tag:blogger.com,1999:blog-57324084602744525192024-02-08T14:43:16.061+01:00Chatty Corner"There are still things which are worth fighting against." - Evelyn WaughChatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.comBlogger341125tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-50122139979809576432023-01-21T17:59:00.004+01:002023-01-21T17:59:49.068+01:00Ne mélanchons pas tout !<p> <span style="letter-spacing: 0pt;">Il ne sera pas fait ici
de savantes considérations quant à l’éventuelle pertinence du projet de réforme
des retraites qui fait tant parler de lui en ce moment. Contentons-nous à ce
sujet de penser à ceux qui ont des métiers pénibles, ainsi qu’à ceux qui s’ennuient
dans un bureau avec parfois de hautes qualifications, et qui risquent de mariner
dans la morosité jusqu’à 70 ans…</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6.0pt;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Donc, grèves et
manifestations sont de retour, ce qui est le droit de ceux qui y participent. Cependant,
pourquoi certains, à gauche, se repaissent-ils d’une imagerie douteuse en
particulier un 21 janvier<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[i]</span></span></span><!--[endif]--></span></span> ?
Il serait bon que l’on ne ressortît pas des effigies de Louis XVI pour en faire
un usage insultant. Quoi de commun entre un roi, certes imparfait, mais digne
et courageux au moment d’être assassiné par les quelques fanatiques qui s’étaient
emparés du pays, et un président de rencontre mêlant mépris et lyrisme dans ses
discours de <i>top manager</i> de la <i>start-up nation</i> ? Il faut être
militant LFI pour faire de tels amalgames.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6.0pt;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Alors, de grâce, militez
autant que vous voulez pour la justice sociale, ce qui a sa noblesse, mais
laissez Louis XVI en paix.</span></p><div style="mso-element: endnote-list;">
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="edn1" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman",serif; font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[i]</span></span><!--[endif]--></span></span> Voir <a href="https://twitter.com/S2RVNL/status/1616782583085375489?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1616787822110986241%7Ctwgr%5E2162d2e0e1f47897eb2d98fb321c30a516896600%7Ctwcon%5Es2_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.lefigaro.fr%2Fpolitique%2Fdirect-marche-pour-nos-retraites-lfi-et-jeunes-de-gauche-manifestent-contre-la-reforme-ce-samedi-21-janvier-a-paris-20230121" target="_blank">ici</a> par exemple.<o:p></o:p></p>
</div>
</div>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-9539684196328903752023-01-02T19:44:00.001+01:002023-01-02T19:44:23.195+01:00« Le Président se tait » (Pauline Dreyfus)<p style="text-align: justify;"> <span style="letter-spacing: 0pt;">Pourquoi ne pas continuer
– après un long silence de ma part – de célébrer les candidats au grand prix du
roman de l’Académie française – même les candidats malheureux, comme </span><i style="letter-spacing: 0pt;">Le
Président se tait</i><span style="letter-spacing: 0pt;">, de Pauline Dreyfus ? Il est impossible, avec un
pareil titre, de ne pas penser à </span><i style="letter-spacing: 0pt;">Tais-toi</i><span style="letter-spacing: 0pt;">, roman tardif de Paul Morand,
écrivain dont l’univers est familier à Paulin Dreyfus, comme on le sait</span><span class="MsoEndnoteReference"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[i]</span></span></span></span><span style="letter-spacing: 0pt;">. On pourrait
s’attendre dans ces conditions à quelque lourd et sombre secret, ou encore à un
mutisme ironique ou facétieux d’un « président » quelque part entre
1930 et un trouble après-guerre. Il n’en est rien : nous sommes à l’automne
1979, le président se nomme Valéry Giscard d’Estaing et, s’il se tait, c’est à
propos de la fâcheuse affaire des « diamants de Bokassa », qui fit
quelque bruit à l’époque.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Puisque le président se
tait, c’est l’occasion pour quelques personnages de nous livrer à son sujet ou
au leur leurs sentiments : une immigrée portugaise toujours respectueuse
des autorités et sûre de la bonne foi de chacun, un châtelain au patrimoine
ruineux, des dissidents passés à l’Ouest, une journaliste, une maîtresse de
maison désireuse jusqu’à l’inquiétude d’inviter qui compte, et même une petite
fille nommée Pauline.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">L’époque, déjà lointaine,
