Avant de commencer, un avertissement s’impose :
ne vous trompez pas au ton apparemment badin de cet article. Je vous suggère d’y
voir une forme de politesse…
C’est attablé, tranquille, chez moi, plutôt
qu’accoudé à quelque bruyant comptoir, que je me suis fait les réflexions qui
suivent. Devant une savoureuse pinte d’India
pale ale ou un flacon de Morgon 2004, doucement patiné comme un petit
Bourgogne sans prétention servi localement ? Allez savoir…
Si vous voulez mon avis
Tout le monde parle de la Syrie, s’indigne,
s’inquiète. Nos aimables gouvernants, invoquant de hauts sentiments
humanitaires, balanceraient bien, tout en demeurant dans un confort aussi doux
que le mien lorsque j’y songe, quelques missiles de ce côté-là du monde. Sans
réfléchir, semble-t-il, aux buts d’une telle action, ni à ses possibles
conséquences….
J’étais dans la perplexité quant à la manière de
formuler de tels soupçons (puisque tout un chacun donne son avis, s’improvisant
expert en géopolitique ou en stratégie), quand je tombai, en lisant Les abeilles de Delphes, de Pierre
Boutang, sur un passage où il est question de don Quichotte :
« Quand il prend, en apparence, la justice pour
fin (et en réalité la liberté de sa grande âme), sa démesure est cruelle,
indifférente aux effets. Il délivre le jeune garçon du maître qui le fouette,
mais sa "justice" s’épuise dans le moment : le garçon sera
fouetté plus fort, laissé pour mort ; retrouvant plus tard don Quichotte
il aura pour son "libérateur" les paroles amères que les pauvres de
tous les temps sont amenés à prononcer contre ceux que le souci de leur grande
âme, et non la charité catholique, pousse à soulager la misère des autres. »
Difficile, vous me l’accorderez, de citer de tels
propos accoudé à un comptoir sans être interrompu… Plus sérieusement, tout y
est, non ? Après les démonstrations viriles et généreuses qu’on nous
promet, qu’adviendra-t-il des Syriens, et notamment des Chrétiens qui,
pacifiques, endurent en plus des souffrances partagées avec leurs compatriotes
des violences dont ils sont en particulier les cibles (de la part de qui ?
d’un peu « tout le monde », c’est à redouter).
Le goût, à gauche (ou disons chez certains rrrépublicains),
pour les guerres entamées au petit bonheur n’est pas d’hier, du reste. Je ne
puis que vous renvoyer, outre ce bref passage (ou cette trop longue
citation ?) de Boutang, au chapitre du Grand
d’Espagne de Nimier (décidément !) qui a pour titre Les Girondins.
Avantages de la république
Cette situation, le comportement de notre cher
président et quelques autres récents exemples me rappellent une conversation
tenue voici quelques années avec un Anglais. Je ne me rappelle plus pourquoi
celui-ci m’avait fait part de ses doutes quant aux capacités intellectuelles des
membres de la famille royale de son pays.
- De quoi vous
plaignez-vous donc ? lui avais-je répondu. Vous, au moins, on ne vous
demande pas de choisir l’andouille suprême tous les cinq ans.
Evidemment, mon propos était quelque peu outré.
Mais, en bon Français, j’avais sans doute préféré ce jour-là la caricature à la
vérité pour le plaisir de faire un bon mot (lequel avait eu l’effet escompté).
D’autant qu’il m’est arrivé de temps à autre d’être sensible à l’objection qui
est le plus souvent opposée à ce que je nommerai par commodité ma sensibilité
royaliste : la monarchie héréditaire ne peut nous garantir que jamais un
imbécile ou un incapable ne montera sur le trône pour y exercer de hautes
responsabilités auxquelles il serait inapte ; tandis que l’élection
présidentielle au suffrage universel serait un mode de sélection assez dur pour
écarter les individus dont la candidature serait par trop fantaisiste.
J’avoue avoir depuis quelques années des doutes.
Pendant ce temps, au Royaume-Uni, le premier
ministre (qui n’est pas le chef de l’Etat, autant que je sache), a pris acte
d’un vote du parlement opposé à ses intentions et s’y est plié. Devant une
telle manifestation d’ordre et de mesure, j’ai failli pencher pour l’India pale ale…
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