samedi 16 février 2019

D’un point de vue postmoderne…

A des fins qu’il reste à identifier, le parti qui se nomme Les Républicains a choisi comme tête de liste aux prochaines élections européennes M. François-Xavier Bellamy. L’homme étant étiqueté catholique et conservateur, lui ont été immédiatement associés Mme Evren et M. Danjean probablement pour satisfaire les électeurs libéraux ou ceux qui votent LR parce que c’est LR. Curieux attelage, donc, d’un professeur de philosophie – a priori un homme qui pense – avec deux « fonctionnaires » d’un parti sont il n’est pas membre et où l’on semble, avec une constance digne d’éloges, s’abstenir de penser. Peut-être M. Wauquiez a-t-il voulu ratisser large, ce qui se nomme plus du marketing que de la politique.
M. Bellamy, apparemment, est catholique et ne le cache pas. Il se murmure même qu’il serait « personnellement » opposé à l’avortement. Tout cela serait fort bien si cela ne rappelait pas quelque peu M. Fillon, encore que M. Bellamy paraisse à première vue plus réfléchi et sincère que M. Fillon. Contentons-nous pour notre part de remarquer qu’être opposé à l’avortement parce qu’on est catholique est une chose des plus logiques qui soient. Pour rester logique, il est d’ailleurs de nombreuses choses qui pourraient découler le plus simplement du catholicisme revendiqué de M. Bellamy et qui risqueraient de ne pas plaire à LR, aux électeurs automatiques de ce parti, ni au courant libéral de ce parti. En matière économique et sociale, notamment.
Je n’ai pas de réponse quant à ces doutes. Peut-être me faudrait-il me renseigner plus sur M. Bellamy et les idées qu’il professe pour m’en faire une, avant que le parti auquel il a eu l’étrange idée d’accepter de s’associer n’entreprenne de le bâillonner.
En tout cas, la découverte de M. Bellamy par les journalistes de la grosse presse a donné lieu au déversement de clichés plus ou moins hargneux sur les catholiques. En tant que catholique, ces clichés m’amusent et me réjouissent parfois : si aujourd’hui nos ennemis n’ont que cela comme argument, c’est qu’ils n’ont que le néant à nous opposer.
Ces clichés, donc, reflètent surtout le vide, la paresse et l’inculture du commun des journalistes et des politiciens. On pourrait les résumer comme suit : on dira de quelqu’un qu’il est catholique pratiquant s’il a été aperçu dans une église un dimanche à l’heure de la messe ; si le phénomène se répète plusieurs dimanches, on le dira catholique fervent ; et si c’est tous les dimanches, il deviendra un catholique traditionaliste ; il sera un catholique intransigeant s’il avoue en public croire en Dieu, y compris en semaine ; et un catholique intégriste s’il fréquente une paroisse où le sanctus et l’agnus sont parfois chantés en latin (sans parler du gloria et du credo pour certaines solennités et fêtes) ; s’il va parfois à la messe en semaine, ce sera un catholique sectaire, et s’il s’agenouille au moment de l’élévation, on le dira catholique fanatique.
Naturellement, de telles pratiques religieuses finissent par avoir des conséquences diverses. Un catholique opposé à l’avortement sera fatalement un catholique conservateur. S’il exprime des réserves – et même un peu plus – sur les délires « sociétaux » à la mode depuis quelques années, il conviendra d’ajouter proche de la Manif Pour Tous.
Il faudrait éplucher la presse entière pour vérifier si tous ces qualificatifs ont été employés pour désigner – ou dénigrer – M. Bellamy. Mais la vie est courte, que voulez-vous.
Du reste, pour un catholique soucieux de cohérence, il n’y pas que l’avortement ou les délires « sociétaux » à la mode dans la vie. Il y a aussi les questions liées à l’accueil des migrants, au souci des plus pauvres, au respect de la création (ou à l’écologie, si vous préférez)… Mais là le catholique cohérent risque de sentir le fagot pour l’électeur LR automatique, et aussi pour des macroniens que M. François Sureau a récemment gratifiés de l’aimable appellation de nains de jardin. Pour ceux-là un tel catholique ferait probablement figure de gauchiste, de bolchévique ou plutôt de partageux, pour parler en bon bourgeois louis-philippard.
Or toutes ces questions sont plus liées entre elles qu’on ne croit. Si pour ma part je parvenais à me voir de l’œil postmoderne d’un macronien de base, je me considèrerais peut-être comme un catholique fanatique, conservateur, proche de la Manif Pour Tous et bolchévique. Et je m’enfuirais, l’esprit confus, en poussant des hurlements de terreur.
Mais après tout, cette bourgeoisie postmoderne fait peut-être partie des nombreuses périphéries à évangéliser…

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