Il aura été assez parlé
un peu partout de l’affaire Benalla pour que je n’aie pas besoin d’ajouter
mon grain de sel à tout ce ragout. Je me contenterais volontiers d’en dire qu’il
ne s’agit pas tout à fait de rien, tout en n’étant pas de ces affaires qui
ébranlent l’Etat – ou le régime politique du moment – sur ses bases : en
somme, une illustration des aises que prennent avec les règles ou la simple
décence ceux qui occupent le pouvoir ainsi que leurs subordonnées, obligés et
courtisans. Le « nouveau monde » de M. Macron n’a peut-être pas
grand-chose de neuf.
Seulement, l’affaire a
fait du bruit, les réseaux prétendus sociaux ont gazouillé abondamment. Au point
qu’une organisation nommée EU Disinfo Lab a cru bon de publier une étude
censée vérifiée si tout le bruit autour de l’affaire ne résultait pas du
travail de mystérieuses officines moscoutaires[i]. Même
les inévitables « Décodeurs » du Monde n’ont pas paru convaincus par cette hypothèse[ii]. Soyons
généreux et offrons une piste aux zélateurs de M. Macron : le manifestant
molesté place de la Contrescarpe par le nommé Benalla se trouve être d’origine
grecque ; or les Grecs sont orthodoxes, tout comme les Russes ; l’ombre
menaçante de M. Poutine se profile dès lors, n’est-ce pas ?
Mais trêve de
plaisanteries. Ne voit-on pas, dans les cercles de la conformité moderne,
surgir l’hypothèse d’une conspiration dès que les événements leur déplaisent ?
Il en est ainsi en particulier des résultats de votes, qu’il s’agisse de ceux d’un
référendum, d’une élection ou d’un vote parlementaire. Ce genre de réaction a
sa part d’ironie, chez des gens toujours prompts à dénoncer chez les autres des
tendances conspirationnistes. L’exemple le plus récent en est le rejet par le sénat
argentin d’une loi visant à légaliser l’avortement. La grosse presse européenne
s’est étranglée de rage, évoquant à ce sujet la « pression » de l’Eglise
catholique sur la société argentine, en particulier sur les sénateurs. Libération
n’y est pas allé de main morte, parlant dans un article des « fachos »
de l’Opus Dei[iii].
Voilà-t-il pas, bonnes gens, que les sociétés libérales sont menacées par un
dangereux complot catholique mondial ?
Une vertu que l’on
pourrait attendre des partisans de la légalisation de l’avortement ou de ceux
qui considèrent cet acte comme un droit fondamental, c’est la cohérence. Or il
y a fort à parier que la plupart de ces gens sont opposés à la peine de mort. Et
ils sont ensuite capables de justifier l’avortement en prenant comme exemple le
cas de femmes enceintes à la suite de viols. Un partisan assez dur de la peine
de mort appliquerait volontiers celle-ci aux violeurs. Dans certaines sociétés
aussi archaïques que violentes, ce sont probablement les femmes violées que l’on
condamnerait à mort, tandis que nous les considérons évidemment comme
innocentes. Eh bien, chez les progressistes, ce sont les enfants qui pourraient
naître de viols que l’on se propose de condamner à mort. De tels enfants étant
tout aussi innocents que leurs mères, en quoi cela vaut-il mieux que lapider
celles-ci ?
Presque aussi incohérents
sont ceux pour qui l’avortement est un scandale et la peine de mort une
nécessité. Accordons-leur que le condamné à mort s’est, dans la plupart des cas
et à moins d’une erreur judiciaire, rendu coupable d’un crime, un meurtre par
exemple. Mais est-il nécessaire d’ajouter des morts aux morts ?
Ce genre d’incohérence
est notamment présente chez quelques autoproclamés supercatholiques choqués par
quelque récente mise à jour du catéchisme de l’Eglise catholique au sujet de la
peine de mort. On trouve probablement parmi ces derniers des personnes
atteintes d’une curieuse maladie nommé par certains bergogliophobie. Les
plus gravement atteints en sont peut-être à s’imaginer que l’élection du pape
François est le fruit d’un complot maçonnique. Que voulez-vous : à chacun
son complot !
[i] Comme on disait au bon
vieux temps.
[ii] Voir ici.
[iii] Voir ici.
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