On observe depuis
quelques semaines, dans divers pays d’Europe, des « grèves pour le climat » :
chaque vendredi, des lycéens se rassemblent et s’en vont manifester pour
rappeler aux responsables politiques les engagements qu’eux ou leurs
prédécesseurs ont pris lors de la « COP 21 » il y a déjà trois ans,
autant dire jadis pour le politicien moyen. Il serait facile de railler ces
jeunes gens : leurs slogans simplistes, voire bébêtes, les nobles
prétextes qu’ils se trouvent pour sécher quelques cours, et je ne sais quoi
encore. Ah oui, bien entendu : ces jeunes sont probablement manipulés, n’est-ce
pas.
Il est aussi de bon ton,
que ce soit pour l’encenser ou la ridiculiser, d’évoquer la figure de Greta
Thunberg[i]. Naturellement,
il est permis de s’interroger sur l’engouement provoqué par cette jeune fille[ii], qui
semble être à l’origine du mouvement. On a pu voir un peu partout son visage de
lutin renfrogné, au milieu d’adolescents extasiés, à quelque tribune de l’ONU
ou de l’Union européenne, aux côtés de responsables politiques au sourire
onctueux… La voilà devenue une vedette internationale, promenant à travers l’Europe
un panneau où l’on peut lire : Skolstrejk för klimatet[iii]. Outre
lui souhaiter de ne pas se laisser griser par cette subite célébrité, comment
ne pas se demander qui la soutient, par quels moyens elle se paie tous ces
voyages, etc. D’aucuns ont apporté des réponses : d’abord (et tout
simplement), les parents de Mlle Thunberg sont aisés et pas complètement
inconnus en Suède ; ensuite, il semblerait qu’un homme d’affaires suédois,
M. Ingmar Rentzhog, cherche à la mettre en avant pour en tirer de juteux
profits. Ajoutons à cela que Mlle Thunberg est atteinte d’une forme « bénigne »
d’autisme, et voilà qui suffit à certains pour en faire un pitoyable pantin
destiné à hypnotiser notre belle jeunesse au profit d’un mystérieux « lobby
vert ».
A cela il faut répliquer
deux choses.
Premièrement, je me
demande quels peuvent être les moyens et les buts inavouables d’un éventuel « lobby
écologiste ». Divers lobbies travaillant au profit de groupes
pétroliers, chimiques ou autres sont probablement plus puissants et leurs buts
sont clairs : pouvoir continuer de gagner de l’argent à tout prix, quelles
qu’en soient les conséquences sur l’environnement. Alors ?
Certes, il existe aussi
des industriels aussi peu scrupuleux en matière d’environnement mais simplement
plus modernes ; ceux-ci entendent se faire une place sur un marché qui ne
demande qu’à croître dans des proportions assez monstrueuses pour leur faire gagner
des sommes d’argent aussi folles que celles dont profite une industrie déjà
ancienne ; d’une manière peut-être aussi déraisonnable, d’ailleurs. La sauvegarde
du climat ne serait pour eux qu’un noble prétexte, non pas pour sécher les
cours cette fois, mais pour s’enrichir[iv]. L’hypothèse
de l’intervention de M. Rentzhog devient alors plausible.
Cependant – et secondement
– ce mouvement de jeunes – ridicule ou non, manipulé ou non – manifeste une
vertu que nous autres, vieux fossiles, avons parfois perdue en devant souvent
plutôt de grandes personnes que des adultes. On pourrait nommer cette vertu exigence
de loyauté ou plus brièvement honneur : Mesdames et Messieurs
les politiques, puisque vous ou vos prédécesseurs avez pris des engagements au
nom de vos pays, eh bien, qu’attendez-vous pour les tenir ? C’est bien
plus sérieux que toute la prétendue raison économique qui imposerait de ne pas
bouleverser certaines habitudes – ou situations de rente –, laquelle peut aussi
bien se nommer paresse ou lâcheté. Et cela mérite au moins notre
estime.
(Et puis, que
voulez-vous, je trouve sympathiques les jeunes filles déraisonnablement têtues,
cela depuis 1429. Toutes proportions gardées, bien entendu.)
[i] Au sujet de laquelle on
signalera aux journalistes de France-Culture que son nom n’est pas Sönberg.
[ii] Encore pour les
journalistes de France-Culture : elle a 16 ans, ce qui n’en fait pas une « jeune
femme », comme on a pu l’entendre sur ces augustes ondes en février.
[iii] Ne boudons pas notre
plaisir à voir un panneau en suédois sillonner l’Europe…
[iv] Signalons à titre
gracieux à ces audacieux industriels que les problèmes écologiques ne se
limitent pas au climat. Et que remplacer la gloutonnerie en pétrole et en
charbon par une autre ne fera que déplacer les problèmes.
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