ne l’est pas pour tous. Aussi Pauline Dreyfus a-t-elle eu la prudence de ne pas
nous encombrer de trop de ces détails qui alourdissent le roman « en
costumes » : quelques touches suffiront, comme le fait qu’on fume un
peu partout et que la petite fille possède <i>Le petit manuel de l’agent secret</i>,
trait d’époque pour initiés<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[ii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>. Grâces
soient donc rendues à Pauline Dreyfus de nous avoir évité quelque passage de
couleur local, qui pourrait donner ceci :<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><i><span style="letter-spacing: 0pt;">Claquant la porte de sa CX Pallas, il mit le contact
et alluma l’autoradio, duquel se déversèrent aussitôt les accents de </span></i><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Ashes to Ashes<i>, de
David Bowie. À peine avait-il démarré sur les chapeaux de roues qu’il dût freiner
violemment, car une Simca Horizon cala devant lui. Il se rappellerait longtemps
ensuite, on ne sait pourquoi, la peluche qui pendait au rétroviseur intérieur
de la Simca : « Kiki, le kiki de tous les kikis », grinçait-il
toujours à ce souvenir…<o:p></o:p></i></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Ouf, merci encore !<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Ce Petit manuel de l’agent
secret que lit notre petite fille donne à penser que ce n’est pas l’âge qui
fait l’innocence, mais peut-être une vocation portée par le nom : l’innocente,
au sens noble comme au sens méprisant du terme (du moins selon le monde, c’est-à-dire
son entourage direct), c’est Infancia, l’immigrée portugaise qui ne pense
jamais à mal. Il y a quelque chose de rafraîchissant dans ce personnage.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Il m’est arrivé de m’interroger
quant à l’usage systématique du présent dans les romans de Pauline Dreyfus<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[iii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span> et
au succès varié de cette contrainte qu’elle semblait s’imposer. Rien de cela
ici, et c’est tant mieux ! Pauline Dreyfus s’est donc libérée ? Pas
si vite ! Une nouvelle contrainte apparaît, et elle est redoutable pour le
lecteur, qui ne sait où interrompre sa lecture : la dernière phrase de
chaque chapitre s’interrompt pour reprendre à l’ouverture su suivant, lequel
nous est conté d’un point de vue différent. Ce genre d’enjambement crée comme
un passage de relais entre les personnages, ce qui donne aux transitions une
certaine fluidité, et à l’ensemble une cohérence qui n’eût pas été évidente
sinon. Et qu’importe si le lecteur ne sait où s’arrêter, qu’il continue, il ne
le regrettera pas !<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Observons enfin un détail
historique : le petit garçon que j’étais en 1979 se souvient fort mal de
cette <i>fameuse</i> affaire de diamants, tandis qu’il se rappelle bien mieux
la mort de Robert Boulin, laquelle surviendra quelques jours après les
événements évoqués dans <i>Le Président se tait</i>, et dont on parle fort peu
de nos jours. Et le petit garçon d’alors de se demander si, avec ces
personnages s’agitant et bavardant à un rythme soutenu autour de cette histoire
somme toute anecdotique de diamants, Pauline Dreyfus n’a pas réalisé le rêve de
Flaubert : écrire un roman sur rien. Si c’est le cas, c’est fort réussi. Sinon,
reconnaissons qu’il est plus drôle de considérer avec ironie cette agitation
que la mort d’un ministre.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">(À propos de Flaubert,
comment ne pas songer au pastiche qu’en fit Proust, bien avant de compter Paul
Morand parmi ses fréquentations, pastiche dont le prétexte tourne autour d’une
affaire de faux diamants…)<o:p></o:p></span></p>
<div style="mso-element: endnote-list;"><div style="text-align: justify;"><br /></div><!--[if !supportEndnotes]-->
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="edn1" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[i]</span></span><!--[endif]--></span></span> Voir <a href="http://chattycorner1.blogspot.com/2021/01/aimer-paul-morand.html">ici</a>.<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn2" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[ii]</span></span><!--[endif]--></span></span> Facile pour votre
serviteur, dont la sœur possédait un exemplaire de ce livre.<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn3" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[iii]</span></span><!--[endif]--></span></span> Une vieille affaire !
