Revenant de vacances en
Suède, je n’en ai point rapporté de perles, l’huître n’étant guère, à ma
connaissance, une spécialité des rivages de la mer baltique. Disons plutôt,
pour célébrer une ancienne richesse desdits rivages, que j’ai pu ramasser ici
et là ce que l’on pourrait nommer quelques morceaux d’ambre, de valeur variée…
Littérature
L’édition en Suède, vue
par un visiteur régulier habitant la France, semble un désert. Il est
impossible, par exemple, de trouver – hormis ses deux ou trois derniers
ouvrages – les livres d’un écrivain contemporain de quelque intérêt, que ce
soit en édition normale ou en édition de poche. A la décharge des éditeurs
suédois, reconnaissons que le marché est limité : la Suède est peu peuplée
et, pour l’export, à part la Finlande… Ajoutons à cela que l’intérêt pour la
vraie littérature semble mince en Suède : je me rappelle les bonds de joie
que fit quasiment une libraire de Stockholm, il y a quelques années, lorsque je
me présentai à la caisse avec un ou deux écrits de Strindberg (un auteur
considéré pourtant comme « classique » et régulièrement réédité) dans
une banale édition de poche ; encore un peu et je sortais avec une
médaille.
Or voici, miracle !
que je suis tombé cette année sur une édition de l’œuvre romanesque complète de
Carl-Henning Wijkmark, présentée en deux beaux volumes solidement cartonnés et
reliés.
Pour la petite histoire,
c’est grâce au Cahier de l’Herne consacré à Roger Nimier en septembre 2012 que
j’ai appris l’existence de cet écrivain. Un de ses romans, Derniers jours[i],
tourne en effet autour d’un personnage librement inspiré de Nimier. A découvrir
avec appétit ? La France, du reste, n’est pas complètement absente d’un
autre roman du même auteur, Toi qui n’es pas[ii],
encore qu’il y soit plutôt question de la guerre de Finlande…
Notons en passant que
Roger Nimier fait partie de quelques excellents écrivains français parfaitement
inconnus en Suède. Un peu d’esprit français, caustique et tendu, ferait
pourtant un grand bien à mes frères suédois.
A en
perdre son latin
Autrefois, disons jusqu’à
il y a une cinquantaine d’années, tout Suédois qui se piquait de culture se
devait de savoir parler français. Avec, souvent, un charmant accent, germanique
mais chantant, et quelques fautes sans doute secrètement destinées à faire
sourire de mauvais esprits bien français.
Outre le domaine
littéraire, un certain chic français est demeuré dans les métiers de bouche ou
dans l’habillement. Une certaine dégradation touche le vocabulaire attenant d’importation
française, au fur et à mesure qu’il se répand dans des couches peu au fait de
notre langue. Ici et là, on peut commander à la carté un juteux entrecot
avec des pommes.
L’invasion du
sous-anglais mondialisé n’épargne pas, bien entendu, la Suède. A Stockholm,
pour les soldes d’été, on pouvait voir cette année sur toutes les vitrines, au
lieu de l’habituel rea (abréviation de realisation !), le
mot anglais sale. Ce mot, apposé en énormes majuscules sous le nom d’une
boutique prétendant au chic français, disons la chemise (exemple
authentique), révèle tout le potentiel comique du sabir boutiquier.
Les Beatles étaient-ils russes ?
La crainte d’une
agression russe est une vieille obsession suédoise. Elle a ses fondements
historiques. Elle a aussi parfois provoqué d’énormes et catastrophiques
sottises !
On pouvait lire dans la
presse suédoise, lundi 27 juillet, que des plongeurs (civils et travaillant
pour une entreprise privée de pêche aux épaves) avaient trouvé près des côtes d’Uppland[iii] l’épave
d’un petit sous-marin, de type « vraisemblablement moderne », dont la
coque, de couleur jaune, portait des inscriptions en caractères cyrilliques. Analyse,
le jour même, d’un journaliste de Svenska Dagbladet « spécialisé
dans les questions de défense » : il pourrait bien s’agir d’une
nouvelle provocation russe, et compte tenu du contexte (l’Ukraine, tout ça,
tout ça) !
Vu la couleur du
sous-marin découvert, il eût été loisible de supposer que le texte peint en caractères
cyrilliques sur sa coque était Ӗлo Cyƃmapйн et de redouter de trouver à
l’intérieur les cadavres de nombreux Beatles russes[iv].
Il n’en fut rien, Dieu
merci. Mardi 28, un communiqué de la marine indiquait que le sous-marin
avait été identifié. Il avait dû couler
accidentellement en 1916. Mais, après tout, qui nous dit que l’on ne pouvait
pas être moderne en 1916 ?
La nouvelle a donc
rejoint le rebut des bobards et bouteillons de rötmånaden[v], ayant juste le temps de
permettre à quelques folliculaires russes de se gausser…
[i] Sista dagar, 1986.
[ii] Du dom ej finns, 1997.
[iii] Soit fort près de
Stockholm.
[iv] Environ seize, si l’on
tient compte du rapport entre la population du Royaume-Uni et celle de l’URSS
au milieu des années 1960. Cette estimation vaut ce qu’elle vaut.
[v] Le mois de la pourriture :
en gros, à partir de fin juillet, quand le temps se fait chaud et humide ;
c’est aussi le moment où, comme partout en Europe, les journalistes sont
désespérément à l’affût de quelque événement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Un commentaire ? Inscrivez-vous ! Si vous êtes timide, les pseudonymes sont admis (et les commentaires modérés).