vendredi 11 décembre 2015

Camember précurseur malgré lui

Pendant que nous découvrons douloureusement l’état de notre pays et que les partis politiques dits de gouvernement s’efforcent de sauver leurs boutiques et de ne tirer aucun enseignement de leurs déboires électoraux, d’autres questions importantes font l’objet de débats et d’âpres discussions. Il s’agit, bien entendu, des désordres climatiques dont les participants à la COP 21, dont chacun aura entendu parler, entendent (ou prétendent ?) limiter les effets.
On en parle, certes, mais que fait-on ? Cette nième conférence aura-t-elle abouti enfin à des résolutions susceptibles d’être tenues ?
Les optimistes envisagent des pistes « technologiques » : à les entendre, une « transition énergétique » est en cours, s’appuyant sur des énergies « renouvelables » ; sans avoir à brûler de combustibles contribuant à l’effet de serre, il serait bientôt possible de produire, donc de consommer, autant d’énergie que maintenant. Et cela donnerait de l’ouvrage à de nombreux ingénieurs tout heureux de développer de nouvelles solutions techniques.
L’idée est à première vue séduisante, voire réconfortante. Or elle ne fait que déplacer les problèmes qui se posent, d’autres étant à prévoir du fait de l’exploitation massive – donc peu durable – de ressources naturelles et de la pollution qui pourra en résulter. En somme, de nouveaux risques seront courus.
Pour user d’un langage familier aux gestionnaires de projets, cela peut s’appeler un transfert de risque : puisque le risque climatique devient inacceptable, transformons-le en un autre risque, moins impopulaire en ce moment, et nous verrons bien après !
Cela ne me semble pas très sérieux et me rappelle un épisode bien connu du Sapeur Camember, « On ne pense pas à tout » : dans cette histoire, Camember est chargé par le sergent Bitur d’enterrer quelques détritus qui ne font pas honneur à la cour de la caserne. Pour ce faire, il creuse un trou où il déverse lesdits détritus. Mais que faire de la terre du trou ? Le sergent lui ordonne donc de creuser un second trou pour y mettre la terre du premier. Mais que faire de la terre du second trou ?... Ce pourrait être sans fin, si le sergent ne punissait pas Camember pour ne pas avoir creusé un second trou assez grand pour contenir sa propre terre, outre celle du premier.
N’en sommes-nous pas là avec de telles solutions ? Avant d’attendre de grandes résolutions mondiales, peut-être chacun d’entre nous devrait-il chercher quelques pas à faire vers une vie plus sobre ? Il doit exister des manières simples d’y parvenir, à la portée d’une personne, d’un foyer ou de quelques familles[i]
Cette sobriété personnelle sera sans doute insuffisante, et c’est là que doivent intervenir les collectivités et les institutions : en déterminant à quels échelons d’autres économies seront utiles et efficaces[ii]. Un travail abondant et complexe, passionnant pour les ingénieurs, du reste.




[i] Cela peut aller de « petits gestes » dans notre vie quotidienne à un changement radical de mode de vie, que certains expérimentent.
[ii] A ce propos, le numéro de décembre de Causeur publie un fort intéressant entretien (« Décroître ou périr ») avec Olivier Rey, où ce dernier rappelle ce qui pourrait passer pour un truisme mais va mieux en le disant : « Tout problème doit être traité à une échelle pertinente. »

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