Voir <a href="http://chattycorner1.blogspot.com/2017/10/le-dejeuner-des-barricades-pauline.html">ici</a>.</span><o:p></o:p></p>
</div>
</div>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-464026831175208182022-10-16T20:15:00.009+02:002022-10-16T20:15:53.524+02:00« Ceux qui restent » (Jean Michelin)<p style="text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt;">Il est toujours
intéressant de voir mûrir un écrivain. En 2017 paraissait </span><i style="letter-spacing: 0pt;">Jonquille</i><span style="letter-spacing: 0pt;">, où
Jean Michelin peignait la vie d’une compagnie envoyée en 2012 en Afghanistan
sous son commandement. </span><i style="letter-spacing: 0pt;">Peindre</i><span style="letter-spacing: 0pt;"> n’est pas un mot choisi au hasard, tant
la part belle était laissée aux portraits de ceux dont il avait la charge – de l’officier
adjoint au jeune engagé – ou de quelques-uns de ses pairs ou supérieurs, sans
oublier quelques Afghans, chefs locaux ou interprètes. Nous pouvions voir vivre
des soldats en des lieux qui seraient autrement inaccessibles aux pauvres
pékins que nous sommes (même à ceux qui, comme votre serviteur, ont connu « en
amateurs » les joies et les mélancolies de la vie de garnison, qui est
tout autre chose). Et, ces lieux étant un théâtre d’opérations, la vie de ces
soldats est faite aussi bien de drames que de farces.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Voilà donc un beau récit,
bien écrit, où les personnages sont bien campés… Jean Michelin devrait s’essayer
au roman, pouvions-nous nous dire. Voilà qui est fait, avec <i>Ceux qui restent</i>,
paru pour cette rentrée littéraire (dure expression pour les écrivains, qu’éditeurs
et journalistes semblent ainsi considérer comme des écoliers priés de rendre
leurs copies lorsque sonne la cloche…). Nous sommes ici embarqués avec quatre
hommes qui n’ont – semble-t-il – rien en commun si ce n’est appartenir ou avoir
appartenu au même régiment et partir à la recherche d’un cinquième, disparu
sans laisser de traces. Nous les suivons dans une quête qui peut paraître
vaine, tant les indices sont minces et tant ils découvriront que leur frère d’armes
leur était en grande partie inconnu.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Cette quête nous fait
voyager entre <i>ici</i> (la vie quotidienne, en garnison ou en permission, au
contact du monde extérieur), <i>là-bas</i> (tel ou tel théâtre d’opération) et <i>ailleurs</i>
(peut-être là où l’on risque de se retrouver si quelque chose cloche entre <i>ici</i>
et <i>là-bas</i>). Ou plutôt : la quête mènera nos quatre hommes d’<i>ici</i>
à <i>ailleurs</i> pour retrouver leur frère d’armes – ou tenter de le retrouver
– passé de <i>là-bas</i> à <i>ailleurs</i>.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Voilà que je viens d’user
abondamment de la locution <i>frère d’armes</i>. Elle peut paraître pompeuse,
sentir la carte postale patriotarde ou encore je ne sais quel romantisme noir,
mais il n’en est rien. C’est une notion fort intéressante : on aura beau
comprendre que l’on connaissait mal un homme, que l’on avait en somme peu d’affinités
avec lui, on se sentira toujours son obligé, jusqu’à composer un petit groupe
soudé par le même sentiment – le même devoir – malgré d’évidentes différences
qui pourraient paraître rédhibitoires<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[i]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>. Après
tout, dans <i>frère d’armes</i>, il y a <i>frère</i> : c’est un lien qui
que l’on ne choisit pas, qui est tissé là-bas, en des lieux où il est question
de choses essentielles – la vie, la mort… – qu’il ne faut ici qu’effleurer de
peur de sombrer dans une grandiloquence qui serait insultante pour des soldats.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Entre <i>ici</i>, <i>là-bas</i>
et <i>ailleurs</i>, le ton varie. Si <i>là-bas</i> est rendu d’une manière qui
peut parfois faire penser aux passages les plus dramatiques de <i>Jonquille</i>,
<i>ici</i> peut paraître un peu poussif par moments, les dialogues manquant
parfois de relief ou semblant un peu forcés ; allez savoir, les militaires
ne sont pas toujours hâbleurs, et quatre gaziers rassemblés par un lien somme
toute ténu quoiqu’essentiel peuvent s’exprimer de manière parfois maladroite. Ne
leur en tenons pas trop rigueur, pas plus qu’à l’auteur. Quant à <i>ailleurs</i>,
