L’avez-vous senti ? La terre a tremblé le 8 juin du côté de Tain-l’Hermitage, sous l’effet du choc entre la main d’un énergumène et la joue de notre président de la république. C’était du moins ce que pouvaient laisser croire tous les organes de presse qui ont beurré d’abondantes tartines à ce sujet. Entre deux mentions des théories d’Ernst Kantorowicz (un des penseurs que les commentateurs politiques aiment probablement le plus citer sans en avoir lu une page), on s’est répandu en conjectures inquiètes sur le cri de Montjoie Saint-Denis proféré par le jeune homme un peu énervé qui a souffleté M. Macron. Lequel en a vu d’autres depuis en matière de gifles, au sens figuré cette fois, fort heureusement. Là encore, nos commentateurs politiques ont fait ce qu’ils ont pu, nous rassasiant de gloses post-électorales tendant à prouver qu’ils avaient raison de s’être trompés. Ces gens n’ont rien à envier à ceux qui font l’objet de leurs commentaires, ni aux commentateurs de foutebôle.
Pour revenir à la gifle
bien réelle reçue par M. Macron, observons que l’auteur de ce malheureux geste
est déjà en prison, où il lui a été vivement conseillé de séjourner pendant
quatre mois, histoire sans doute de se calmer un peu. La justice sait être
rapide, quand elle veut bien.
On ignore en revanche si
les excités qui, le 29 mai, ont lancé divers projectiles sur une procession en
mémoire des martyrs de la rue Haxo feront l’objet de décisions aussi fermes at
rapides. Il est hélas permis d’en douter, alors que deux pèlerins durent être
hospitalisés après les coups reçus. Soit dit en passant, et pour consoler ces
pèlerins, la haine exprimée par le monde, parfois avec violence, fait partie
des dures grâces promises aux chrétiens. Nous devrions savoir cela depuis les
Béatitudes. Les martyrs de la rue Haxo le savent depuis cent cinquante ans.
Observons que les
agresseurs étaient à côté de la plaque, confondant une procession avec une
manifestation politique, et criant « à bas les versaillais ». Sans
doute faut-il y voir l’incapacité des esprits partisans à avoir d’autres
considérations (si j’ose ce mot flatteur) que politiques. Sans doute aussi une
connaissance partielle et orientée de l’histoire, poussant à traiter de
« versaillais » le reste du monde, même quand il n’a rien à voir avec
ce camp. Ajoutons l’hypothèse que, parmi ces communards en peau de lapin, le
rouge se porte au moins autant dans les gosiers que sur les drapeaux, et qu’on
lève autant le coude que le poing.
Ce regrettable événement,
s’il a fait peu de brui dans la grosse presse, en a fait pas mal dans un petit
monde catholique parisien. On s’est envoyé des tribunes à la figure (ce qui est
mieux que des verres ou des gifles), dans la Croix notamment. Une de ces
tribunes, qualifiant la procession en question d’aberration spirituelle et
politique, a provoqué une certaine indignation. N’accablons pas ses auteurs
et disons que tout le monde peut se tromper. Et même y mettre le paquet, cette
tribune bancale et incohérente accusant le clergé français du XIXe siècle de
« copinage avec la bourgeoisie capitaliste » avant de sommer nos
prêtres de se contenter d’administrer les sacrements aux fidèles.
Certes, administrer les
sacrements, voilà qui est le propre d’un prêtre. Mais il s’est aussi trouvé
parmi les martyrs de la rue Haxo des prêtres qui ne se sont pas limités (si
j’ose dire) à cela. Les auteurs de cette pauvre tribune n’ignorent pas qui
était, par exemple, le père Planchat ? Lui dire de se contenter
d’administrer les sacrements aux fidèles, c’eût été sans doute le rêve des
riches et des puissants d’alors, des versaillais et de tous leurs successeurs.
Du reste, ses auteurs
avaient mieux à faire que de produire cette indigente tribune reflétant une
vision idyllique, voire gentillette, de la Commune de Paris[i] et de
provoquer des chamailleries à propos d’événements vieux de cent cinquante ans.
On aimerait les entendre à propos du projet de loi dit bioéthique, où
s’unissent curieusement – et pour le pire – une partie de ceux qui se réclament
des communards et les parfaits versaillais de la « République en
marche ».
[i] Précisons que les crimes
commis par des communards n’ôtent rien à ceux des versaillais, plus massifs.
Cyniquement, on pourrait dire que les versaillais étaient plus nombreux et plus
armés.
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