A moins d’habiter une
grotte, chaque Français aura entendu parler des récentes
« panthéonisations » au cours desquelles M. Hollande s’est fendu d’un
discours paraît-il médiocre[i]
devant des cercueils parfois vides. Loin de moi l’idée de railler ou de
dénigrer les honneurs rendus à quelques personnes qu’il n’est guère exagéré de
considérer comme des résistants héroïques[ii],
mais je reste décidément imperméable aux pompes républicaines, à leur liturgie
en toc, à leurs simagrées aussi creuses que le son d’un cercueil vide. Il est
d’ailleurs ironique de voir nos présidents perpétuer ce rite parodique dans un
bâtiment qui fut initialement une église.
Les habitués de cette
modeste chronique savent déjà ce que je pense du Panthéon, s’ils ont lu un billet écrit il y a bientôt deux ans où je citais un passage du Dictionnaire
historique des rues de Paris, de Jacques Hillairet : « L’église,
achevée au début de la Révolution, était loin d’être le monument de nos jours.
Elle avait alors 42 hautes baies (on reconnaît leur emplacement dans les mornes
façades actuelles[iii]),
deux clochers de section carrée, de près de 40 mètres de haut… »
Hypertextualité
Cette citation, je l’ai
récemment recyclée dans un commentaire sur un article d’un blogue fort
recommandable (ici), qui avait pour sujet l’aveuglement des militants des
partis politiques. Soyons précis : c’était ma réponse à la réponse d’un
autre lecteur à un premier commentaire que j’avais envoyé. En résumé, ce
lecteur et moi étions d’accord pour qualifier le militantisme inconditionnel de
religiosité dévoyée, et la discussion s’était orientée vers le Panthéon.
Dans ma réponse, après avoir cité Hillairet sur les transformations subies par
la ci-devant église Sainte-Geneviève, je suggérai à cet autre lecteur d’imaginer
quelle lumière il eût encore pu y entrer si…
(Parenthèse :
pardon, chers lecteurs ; j’espère ne pas vous avoir égarés dans ces
méandres intertextuels – ou hypertextuels ? Mais reprenons.)
Ma réponse provoqua celle
de l’auteur du blogue (Patrice de Plunkett, en l’occurrence), qui me fit
sourire : « La lumière ou les Lumières, il faut choisir... »
Vous
prendrez bien un peu de symbolique ?
Effleurons ce que ce
trait d’esprit, que j’ai fort goûté, peut avoir de sérieux et, pourquoi pas, de
symbolique.
La lumière, à travers les
vitraux d’une église, vient du dehors : du jour, lequel, pour un croyant,
fait partie de la Création ; elle nous est donnée. Certes,
m’objectera-t-on, mais quid des cierges et des veilleuses ? Eh
bien, ce sont des signes et non des luminaires : signes des prières des
fidèles pour les cierges, et de la présence réelle du Christ dans le tabernacle
pour la veilleuse. Cela est bien, m’objectera-t-on, mais il faut bien éclairer
les églises la nuit, s’il y est célébré quelque office… Je ne le nie pas, mais
cela peut être vu comme l’acceptation de ce que la nuit survient à son heure et
que nous sommes exposés au rythme des nuits et des jours, rythme qui fait lui
aussi partie de la Création.
Dans le Panthéon muré ou
aveuglé, en revanche, la lumière du jour, donnée aux hommes de même que
le rythme des jours et des nuits, est refusée. Quelle que soit l’heure,
quelle que soit la saison, il faudra en permanence des luminaires :
pauvres Lumières qui ne viennent que d’hommes se croyant affranchis des
contraintes naturelles. Triste simulacre que celui de ce Panthéon[iv] où
les hommes s’adorent dans leur pénombre.
Substitution
A propos d’églises
détournées, un dignitaire musulman français a proposé il y a quelques jours
d’utiliser les nombreuses églises vides de notre pays pour en faire des
mosquées. Cela me choque, évidemment, comme bien des Français[v]. Mais
il faudrait peut-être, si nous aimons tant ces églises, leur rendre un peu de
leur vie. Que faites-vous, dimanche prochain ? Entrez donc dans une église
qui n’est pas vide et goûtez à la joie[vi]…
[i] Je n’ai pas écouté les
détails de ce discours. Pour être honnête, je considère désormais la vie trop
courte pour lire ou écouter les discours des politiciens.
[ii] Geneviève de Gaulle,
Germaine Tillion, Pierre Brossolette.
[iii] On les distingue en
effet, particulièrement sous une lumière oblique, un soir de printemps, par
exemple.
[iv] Et non un Panhagion – un hellénisant de passage
pourrait-il m’indiquer si ce mot est possible ? – où l’on pourrait méditer
sur les vertus de quelques compatriotes remarquables.
[v] Pour des raisons fort bien
exposées par d’autres, comme ici, par exemple.
[vi] A ce sujet, voir ici chez
Koztoukours.
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