c’est le lieu qui porte le plus à la description, un paysage propice à quelque
poésie hantée, souple et dangereux, où « <i>Diego, impassible, fit gracieusement
pivoter la pirogue</i> »…<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Quant à « ceux qui
restent », mais qui sont-ils donc ? Ceux qui restent <i>ici</i>, qui
sont restés <i>là-bas</i>, voire <i>ailleurs</i>, ou encore ceux qui restent
après <i>que là-bas</i> et <i>ailleurs</i> ont prélevé leur tribut ? Les
acceptions de <i>rester</i> sont assez nombreuses pour ne pas choisir, et c’est
bien ainsi.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Libérée de fantômes
militaires (par ailleurs admirables), la prose de Jean Michelin pourra sans
doute gagner encore en aisance. Nous assisterons alors à une étape ultérieure
dans le murissement d’un écrivain. Et cela pourra être passionnant. À ce titre,
le grand prix du roman de l’Académie française serait un encouragement fort
mérité<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[ii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>.</span></p><div style="mso-element: endnote-list;"><!--[if !supportEndnotes]-->
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="edn1" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[i]</span></span><!--[endif]--></span></span> Nos quatre enquêteurs – ou
quêteurs ? – étant un ancien adjudant, un sergent-chef, un jeune sergent
et un jeune lieutenant, tous issus de milieux fort variés, et le cinquième
étant un de ces vieux caporaux-chefs pas si bêtes que l’on a toujours croisés
dans l’armée française.<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn2" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[ii]</span></span><!--[endif]--></span></span> La liste s’est réduite,
et Jean Michelin y figure toujours, ce dont il faut se réjouir (contrairement à
Pauline Dreyfus, ce que votre serviteur déplore).</span><o:p></o:p></p>
</div>
</div>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-52018576277729054832022-10-01T21:19:00.000+02:002022-10-01T21:19:00.602+02:00Les époques n’en finissent pas de finir<p style="text-align: justify;"> <span style="letter-spacing: 0pt;">On est toujours étonné en
apprenant le décès d’un prince, d’un artiste ou encore d’un politicien à un âge
très avancé. Cela va de l’effarement en apprenant son âge – effarement qui peut
être un indice de ce que nous ne sommes plus très jeunes nous-mêmes – à l’étrange
surprise d’apprendre (pour peu qu’elle ne se soit guère fait remarquer
récemment) que la personnalité concernée était encore en vie, en passant par la
déception de découvrir que le défunt n’était pas immortel. Dans ce dernier cas,
il s’en trouve toujours pour énoncer d’un ton solennel que </span><i style="letter-spacing: 0pt;">c’est la fin d’une
époque</i><span style="letter-spacing: 0pt;">. Et les époques, comme chacun sait, n’en finissent pas de finir.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">La disparition récente de
la reine Elizabeth d’Angleterre à l’âge de 96 ans et celle de Jean-Luc Godard à
l’âge de 91 ans ont ainsi pu faire naître chez nous un mélange de ces
impressions.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Dans le cas de Jean-Luc Godard,
la perplexité règne. Selon une théorie du complot que je viens d’inventer,
Godard serait en fait mort en 1967, assassiné par des maos rendus furieux par <i>La
Chinoise</i>, dont ils avaient compris, dans un rare accès de lucidité, que c’était
une satire qui les ridiculisait avec une rare acuité ; il aurait été
ensuite remplacé par un sosie qui se trouvait être son homonyme et se prenait
pour Jean-Luc Godard ; cela expliquerait le caractère abscons et militant
de ses films ultérieurs. Restent quelques-uns de ses premiers films (les vrais,
donc), comme <i>À bout de souffle</i>, <i>Le Petit soldat</i> ou encore <i>Bande
à part</i>, où semblent se manifester une sécheresse, une rapidité, un goût
pour l’aphorisme, le commentaire de l’œuvre sur elle-même et la parenthèse qui n’eussent
peut-être pas déplu à Roger Nimier<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[i]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>,
lequel avait asséné quelques années auparavant : « De quoi souffre le
cinéma ? De bêtise »<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[ii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>.
