De récents propos du pape
sur la « colonisation idéologique » opérée avec la « théorie du
genre » ont eu l’heur de scandaliser le petit monde du progressisme
français, qui a envoyé en pointe son fidèle grenadier-voltigeur, la brave Mme
Vallaud-Belkacem, notre méritante ministre de l’Education nationale. On
pourrait qualifier de reposantes de telles réactions, tant on s’est habitué en
trois ans et demi à entendre venir de droite la plupart des sottises prononcées
contre le pape François.
Donc, Mme
Vallaud-Belkacem a cru bon d’exprimer sa « colère » contre le pape,
qu’elle dit mal informé et sous l’influence des zintégristes (sans doute
l’équivalent religieux ou spirituel des pseudo-z-intellectuels opposés à
ses réformes) parmi lesquels on trouverait la fondation Jérôme Lejeune. Ce qui
appelle plusieurs commentaires.
Remarquons pour commencer
que ce gouvernement a un problème avec toute forme de contestation ou de
critique à son égard : qui que l’on soit, si l’on a l’outrecuidance
d’émettre la moindre réserve quant à ses projets réels ou supposés, l’on finira
classé parmi les fanatiques, les intégristes, les extrémistes ou pire encore.
A ce propos, il est
amusant (ou navrant) d’entendre qualifier d’intégriste la fondation Jérôme Lejeune,
laquelle entreprend de poursuivre l’œuvre d’un médecin qui fut parmi les
premiers à s’intéresser aux trisomiques en tant que personnes et non en tant que
fardeau, luttant ainsi contre le mépris dont ils ont pu souffrir par le passé
et contre les tentations eugénistes qui les menacent (et plus parfois) de nos
jours. A propos de ces menaces, constatons qu’une des pires injures dans la
bouche d’un progressiste est : pro-vie. On ose espérer que les
progressistes ne se vantent pas (même en secret) d’être pro-mort.
Enfin, quant à
l’influence supposée des intégristes catholiques sur le pape, cette hypothèse
relève de la bouffonnerie la plus baroque, presque aussi baroque que les
insultes vomies à longueur de temps par les plus flamboyants et les plus
imbéciles des intégristes contre celui-ci. Certains d’entre eux n’ont
d’ailleurs pas manqué de relever dans les propos du pape quelques paroles de
bienveillance envers les transsexuels. Pour ma part, qu’ils se rassurent :
je n’éprouve aucune haine envers les imbéciles, le pape non plus, certainement.
Naturellement, la presse
libérale ou progressiste a rempli avec zèle sa mission, tartinant ses colonnes
et ses sites internet de l’antienne désormais bien connu : la théorie
du genre n’existe pas, combien de fois faudra-t-il le marteler ?
Certes, dire que la théorie du genre n’existe pas, en chipotant sur les mots,
cela peut s’admettre. Mais c’est insuffisant. On ne saurait nier qu’il existe
une ambiance, un bain idéologique qui se nourrirait de ce qu’il faudrait nommer
études de genre. Les média populaires et bourgeois en exsudent à pleines
pores les lieux communs, et l’on ne saurait exclure une certaine perméabilité
de quelques milieux scolaires…
Tout cela peut aussi bien
être vu comme un prétexte pour séparer les enfants – et même les adultes – de
toute vision traditionnelle ou fondée des choses et des êtres, pour mieux en
faire les consommateurs indifférents ou les citoyens obéissants d’un système où
la technique – médicale en l’occurrence[i] – et
le commerce ou l’Etat décideront de tout[ii].
(Il faut aussi se
rappeler que, selon une phrase bien connue attribuée à tant d’auteurs
(Baudelaire ?), la plus grande ruse du diable consiste à nous faire croire
qu’il n’existe pas. Bien entendu, nous ne saurions comparer Mme Vallaud-Belkacem
au diable, pas plus que Mme Taubira lorsqu’elle considérait comme mensongers
les soupçons sur ce que préparait sa loi sur le mariage. Ce serait leur faire
injure, et elles n’ont d’ailleurs jamais prétendu ne pas exister. Mais, à force
de vouloir dénigrer toute critique, qui sait si quelque responsable politique
ne finira pas par le prétendre à leur place ? Si ce jour advenait, à la
place de ces dames, je me méfierais.)
Observons enfin que
quelques commentateurs politiques (j’en ai entendu un sur France-Culture)
avancent qu’avec ses propos sur la « théorie du genre » et la
« colonisation idéologique », le pape aurait cherché à « ménager
son aile droite », voire à « mobiliser les troupes de la Manif
pour tous pour le 16 octobre ». Comment dire ? Le pape, comme
chaque chrétien (et même chaque homme) est appelé à la sainteté. Peut-être,
« nous autres catholiques » le vénérerons-nous un jour comme un
saint. Mais cela n’a rien à voir avec les ailes – que ce soit l’aile gauche ou
l’aile droite –, lesquelles sont, comme chacun sait, des attributs angéliques,
soit une toute autre affaire. Quant au 16 octobre et à la Manif pour tous,
on ignorait jusqu’ici que le pape en fût un porte-parole[iii].
[i] Argument
sentimental : on ne saurait empêcher les chercheurs de s’amuser un peu. Ce
serait méchant, voire obscurantiste. Avec de tels arguments, on est loin du
professeur Lejeune…
[ii] « Que tenter contre une puissance qui contrôle
le Progrès moderne, dont elle a créé le mythe, tient l’humanité sous la menace
des guerres qu’elle est seule capable de financer, de la guerre devenue comme
une des formes normales de l’activité économique, soit qu’elle la prépare, soit
qu’on la fasse ? » (Georges Bernanos, Les Grands cimetières sous la lune). La puissance ainsi désignée
par Bernanos n’est pas l’Etat, mais bien l’Argent.
[iii] Quoi qu’il en soit, une
sournoiserie aussi épaisse de la part des autorités politiques et de la presse
donne envie d’aller se promener entre la porte Dauphine et le Trocadéro le 16
octobre.
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