Certes, le 21 janvier
est, chaque année, l’occasion de faire mémoire de Louis XVI et de rappeler les
crimes dont s’est rendue coupable une révolution dont bien des gens se
réclament ou reprennent les symboles, des « gilets jaunes » aux
défenseurs de « l’ordre républicain ». Observons que parmi ces
derniers il s’en trouve pour estimer qu’il suffit de tirer dans le tas pour
régler les questions posées par le mouvement des « gilets jaunes ».
La caution philosophique de ce nouveau genre de bourgeois louis-philippards a récemment
été fournie par M. Luc Ferry, dit-on. Grand bien lui fasse. Louis-philippard
est bien le mot qui sied : Louis-Philippe Ier, « roi des
Français », n’avait-il pas acquis, aux côtés de son père, une bonne
connaissance des milieux montagnards[i] ?
Peut-être cette date
est-elle aussi l’occasion de s’interroger sur ce dont l’agitation qui effraie en
ce moment les assis[ii]
est le signe. De beaucoup de choses, certainement, des plus matérielles aux
plus profondes, et je me garderai bien d’en proposer une liste exhaustive. Posons-nous
cependant une première question : ne serions-nous pas à un de ces moments
où la politique révèle tout ce qu’elle a de vide ? Il me vient à l’esprit
une citation : « La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire,
collectif. Le roi n’est plus là ! » Elle est de M. Emmanuel Macron
(en 2015, certes). Chacun peut connaître un instant de lucidité.
Ce vide n’est pas
seulement politique. Il est aussi moral et spirituel. D’où certaines
expressions de désespoir ou l’irruption du n’importe quoi dans ce vide. Hors de
chez nous, M. Trump en fournit un bon exemple.
Pour se défendre, les
tenants de la bonne grosse démocratie libérale ont de pauvres armes à leur
disposition : la cuisine politicienne (en Suède ces derniers jours), la
raideur punitive (quoi que l’on pense du Brexit, le comportement des plus
hautes instances de l’Union européenne à l’égard du Royaume-Uni évoque le désir
de faire un exemple, au cas où d’autres pays seraient tentés), voire le
complotisme qu’ils reprochent – pas toujours à tort – à leurs adversaires :
si un événement politique leur déplaît, ce ne peut être que le fruit d’une
conspiration ourdie dans quelque officine moscovite.
Ce monde-là paraît aux
abois, avec ses réactions parfois dignes des démocraties populaires
finissantes. Il semble que tout un monde bâti sur la philosophie des lumières
et certains de ses prémices remontant – pour faire vite – à la Renaissance ou à
la Réforme, en passant par Descartes, vacille. Certes, il a encore quelques
sursauts. On les voit dans toutes les absurdités « sociétales » qu’il
promeut, souvent associées à un mépris de la vie, de la nature, du donné,
mais aussi des liens qui font une société. Ces absurdités, il les défend avec
acharnement : il n’est besoin que de voir avec quelle hargne les petits
automates que l’on nomme « députés LREM » ont attaqué l’une d’entre
eux, Mme Thill, qui a osé exprimer quelques doutes sur les évolutions prévues
dans la prochaine révision de la loi bioéthique ; il est aussi probable
que ces prochains jours, à des fins électorales, certes, la bonne grosse presse
instruise un procès en sorcellerie contre M. Bellamy.
A côté de ces absurdités,
derniers signes de vie de ce monde-là, des pans entiers du décor tombent,
dévoilant des perspectives peu enthousiasmantes, en matière d’écologie par
exemple : dégradation du climat, extinction d’espèces, maladies liées à
diverses substances chimiques…
C’est naturellement une
fois qu’il a causé des désastres que le mal est plus facile à constater. Et ce
n’est pas réjouissant. Il semble que le démon qui a fait bâtir aux hommes le
monde moderne (industriel et libéral, en gros) vienne aujourd’hui lui présenter
la note, avec de désespérants ricanements. Le moment n’est certes pas des plus
agréables.
Pour en revenir à des
domaines plus étroits, ceux de la situation actuelle en France par exemple, l’espérance
peut venir de diverses initiatives, comme ici un appel pour un nouveau
catholicisme social. C’est au moins digne d’intérêt.
[i] Curieusement, on
apprenait, ce 21 janvier 2019, le décès de monseigneur le comte de Paris,
descendant direct de ce lieutenant général du royaume qui chipa le trône à
Henri V en juillet 1830. Qu’il repose en paix.
[ii] Le FMI aurait même,
dit-on, réévalué à la baisse ses prévisions de croissance pour la France. Pour les
âmes bourgeoises, cela équivaut à peu près à… oh, imaginez tout ce que vous
voudrez de plus sacrilège.
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