Ajoutons pour compléter cette liste <i>Une femme est une femme</i>, <i>Pierrot
le fou</i> et <i>Alphaville</i>.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">En ce qui concerne
Elizabeth II, tout aura été dit par d’autres que moi à son sujet. Même qu’elle
aura eu l’humour – ou la pardonnable coquetterie – d’attendre d’avoir pu
ajouter Mme Truss à sa collection – pourtant déjà riche – de premiers ministres
avant de quitter ce monde. À propos de Mme Truss, observons la présence dans
son gouvernement de l’intéressant Jacob Rees-Mogg. Si M. Boris Johnson semble
parfois sortir des pages d’un roman de jeunesse d’Evelyn Waugh<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[iii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>, M.
Rees-Mogg paraît s’être échappé d’un roman de P.G. Wodehouse : sa
silhouette guindée, d’une vêture élégante et surannée, ses propos lunaires et
oubliables ne manquent pas de faire sourire ; en quelque sorte une
caricature d’Anglais <i>Upper class</i>, délicieusement anachronique et
invraisemblable, comme nous les aimons un peu facilement sur le continent, en
nous exclamant <i>so British</i>, sans trop savoir ce que cela peut signifier.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">À propos d’immortalité,
on relève parmi les titres sélectionnés pour le grand prix du roman de l’Académie
française, <i>Ceux qui restent</i>, de Jean Michelin et <i>Le Président se tait</i>, de
Pauline Dreyfus. Excellente nouvelle pour deux romans fort recommandables. Il faudra
que j’en dise quelque chose une autre fois.<o:p></o:p></span></p>
<div style="mso-element: endnote-list;"><div style="text-align: justify;"><br /></div><!--[if !supportEndnotes]-->
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="edn1" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman",serif; font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[i]</span></span><!--[endif]--></span></span> <span style="font-size: x-small;">Occasion de saluer l’écrivain,
mort trop jeune, lui, il y a 60 ans et quelques jours.<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn2" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[ii]</span></span><!--[endif]--></span></span> Dans un article du <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Nouveau Femina</i> de mai 1954 et
reproduit dans le recueil (posthume) <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Variétés</i>,
paru en 1999.<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn3" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[iii]</span></span><!--[endif]--></span></span> Voir <a href="http://chattycorner1.blogspot.com/2022/02/emmerdements.html">ici</a> une explication
par votre serviteur. C’est d’ailleurs le scandale soulevé par ses fêtes en
temps de confinement qui aura fini par provoquer l’éviction de M. Johnson. En Finlande,
cet été, d’aucuns ont fait le même genre de reproches à Mme Sanna Marin, avec
moins de succès. Il est vrai que Mme Marin est jeune, progressiste et plus
jolie que M. Johnson (sur ce dernier point, la presse progressiste refusera
probablement tout aveu, de peur de paraître sexiste). En d’autres temps, Albert
Edelfeldt eût peut-être aimé faire son portrait.</span><o:p></o:p></p>
</div>
</div>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-84561427545627611712022-09-08T19:59:00.001+02:002022-09-08T20:00:06.728+02:00Jean-Jacques Sempé<p style="text-align: justify;"> <span style="letter-spacing: 0pt;">Les nécrologies parues
dans la presse au sujet de Jean-Jacques Sempé, récemment disparu, n’ont-elles
pas déjà tout dit ? Je n’y ajouterai donc pas grand ’chose :
commenter à l’excès l’œuvre d’un dessinateur humoristique risque d’éventer tout
ce qui nous fait rire ou sourire dans ses dessins ; et le snobisme que je
pourrais manifester ferait de moi un personnage de Sempé. Faut-il chercher la
