samedi 9 mars 2019

La croisade des enfants !?

On observe depuis quelques semaines, dans divers pays d’Europe, des « grèves pour le climat » : chaque vendredi, des lycéens se rassemblent et s’en vont manifester pour rappeler aux responsables politiques les engagements qu’eux ou leurs prédécesseurs ont pris lors de la « COP 21 » il y a déjà trois ans, autant dire jadis pour le politicien moyen. Il serait facile de railler ces jeunes gens : leurs slogans simplistes, voire bébêtes, les nobles prétextes qu’ils se trouvent pour sécher quelques cours, et je ne sais quoi encore. Ah oui, bien entendu : ces jeunes sont probablement manipulés, n’est-ce pas.
Il est aussi de bon ton, que ce soit pour l’encenser ou la ridiculiser, d’évoquer la figure de Greta Thunberg[i]. Naturellement, il est permis de s’interroger sur l’engouement provoqué par cette jeune fille[ii], qui semble être à l’origine du mouvement. On a pu voir un peu partout son visage de lutin renfrogné, au milieu d’adolescents extasiés, à quelque tribune de l’ONU ou de l’Union européenne, aux côtés de responsables politiques au sourire onctueux… La voilà devenue une vedette internationale, promenant à travers l’Europe un panneau où l’on peut lire : Skolstrejk för klimatet[iii]. Outre lui souhaiter de ne pas se laisser griser par cette subite célébrité, comment ne pas se demander qui la soutient, par quels moyens elle se paie tous ces voyages, etc. D’aucuns ont apporté des réponses : d’abord (et tout simplement), les parents de Mlle Thunberg sont aisés et pas complètement inconnus en Suède ; ensuite, il semblerait qu’un homme d’affaires suédois, M. Ingmar Rentzhog, cherche à la mettre en avant pour en tirer de juteux profits. Ajoutons à cela que Mlle Thunberg est atteinte d’une forme « bénigne » d’autisme, et voilà qui suffit à certains pour en faire un pitoyable pantin destiné à hypnotiser notre belle jeunesse au profit d’un mystérieux « lobby vert ».
A cela il faut répliquer deux choses.
Premièrement, je me demande quels peuvent être les moyens et les buts inavouables d’un éventuel « lobby écologiste ». Divers lobbies travaillant au profit de groupes pétroliers, chimiques ou autres sont probablement plus puissants et leurs buts sont clairs : pouvoir continuer de gagner de l’argent à tout prix, quelles qu’en soient les conséquences sur l’environnement. Alors ?
Certes, il existe aussi des industriels aussi peu scrupuleux en matière d’environnement mais simplement plus modernes ; ceux-ci entendent se faire une place sur un marché qui ne demande qu’à croître dans des proportions assez monstrueuses pour leur faire gagner des sommes d’argent aussi folles que celles dont profite une industrie déjà ancienne ; d’une manière peut-être aussi déraisonnable, d’ailleurs. La sauvegarde du climat ne serait pour eux qu’un noble prétexte, non pas pour sécher les cours cette fois, mais pour s’enrichir[iv]. L’hypothèse de l’intervention de M. Rentzhog devient alors plausible.
Cependant – et secondement – ce mouvement de jeunes – ridicule ou non, manipulé ou non – manifeste une vertu que nous autres, vieux fossiles, avons parfois perdue en devant souvent plutôt de grandes personnes que des adultes. On pourrait nommer cette vertu exigence de loyauté ou plus brièvement honneur : Mesdames et Messieurs les politiques, puisque vous ou vos prédécesseurs avez pris des engagements au nom de vos pays, eh bien, qu’attendez-vous pour les tenir ? C’est bien plus sérieux que toute la prétendue raison économique qui imposerait de ne pas bouleverser certaines habitudes – ou situations de rente –, laquelle peut aussi bien se nommer paresse ou lâcheté. Et cela mérite au moins notre estime.
(Et puis, que voulez-vous, je trouve sympathiques les jeunes filles déraisonnablement têtues, cela depuis 1429. Toutes proportions gardées, bien entendu.)


[i] Au sujet de laquelle on signalera aux journalistes de France-Culture que son nom n’est pas Sönberg.
[ii] Encore pour les journalistes de France-Culture : elle a 16 ans, ce qui n’en fait pas une « jeune femme », comme on a pu l’entendre sur ces augustes ondes en février.
[iii] Ne boudons pas notre plaisir à voir un panneau en suédois sillonner l’Europe…
[iv] Signalons à titre gracieux à ces audacieux industriels que les problèmes écologiques ne se limitent pas au climat. Et que remplacer la gloutonnerie en pétrole et en charbon par une autre ne fera que déplacer les problèmes.

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