Bien des paroles
insignifiantes trouvent un écho démesuré, en particulier à notre bruyante
époque. Ne peignons pas, toutefois, tout en noir : l’ampleur de l’écho ne
signifie pas nécessairement l’insignifiance de la parole. Quatre exemple nous
permettront, je l’espère, de faire le tri.
Ménardisation
M. Robert Ménard, autrefois
journaliste, est aujourd’hui maire de Béziers. N’étant pas Biterrois, je n’ai
aucun avis à donner quant à ses compétences à ce poste. Cependant, M. Ménard
aime à se répandre en propos qui paraissent taillés sur mesure pour choquer le
bourgeois (reste chez lui d’une jeunesse gauchiste ?). Ses anciens
confrères les journalistes en sont ravis, pouvant titrer par exemple que pour
Robert Ménard, être Français, c’est être « Européen, blanc et catholique ».
Evidemment, les bourgeois
sont choqués, les journalistes ont fait de la copie et M. Ménard a fait parler
de lui : tout est en ordre.
Cela n’est pas sans
rappeler des propos naguère par Mme Nadine Morano, qui laissaient craindre une
certaine moranisation de la vie politique. J’ai déjà dit ici ce que je
pensais quant au contenu de ces propos et mon avis n’a guère changé depuis. Mme
Morano semble aujourd’hui s’être faite plus discrète. On ne saurait trop l’en
féliciter. Faut-il donc parler désormais de ménardisation ?
Je me contenterai donc de
dire ceci : étant moi-même Français ET Européen ET blanc ET de confession catholique,
je serais reconnaissant à M. Ménard de ne pas m’inscrire dans son cirque
identitaire et de ne pas mélanger ces notions bien distinctes[i]. Je préfèrerai
toujours, pour réfléchir à ces choses, user d’une tournure d’esprit marquée par
l’apprentissage de l’algèbre linéaire que du genre de bouillie dont M. Ménard
fait son fonds de commerce.
Dérèglement des sens (communs)
Dans le concours d’insignifiance
agressive que constitue la « primaire de la droite et du centre », « Sens
commun » a tenu à faire entendre son filet de voix. Après une réflexion
que l’on imagine aussi intense que collective, les dirigeants de ce mouvement
ont décidé de déclarer leur soutien à la candidature de M. François Fillon. Bon,
si leur choix s’était porté sur M. Mariton, par exemple, on eût encore pu le
comprendre, à la rigueur, sans toutefois l’approuver ; un petit signe en
faveur de M. Poisson eût été certainement le plus logique (et le plus
souhaitable, mais c’est un avis personnel). Mais enfin, voyons, il faut être
responsable ! Le choix devait porter sur un « gros » candidat !
Ce genre de raisonnement
de la part de gens qui ont l’ambition d’exercer une influence sur un parti
politique me paraît stupide : car prétendre influer sur le cours de choses
en soutenant un « gros » candidat ne revient qu’à perpétuer les
rapports de forces au sein d’une entreprise de confiscation des votes. Etant donné
le poids de « Sens commun », cela ne changera sans doute rien à l’affaire.
Et les dirigeants de ce mouvement ont peut-être manqué une occasion de mesurer
leur influence en soutenant un « petit » candidat, comme M. Poisson,
par exemple.
M. Henri Guaino s’est
paraît-il offusqué de ce genre de cuisine. Et nos aimables amis de « Sens
commun » lui ont même répondu fermement dans Valeurs actuelles.
Grand bien leur fasse.
Parenthèse enchantée
(M. François Hollande a
fait jeudi 8 septembre un discours dont les journalistes ont fait toutes sortes
d’analyses. Il faut les comprendre, cela les occupe et justifie ainsi leurs
salaires.
Si j’ai bien compris, la France
est selon M. Hollande une idée. En même temps, la France ne doit pas être
divisée.
Puisqu’il en est ainsi,
je suppose que M. Hollande et son premier ministre, M. Valls, doivent montrer l’exemple.
Les sentiments ardemment républicains de MM. Valls et Hollande n’étant pas à mettre
en doute, il va de soi que pour eux, France et République sont des synonymes. Compte
tenu de ce que M. Valls a récemment dit de la République (voir ici), la
synthèse que voici s’impose :
La France est une idée aux seins nus qu’il ne faut
pas diviser afin de nourrir le peuple.
Quels poètes, quand même !)
Béatitude (et mieux)
Dimanche 4 septembre a eu
lieu la canonisation de Mère Térésa de Calcutta. Ainsi donc, il nous est
désormais donné de pouvoir prier pour l’intercession de sainte Thérèse de
Calcutta[ii].
Apparemment, cet
événement a réveillé une certaine haine antichrétienne dans une partie de la
grosse presse, haine exprimée avec toute la hargne d’un Homais qui viendrait de
subir une abondante aspersion d’eau bénite. Les arguments utilisés par ces bons
esprits voltairiens ne datent pas d’hier, car feu Christopher Hitchens[iii] en
fit il y a vingt ans tout un livre dont je ne répéterai pas le titre. Ledit livre
fut en son temps aisément réfuté par le regretté Simon Leys[iv].
Comment répondre en
chrétien à cette rage ? Avec un sourire, sans doute, où ne manqueraient ni
l’humour ni un certain mysticisme. Le père James Martin, SJ, me semble avoir
trouvé la réponse qui s’impose, dans un article de la revue America
(voir ici).
En fait, cette rage est
une bonne nouvelle pour notre nouvelle sainte. Les esprits perplexes se reporteront
aux béatitudes telles qu’elles sont présentées dans l’Evangile selon saint Luc[v].
[ii] J’aime transcrire les
noms. Une façon locale de les rendre universels, peut-être.
[iii] C’est curieux :
porter un si beau prénom et se murer dans l’athéisme…
[iv] Je recommande, pour en
savoir plus, la lecture des pages 70 à 73 de la biographie de Simon Leys par
Philippe Paquet, parue cette année chez Gallimard.
[v] Lc. 6, 20-23, en
particulier le verset 22. Comme je suis paresseux, vous êtes invités à ouvrir
une Bible.
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