saveur de certains de ses dessins – les plus littéraires ou les plus bavards,
selon les points de vue – dans l’étonnement d’un autodidacte devant le verbiage
des intellectuels et des snobs au milieu desquels il aurait été jeté ? Je
me garderai de répondre à une telle question, sans compter que Sempé sut aussi
faire des dessins se suffisant à eux-mêmes, </span><i style="letter-spacing: 0pt;">sans légende</i><span style="letter-spacing: 0pt;">, comme on l’imprimait
autrefois dans les journaux.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Je me rappelle avoir cité
il y a quelques années un long passage de <i>L’Ascension sociale de M. Lambert</i>,
à propos de « <a href="http://chattycorner1.blogspot.com/2013/05/numerologie.html" target="_blank">numérologie </a>» : quel plaisir dans l’énumération un
peu désordonnée des millésimes, qu’il s’agisse de football, de politique ou de
jazz, les références variant selon que les propos de table sont tenus <i>chez
Picard</i> ou à <i>la Bistrothèque</i> ! Savourons donc ce :<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">« <i>56, c’était la
grande époque de Duke Ellington. Parfaitement ! Quand vous aviez au centre
Johnny Hodges, à droite Paul Gonzalves et à gauche Harry Carney, on…<o:p></o:p></i></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-bottom: 0cm; margin-left: 32.2pt; margin-right: 0cm; margin-top: 6.0pt; margin: 6pt 0cm 0cm 32.2pt; mso-list: l0 level1 lfo1; text-align: justify; text-indent: -18pt;"><!--[if !supportLists]--><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-list: Ignore;">-<span style="font: 7pt "Times New Roman";">
</span></span></span><!--[endif]--><i><span style="letter-spacing: 0pt;">Mais non !
Vous ne pouvez pas comparer le Duke de 42 avec le Duke de 56 !...<o:p></o:p></span></i></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-bottom: 0cm; margin-left: 32.2pt; margin-right: 0cm; margin-top: 6.0pt; margin: 6pt 0cm 0cm 32.2pt; mso-list: l0 level1 lfo1; text-align: justify; text-indent: -18pt;"><!--[if !supportLists]--><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-list: Ignore;">-<span style="font: 7pt "Times New Roman";">
</span></span></span><!--[endif]--><i><span style="letter-spacing: 0pt;">Avec à l’arrière
Cootie Williams et Cat Anderson ? Ça ne chauffait pas ?...<o:p></o:p></span></i></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-bottom: 0cm; margin-left: 32.2pt; margin-right: 0cm; margin-top: 6.0pt; margin: 6pt 0cm 0cm 32.2pt; mso-list: l0 level1 lfo1; text-align: justify; text-indent: -18pt;"><!--[if !supportLists]--><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-list: Ignore;">-<span style="font: 7pt "Times New Roman";">
</span></span></span><!--[endif]--><i><span style="letter-spacing: 0pt;">Si, mais pas
comme en 42 !<o:p></o:p></span></i></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-bottom: 0cm; margin-left: 32.2pt; margin-right: 0cm; margin-top: 6.0pt; margin: 6pt 0cm 0cm 32.2pt; mso-list: l0 level1 lfo1; text-align: justify; text-indent: -18pt;"><!--[if !supportLists]--><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-list: Ignore;">-<span style="font: 7pt "Times New Roman";">
</span></span></span><!--[endif]--><i><span style="letter-spacing: 0pt;">Ou 36.</span></i><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;"> »<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Observons qu’on revient
toujours à 36 dans <i>L’Ascension sociale de M. Lambert</i>, qu’il s’agisse de
football, de politique ou de jazz. En précisant qui est à droite, à gauche, à l’arrière…<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">(D’ailleurs, soit dit en
passant, pour ce qui est de Duke Ellington, il faut revenir à 36, quand vous
aviez, outre Johnny Hodges et Harry Carney, Barney Bigard et Rex Stewart… Mais
