Comme j’ai peu de temps en ce moment, je me
contenterai de quelques réflexions – dans un registre paranoïaque – sur un
événement récent. Je veux parler de la manifestation qui s’est déroulée à
Nantes samedi dernier contre le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes,
manifestation qui a quelque peu tourné à l’émeute.
Un Ayrault de l’aviation
Pour mes éventuels lecteurs étrangers, plantons le
décor : M. Ayrault, premier ministre et ancien maire de Nantes, est depuis
quelques années l’ardent promoteur du projet de construction d’un nouvel
aéroport près de sa bonne ville, au lieu nommé Notre-Dame des Landes. Ce projet
est vivement contesté, au point que la zone visée pour l’implantation de ce
qu’on nomme désormais l’Ayrault-port est occupée depuis plus d’un an par des
opposants.
Ces occupants, pour la plupart, seraient un ramassis
de gauchistes crasseux, demi-soldes de l’émeute itinérante. De temps en temps,
ils se frottent à des CRS essayant en vain de les déloger de la zone où ils se
sont installés.
Tout cela n’interdit pas, du reste, à des voix
raisonnables (de toutes
tendances et « couleurs ») de tonner contre ce projet, ne serait-ce que parce que Nantes
possède déjà un aéroport qui serait, à ce qui se dit, loin d’être saturé.
Même les « écologistes » d’EELV sont
contre : c’est dire ! Cela ne les empêche pas, du reste, de conserver
deux ministres dans le gouvernement de M. Ayrault. La soupe est bonne,
apparemment, pour Mme Duflot…
Comparaison n’est pas raison
Les touristes de l’émeute, cela existe à gauche
comme à droite – un peu plus à gauche qu’à droite, semble-t-il. Affaire de
mode, peut-être.
A droite, on le sait bien : quelques excités
ont bien essayé de se mêler aux Manifs
pour tous – sans grand succès en fait, le service d’ordre ayant dans
l’ensemble bien fait son travail. Ces bas de plafond ont cependant été fort
utiles à M. Valls pour désigner ces manifestations comme une menace fasciste.
Deux remarques à ce sujet : premièrement, nous sommes en 2014, pas en
1934 ; et, pour ce qui est de menaces fascistes (pour ne pas dire pires),
que M. Valls aille voir ce que sont certains des valeureux combattants de la
liberté et de l’Europe du côté de Kiev.
A Nantes, samedi 22, c’était d’une autre
ampleur : environ un millier de furieux gauchards – black blocks et autres antifas
mêlés aux zadistes – se sont fait
plaisir. Mais que l’on n’aille pas parler de mansuétude à leur égard de la part
des autorités : M. Valls a vigoureusement dénoncé ces débordements.
Gageons en tout cas que ces débordements-là non plus
ne lui ont pas été inutiles.
La Manip Fourre-Tout
La provocation policière n’est pas une nouveauté.
Tous les régimes l’ont pratiquée. J’ai déjà mentionné dans une note récente (ici) Le nommé Jeudi, roman écrit il y a plus
de cent ans par Gilbert Keith Chesterton. Et il en est pour avancer que Hitler,
au départ, était un mouchard infiltré par la Reichswehr dans le groupusculaire
parti nazi en 1922 – auquel cas la Reichswehr était bien mal inspirée, la
créature ayant échappé à son créateur…
M. Valls n’en est pas là, Dieu merci. Mais lâcher la
bride à quelques gauchistes dans une manifestation contre un projet soutenu par
M. Ayrault est toujours pour lui une opération intéressante. C’est bien
simple :
Premièrement, si après les élections qui approchent,
M. Ayrault reste en place, M. Valls pourra prouver sa fidélité en faisant
passer tous ceux qui ne veulent pas
de son joli aéroport pour des gauchistes violents et dangereux. Et du même coup
contribuer à mettre Mme Duflot au pas, ou à la porte.
Secondement, si au contraire M. Ayrault est menacé
d’être lâché par M. Hollande, M. Valls pourra lui porter le coup de grâce en
laissant entendre que le seul résultat de ce désastreux projet de Notre-Dame
des Landes est un trouble croissant à l’ordre public. Donc qu’il vaut mieux
l’abandonner : occasion rêvée pour faire perdre la face à M. Ayrault.
Il lui suffira d’adapter son discours aux
circonstances : il en sortira toujours vainqueur.
Je vois poindre une objection, et elle est de
taille : tout cela est trop cohérent pour être vraisemblable ; cette
analyse est donc celle d’un paranoïaque ! Pourquoi pas, en effet ? Je
répondrai cependant que le calcul que j’ai ainsi imaginé est tellement mesquin
qu’il me paraît possible.
Bon, allez, la prochaine fois, je tâcherai de parler
de littérature. J’ai quelque chose sur le feu, mais c’est une cuisson qui prend
du temps.
Merci pour cet écart sur la voie du pot-au-feu littéraire, qui nous mène par les chemins forcément tortueux, forcément boueux, de la politique avec un petit p. L'autre politique, disons la politique avec un grand P, pour continuer dans les casses, emprunte d'ailleurs les mêmes chemins : nécessité fait loi, mais elle présente le mérite d'en sortir à un moment. Bref, ajoutons sur le fond que ce projet d'aéroport semble tout de même une sacrée connerie. Zut ! j'ai prononcé un gros mot qui jure avec le ton policé de ce blog. Mettons-le sur le compte de la concision subjective... Autrefois, après avoir pris une ville par la force, les barbares saccageaient de temps en temps un lieu de culture auquel ils ne comprenaient pas grand chose. Aujourd'hui, ce sont les élus qui saccagent de temps en temps un lieu de culture, etc.
RépondreSupprimerAllons, allons, le mot "c...rie" est tout pardonné. Moi-même, en privé... Je vois en tout cas que nous sommes du même avis quant à ce projet d'aéroport.
SupprimerLa politique, avec un petit p, peut aussi servir de prétexte à la littérature. Ne serait-ce que pour en dévoiler les petitesses, lesquelles deviennent alors objet de... Mais je tourne en rond, là...
Avec un grand P, hélas, nous n'avons que peu d'exemples à nous fourrer sous la dent en ce moment. Nos gouvernants s'y essaient en ce moment, à une échelle internationale, avec l'Ukraine, et le résultat n'a pas l'air joyeux. C'est à se demander si la Politique n'est pas un domaine trop sérieux pour être confié à des politiciens.
S.L.
Bon, allez, il faut que j'aille surveiller le pot-au-feu promis.