A des fins qu’il reste à
identifier, le parti qui se nomme Les Républicains a choisi comme tête
de liste aux prochaines élections européennes M. François-Xavier Bellamy. L’homme
étant étiqueté catholique et conservateur, lui ont été immédiatement associés
Mme Evren et M. Danjean probablement pour satisfaire les électeurs libéraux ou
ceux qui votent LR parce que c’est LR. Curieux attelage, donc, d’un
professeur de philosophie – a priori un homme qui pense – avec deux « fonctionnaires »
d’un parti sont il n’est pas membre et où l’on semble, avec une constance digne
d’éloges, s’abstenir de penser. Peut-être M. Wauquiez a-t-il voulu ratisser
large, ce qui se nomme plus du marketing que de la politique.
M. Bellamy, apparemment,
est catholique et ne le cache pas. Il se murmure même qu’il serait « personnellement »
opposé à l’avortement. Tout cela serait fort bien si cela ne rappelait pas
quelque peu M. Fillon, encore que M. Bellamy paraisse à première vue plus
réfléchi et sincère que M. Fillon. Contentons-nous pour notre part de remarquer
qu’être opposé à l’avortement parce qu’on est catholique est une chose des plus
logiques qui soient. Pour rester logique, il est d’ailleurs de nombreuses
choses qui pourraient découler le plus simplement du catholicisme revendiqué de
M. Bellamy et qui risqueraient de ne pas plaire à LR, aux électeurs
automatiques de ce parti, ni au courant libéral de ce parti. En matière
économique et sociale, notamment.
Je n’ai pas de réponse
quant à ces doutes. Peut-être me faudrait-il me renseigner plus sur M. Bellamy
et les idées qu’il professe pour m’en faire une, avant que le parti auquel il a
eu l’étrange idée d’accepter de s’associer n’entreprenne de le bâillonner.
En tout cas, la
découverte de M. Bellamy par les journalistes de la grosse presse a donné lieu
au déversement de clichés plus ou moins hargneux sur les catholiques. En tant
que catholique, ces clichés m’amusent et me réjouissent parfois : si
aujourd’hui nos ennemis n’ont que cela comme argument, c’est qu’ils n’ont que
le néant à nous opposer.
Ces clichés, donc,
reflètent surtout le vide, la paresse et l’inculture du commun des journalistes
et des politiciens. On pourrait les résumer comme suit : on dira de quelqu’un
qu’il est catholique pratiquant s’il a été aperçu dans une église un
dimanche à l’heure de la messe ; si le phénomène se répète plusieurs
dimanches, on le dira catholique fervent ; et si c’est tous les
dimanches, il deviendra un catholique traditionaliste ; il sera un catholique
intransigeant s’il avoue en public croire en Dieu, y compris en semaine ;
et un catholique intégriste s’il fréquente une paroisse où le sanctus
et l’agnus sont parfois chantés en latin (sans parler du gloria
et du credo pour certaines solennités et fêtes) ; s’il va parfois à
la messe en semaine, ce sera un catholique sectaire, et s’il s’agenouille
au moment de l’élévation, on le dira catholique fanatique.
Naturellement, de telles
pratiques religieuses finissent par avoir des conséquences diverses. Un catholique
opposé à l’avortement sera fatalement un catholique conservateur. S’il
exprime des réserves – et même un peu plus – sur les délires « sociétaux »
à la mode depuis quelques années, il conviendra d’ajouter proche de la Manif
Pour Tous.
Il faudrait éplucher la
presse entière pour vérifier si tous ces qualificatifs ont été employés pour
désigner – ou dénigrer – M. Bellamy. Mais la vie est courte, que voulez-vous.
Du reste, pour un
catholique soucieux de cohérence, il n’y pas que l’avortement ou les délires « sociétaux »
à la mode dans la vie. Il y a aussi les questions liées à l’accueil des
migrants, au souci des plus pauvres, au respect de la création (ou à l’écologie,
si vous préférez)… Mais là le catholique cohérent risque de sentir le fagot
pour l’électeur LR automatique, et aussi pour des macroniens que M.
François Sureau a récemment gratifiés de l’aimable appellation de nains de
jardin. Pour ceux-là un tel catholique ferait probablement figure de
gauchiste, de bolchévique ou plutôt de partageux, pour parler en bon bourgeois
louis-philippard.
Or toutes ces questions
sont plus liées entre elles qu’on ne croit. Si pour ma part je parvenais à me
voir de l’œil postmoderne d’un macronien de base, je me considèrerais peut-être
comme un catholique fanatique, conservateur, proche de la Manif Pour Tous et
bolchévique. Et je m’enfuirais, l’esprit confus, en poussant des hurlements
de terreur.
Mais après tout, cette
bourgeoisie postmoderne fait peut-être partie des nombreuses périphéries à
évangéliser…
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