mardi 25 février 2014

Machiavel pour les nuls

Comme j’ai peu de temps en ce moment, je me contenterai de quelques réflexions – dans un registre paranoïaque – sur un événement récent. Je veux parler de la manifestation qui s’est déroulée à Nantes samedi dernier contre le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes, manifestation qui a quelque peu tourné à l’émeute.
Un Ayrault de l’aviation
Pour mes éventuels lecteurs étrangers, plantons le décor : M. Ayrault, premier ministre et ancien maire de Nantes, est depuis quelques années l’ardent promoteur du projet de construction d’un nouvel aéroport près de sa bonne ville, au lieu nommé Notre-Dame des Landes. Ce projet est vivement contesté, au point que la zone visée pour l’implantation de ce qu’on nomme désormais l’Ayrault-port est occupée depuis plus d’un an par des opposants.
Ces occupants, pour la plupart, seraient un ramassis de gauchistes crasseux, demi-soldes de l’émeute itinérante. De temps en temps, ils se frottent à des CRS essayant en vain de les déloger de la zone où ils se sont installés.
Tout cela n’interdit pas, du reste, à des voix raisonnables (de toutes tendances et « couleurs ») de tonner contre ce projet, ne serait-ce que parce que Nantes possède déjà un aéroport qui serait, à ce qui se dit, loin d’être saturé.
Même les « écologistes » d’EELV sont contre : c’est dire ! Cela ne les empêche pas, du reste, de conserver deux ministres dans le gouvernement de M. Ayrault. La soupe est bonne, apparemment, pour Mme Duflot…
Comparaison n’est pas raison
Les touristes de l’émeute, cela existe à gauche comme à droite – un peu plus à gauche qu’à droite, semble-t-il. Affaire de mode, peut-être.
A droite, on le sait bien : quelques excités ont bien essayé de se mêler aux Manifs pour tous – sans grand succès en fait, le service d’ordre ayant dans l’ensemble bien fait son travail. Ces bas de plafond ont cependant été fort utiles à M. Valls pour désigner ces manifestations comme une menace fasciste. Deux remarques à ce sujet : premièrement, nous sommes en 2014, pas en 1934 ; et, pour ce qui est de menaces fascistes (pour ne pas dire pires), que M. Valls aille voir ce que sont certains des valeureux combattants de la liberté et de l’Europe du côté de Kiev.
A Nantes, samedi 22, c’était d’une autre ampleur : environ un millier de furieux gauchards – black blocks et autres antifas mêlés aux zadistes – se sont fait plaisir. Mais que l’on n’aille pas parler de mansuétude à leur égard de la part des autorités : M. Valls a vigoureusement dénoncé ces débordements.
Gageons en tout cas que ces débordements-là non plus ne lui ont pas été inutiles.
La Manip Fourre-Tout
La provocation policière n’est pas une nouveauté. Tous les régimes l’ont pratiquée. J’ai déjà mentionné dans une note récente (iciLe nommé Jeudi, roman écrit il y a plus de cent ans par Gilbert Keith Chesterton. Et il en est pour avancer que Hitler, au départ, était un mouchard infiltré par la Reichswehr dans le groupusculaire parti nazi en 1922 – auquel cas la Reichswehr était bien mal inspirée, la créature ayant échappé à son créateur…
M. Valls n’en est pas là, Dieu merci. Mais lâcher la bride à quelques gauchistes dans une manifestation contre un projet soutenu par M. Ayrault est toujours pour lui une opération intéressante. C’est bien simple :
Premièrement, si après les élections qui approchent, M. Ayrault reste en place, M. Valls pourra prouver sa fidélité en faisant passer tous ceux qui ne veulent pas de son joli aéroport pour des gauchistes violents et dangereux. Et du même coup contribuer à mettre Mme Duflot au pas, ou à la porte.
Secondement, si au contraire M. Ayrault est menacé d’être lâché par M. Hollande, M. Valls pourra lui porter le coup de grâce en laissant entendre que le seul résultat de ce désastreux projet de Notre-Dame des Landes est un trouble croissant à l’ordre public. Donc qu’il vaut mieux l’abandonner : occasion rêvée pour faire perdre la face à M. Ayrault.
Il lui suffira d’adapter son discours aux circonstances : il en sortira toujours vainqueur.
Je vois poindre une objection, et elle est de taille : tout cela est trop cohérent pour être vraisemblable ; cette analyse est donc celle d’un paranoïaque ! Pourquoi pas, en effet ? Je répondrai cependant que le calcul que j’ai ainsi imaginé est tellement mesquin qu’il me paraît possible.
Bon, allez, la prochaine fois, je tâcherai de parler de littérature. J’ai quelque chose sur le feu, mais c’est une cuisson qui prend du temps.

2 commentaires:

  1. Merci pour cet écart sur la voie du pot-au-feu littéraire, qui nous mène par les chemins forcément tortueux, forcément boueux, de la politique avec un petit p. L'autre politique, disons la politique avec un grand P, pour continuer dans les casses, emprunte d'ailleurs les mêmes chemins : nécessité fait loi, mais elle présente le mérite d'en sortir à un moment. Bref, ajoutons sur le fond que ce projet d'aéroport semble tout de même une sacrée connerie. Zut ! j'ai prononcé un gros mot qui jure avec le ton policé de ce blog. Mettons-le sur le compte de la concision subjective... Autrefois, après avoir pris une ville par la force, les barbares saccageaient de temps en temps un lieu de culture auquel ils ne comprenaient pas grand chose. Aujourd'hui, ce sont les élus qui saccagent de temps en temps un lieu de culture, etc.

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    1. Allons, allons, le mot "c...rie" est tout pardonné. Moi-même, en privé... Je vois en tout cas que nous sommes du même avis quant à ce projet d'aéroport.
      La politique, avec un petit p, peut aussi servir de prétexte à la littérature. Ne serait-ce que pour en dévoiler les petitesses, lesquelles deviennent alors objet de... Mais je tourne en rond, là...
      Avec un grand P, hélas, nous n'avons que peu d'exemples à nous fourrer sous la dent en ce moment. Nos gouvernants s'y essaient en ce moment, à une échelle internationale, avec l'Ukraine, et le résultat n'a pas l'air joyeux. C'est à se demander si la Politique n'est pas un domaine trop sérieux pour être confié à des politiciens.
      S.L.
      Bon, allez, il faut que j'aille surveiller le pot-au-feu promis.

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