électorat ouvrier
ou l’électorat narbonnais[iii]
(pour peu que les trois électorats
susnommés divergent dans les conceptions des partis politiques, pour qui un
ouvrier narbonnais catholique pratiquant doit-il voter ?).
Cette vision me semble être un rêve aussi fou que le
mien, évoqué plus haut. Plus fou, même, puisqu’après tout je sais bien que mon
rêve n’est qu’un rêve.
(Les lecteurs attentifs auront du reste remarqué que
dans mon rêve la royauté était restaurée en France. C’est que j’ai aussi mon petit côté royaliste. Lequel
ne m’empêche pas de savoir – sans que cela me gêne aucunement – que tous les Catholiques
ne sont pas des royalistes. Il s’agit d’ordres différents.)
Alors, dans ces conditions, penser qu’il existe un électorat catholique que l’on pourrait séduire en allant s’entretenir
courtoisement avec le Pape quelques instants me semble être non seulement une
preuve de mépris, mais aussi un rêve assez vain.
[i] Bon,
c’est une affaire de goût. En matière d’écrivains catholiques, je préfère Bloy
ou Bernanos.
[ii] Quoiqu’un peu sulpicien,
quand même. Mais plutôt bienveillant. Ce qui permettra de savoir à quelle
manifestation je n’ai surtout pas
participé le 26 janvier.
[iii] On
pourrait ajouter : l’électorat
féminin, paraît-il peu touché par le congé libéralement accordé par M.
Hollande à Mme Trierweiler, ou encore celui constitué par les piétons
parisiens, que se disputeraient Mmes Hidalgo et Kosciuszko-Morizet.
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