Lundi 15 avril 2019, nous
étions entrés depuis la veille, dimanche des Rameaux, dans la Semaine sainte. Comme
chaque année, nous nous apprêtions à nous souvenir de la Passion du Christ
avant de célébrer Sa résurrection. Avec plus ou moins de foi et de ferveur. Chacun
a ses grandes et ses petites années.
Or voilà que ce lundi
soir, donc, un rude coup nous était asséné : on annonçait que Notre-Dame
de Paris était en feu.
En bon Parisien, je ne
pus que pleurer. Mais je savais bien que mes larmes, jointes à celles de tous
mes concitoyens pantruchards, ne pourraient rien pour éteindre ce désastreux
incendie, qui avait déjà emporté la flèche de notre cathédrale. Donc, en bon (?)
catholique, il me restait à prier. Le lendemain, on apprenait que l’incendie
avait pu être maîtrisé, puis éteint. Notre-Dame, malgré l’ampleur des dégâts,
était sauvée !
A peu près tout a déjà
été dit ou écrit sur ces douloureuses heures. Ayant effectué mon service
militaire dans le Service de Santé des Armées et non chez les carabiniers d’Offenbach
ou dans le génie (comme diraient les tintinophiles), je ne viendrai guère, dix
jours après les faits, répéter tout ce qui en a déjà été dit, ni faire part de
mes inspirations uniques et fulgurantes. Je me contenterai donc de rappeler
quelques signes.
Evidemment, la sidération
et la tristesse n’ont pas touché les seuls catholiques, à Paris et dans le
monde. Il est pénible d’envisager la disparition d’un monument présent – et vivant,
donc plus qu’un monument – depuis plus de huit siècles ; c’est un rappel
plutôt violent de ce que rien ici-bas n’est éternel. La peine, l’abattement, furent
même plus grands, semble-t-il, pour les non-croyants. Les prières qui réunirent
de nombreuses personnes sur les quais entourant l’île de la Cité en témoignent :
ces personnes ne priaient pas pour le repos éternel de notre cathédrale, ce qui
n’aurait eu aucun sens (et eût même été une forme d’idolâtrie), mais dans l’espérance.
Les pompiers firent le reste (et quel reste !), avec dévouement et courage,
et avec la compétence qui rend efficaces ce dévouement et ce courage.
Le sauvetage, non
seulement des tours, des murs et d’une grande partie des voûtes de la
cathédrale, mais aussi de vénérables reliques et surtout du Saint Sacrement
prouvèrent que l’espérance des fidèles en prière n’était pas vaine. Et nous
avons tous vu les photographies prises le mardi matin : au milieu des
décombres, l’autel, intact, surplombé de la croix et, sur le côté, une humble
et magnifique statue médiévale de la Sainte Vierge portant l’enfant Jésus,
intacte elle aussi.
Certes, nous nous serions
volontiers passé de ce désastre. Tout comme l’Eglise se serait bien passé des
scandales qui se sont trop souvent produits en son sein, dont il a beaucoup été
question ces derniers mois. Mais si ces scandales et ce désastre suffisent à
nous faire perdre notre foi et notre espérance, en particulier lors de la
Semaine sainte, c’est qu’elles étaient bien légères. Montrons plutôt à ceux qui
ne les partagent pas un visage sincèrement joyeux : c’est Pâques, le
Christ est ressuscité !
(Observons que c’est ce
moment de l’année qu’ont choisi des assassins pour massacrer des centaines de
catholiques sri-lankais en train de célébrer cette fête essentielle et joyeuse.
Peut-être ont-ils cru pouvoir par leurs crimes nier cette joie essentielle. Certes,
la douleur et l’horreur sont immenses devant de tels actes, mais ceux qui les
ont commis perdent leur temps à faire tant de mal : à la fin des temps,
nous savons bien que c’est Dieu qui triomphera et que le diable n’y pourra
rien.)
Pour revenir à Notre-Dame
de Paris, quid de la charité, puisqu’il a tant été question de foi et d’espérance ?
On s’est offusqué devant l’ampleur des dons promis par quelques milliardaires
en vue des travaux de restauration de la cathédrale : quid des pauvres ?
La question n’est pas entièrement infondée : c’est bien joli de restaurer
une belle cathédrale, mais il faut que cela ait un sens. Puisqu’il s’agit d’une
église avant toute chose et que l’Eglise commande l’attention aux plus pauvres…
Inversement, il serait plus qu’intéressant de demander à ceux qui ne voient pas
de nécessité aux travaux de restauration de cette cathédrale quelle est la
raison profonde de l’attention aux pauvres qu’ils revendiquent. C’est
souvent dans de tels lieux, des lieux de prière, où l’on célèbre la messe, que
naissent des engagements en faveur des pauvres.
J’ai employé à dessein le
mot restauration. M. Macron a promis de « rebâtir » la
cathédrale de Paris « en cinq ans », et de la rendre « plus
belle qu’avant ». Pourquoi ne pas plutôt s’engager à lui rendre sa
splendeur en prenant pour cela le temps qu’il faudra ? Ce serait un beau
signe de patience et d’humilité. Nous verrions ainsi peu à peu cette belle
église reprendre forme et revenir à son usage. Chaque année, à Pâques, par
exemple, nous pourrions nous réjouir des progrès accomplis. Ce serait
préférable à je ne sais quel geste architectural ou je ne sais quelle
prouesse technologique, qui feraient de Notre-Dame de Paris un gros œuf de
Pâques, clinquant et vide, disponible à l’exploitation pour les jeux olympiques
de 2024[i].
Nous avons tous appris
que la charpente de Notre-Dame, partie en fumée ce 15 avril, était surnommée « la
forêt ». En brûlant, cette forêt nous en a fait entrevoir une autre :
une forêt de signes. Puissions-nous en faire quelque chose de bon.
Joyeuses Pâques !
[i] Soit dit en passant :
ceux qui s’offusquent des centaines de millions déjà promis pour restaurer
Notre-Dame devraient lever au moins un sourcil en ce qui concerne le coût des
jeux olympiques : voilà de l’argent qui n’ira probablement pas aux pauvres…
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