Comme je me proclame absurdologue, autant vous faire
profiter de quelques notes alimentant la patiente et désintéressée étude de
notre monde que je prétends mener. Nommons absurdographie
la discipline qui consiste à prendre ces notes. Cette quête, digne des travaux
de Sisyphe, ne saurait se passer de l’absurdométrie,
qui est la mesure de ce monde. Ensemble, elles nourrissent cette haute science –
encore peu formalisée – que je prétends servir et que je nomme absurdologie.
Il est à regretter, toutefois, que l’absurdométrie n’en
est qu’à ses balbutiements, voire à ses vagissements, les instruments qui la
servent étant ces temps-ci facilement détruits (trop sensibles, peut-être). Patience !
Fumisteries
C’est là le titre d’une anthologie parue chez
Omnibus en 2011 et que j’ai enfin pris le temps de lire sérieusement. Précisons
qu’elle est sous-titrée Naissance de l’humour
moderne, 1870-1914. Elle procure le plaisir ou la joie de relire quelques
textes déjà connus ou disponibles par ailleurs – de Bloy (tirés surtout des Histoires désobligeantes et de l’Exégèse des lieux communs), de Villiers
de l’Isle-Adam (principalement tirés des Contes
cruels) ou encore d’Alphonse Allais – mais aussi de découvrir quelques
autres plumes et cerveaux loufoques comme on en trouvait au Chat noir ou parmi les fumistes, les hydropathes et les
zutistes.
Ma préférence va, parmi, ces oubliés, à un certain
Gaston de Pawlowski – peut-être pas le plus drôle, mais assez prophétique quant
à certains traits de notre époque, notamment en matière d’ennui, d’uniformité
et d’absence de goût. Bien sûr, on y trouve aussi des noms allant de Flaubert à
Jarry, en passant par Barbey, Huysmans, Cros…
Comme ces textes sont courts, il est possible de les
lire aussi bien en bûcheron de la première à la dernière page – il y en a un
bon millier – qu’en picorant selon son plaisir, son goût ou ses intérêts, voire
au hasard, lequel est parfois un déguisement que revêt par humilité la
Providence.
Un tel recueil permet de s’interroger sur notre
époque : ne serions-nous pas devenus les personnages d’une longue épopée
qu’essaierait d’écrire un hydropathe sévèrement attaqué par l’absinthe ?
Une chance au grattage ?
Qu’on en juge plutôt : récemment, un homme,
ayant perdu la foi, a demandé à la paroisse où il avait été baptisé de faire
rayer son nom du registre des baptêmes. En somme : d’annuler son baptême. Devant
le refus de cette paroisse, le voici qui décide d’attaquer celle-ci en justice.
Et qui l’emporte !
(Ici, chers lecteurs, vous n’aurez qu’à imaginer une
ligne faite d’un savant entrelacs de points d’exclamation et de points d’interrogation,
du meilleur effet à mon avis.)
La paroisse ayant fait appel, ce jugement a, Dieu
merci, été annulé.
A ce sujet, j’ai apprécié deux remarques de Victor
Loupan, entendues hies sur Radio Notre-Dame : les esprits modernes
semblent avoir perdu de vue le fait qu’un baptême n’est pas l’adhésion à un
parti politique (j’ajouterais pour ma part : ni à une société de pêche)
mais un sacrement qui ne saurait être « défait » ou « annulé » ;
et, si c’était le cas, pourquoi ne pas exiger que la Seine coule d’ouest en est ?
Sur les ondes
Pendant ce temps, une autre radio, France-Culture,
proclame, tambourine et trompette sa présence ce week-end à la Fête de l’Huma. On ne refera pas nos
amis les gens de gauche (journalistes ou artistes), qui se sentent encore
obligés d’apprécier la conversation du cadavre d’un vieux bandit.
Je sais : je devrais quand même finir par comprendre
que le communisme visait de nobles idéaux, ce qui le rend éternellement
admirable, en dépit de tout ce qu’il s’avéra
être.
Qui ???
Je me suis laissé dire qu’un homme dont le nom m’échappe,
quoique je me rappelle qu’il m’évoque curieusement une province des Pays-Bas, et
à qui des rumeurs prêtent de hautes fonctions dans notre belle France a prévu
de parler dimanche soir au journal de 20h d’une chaîne de télévision connue
pour louer du temps de cerveau à une pharmacie d’Atlanta qui a mal tourné…[i]
Eh bien, je n’en pense rien. Si ce n’est que je me
félicite de ne plus avoir depuis quelques années un poste de télévision chez moi.
[i] Avez-vous
compris quelque chose ? Peut-être un atavisme scandinave explique-t-il mon
goût immodéré pour les périphrases ? Borges a étudié la chose bien mieux
que je ne saurais vous le dire dans son Essai
sur les littératures germaniques médiévales.
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