je m’égare.)<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Pour finir ce bancal
hommage à Sempé, une anecdote : à une terrasse parisienne, il y a douze ou
quinze ans, je déjeunai à une table voisine de la sienne. Alors qu’il s’était
éclipsé à l’intérieur, son chien ne trouva rien de mieux à faire que d’entreprendre
l’ascension de mes genoux. Pas de frayeur de ma part (ce qui est rare avec les
chiens ; mais un Jack Russell aura toujours quelque chose d’attachant), et
sa femme me présenta des excuses que j’acceptai bien volontiers…<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Je me demande si cette
anecdote et ma digression – vite interrompue pour vous ménager – sur Duke
Ellington, signes de ma pédanterie et de mon snobisme, ne constituent pas des
preuves, à défaut d’une démonstration, de ce que je risque fort d’être un
personnage de Sempé. Et vous, lequel êtes-vous ?<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Dernière minute : on
annonce le décès de la reine d’Angleterre. Décidément, rien n’est éternel en ce
bas monde.<o:p></o:p></span></p>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-50889426058224725162022-08-14T19:38:00.004+02:002022-08-14T19:38:34.397+02:00Une affaire de tact<p style="text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt;">Il y a environ deux mois
me fut donné le bonheur d’aller écouter le </span><i style="letter-spacing: 0pt;">Requiem</i><span style="letter-spacing: 0pt;"> de Mozart (ou faut-il
dire – au moins – de Mozart et Süßmayr ?), chanté et joué par un chœur et
un orchestre composés en bonne partie d’amateurs. Ce </span><i style="letter-spacing: 0pt;">Requiem</i><span style="letter-spacing: 0pt;">, j’avais
prévu d’aller l’écouter en mars 2020, dans la même église de la proche banlieue
parisienne. Mais les circonstances en avaient voulu autrement, compte tenu du
mortel virus que l’on sait (mortel, à bien des acceptions du terme). La joie de
retrouver ce chœur, cet orchestre, cette église – et même le chemin pour m’y
rendre –, je ne dus pas être le seul à l’éprouver. Ajoutons à cela une
exécution magnifique autant que mes pauvres oreilles pussent en juger, et l’émotion
était complète. Lorsque tout fut accompli, les applaudissements furent nourris,
pour ne pas dire gavés : dans le public, certains se levèrent, crièrent
des bravos, et l’on entendit même des sifflets. À n’en point douter, ces
derniers manifestaient plus un plaisir ineffable que quelque désapprobation que
ce fût.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">(Peut-être faudrait-il, à
ce propos, écrire un jour – si ce n’est déjà fait – une histoire des sifflets
et du sens à leur accorder, histoire que bien entendu ne devrait pas faire
abstraction de la géographie ni de la sociologie.)<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Et c’est alors que je
ressentis comme une gêne.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Nous étions, je le
rappelle, dans une église. Le lieu, avouons-le, semble peu propice à des bravos
ou à des sifflets. N’en déplaise à nos frères tradis, même les plus exaltées des
célébrations du genre charismatique ne donnent guère lieu à ce genre de
manifestation. « Ne soyez pas vieux jeu, décoincez-vous, voyons », m’objecteront
les enthousiastes et les indulgents. « Nous étions, certes, dans une
église, mais nous n’étions pas à la messe, nous écoutions de la musique, fort
belle d’ailleurs ».<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Soit, nous n’étions pas à
proprement parler à la messe, et la musique que nous venions d’entendre était
fort belle. Mais voilà : un <i>Requiem</i>, c’est bien le canon d’une
messe d’obsèques. Cela exige une écoute attentive, grave, recueillie. Celui de
Mozart répondait d’ailleurs à une commande bien précise : il était fait
pour enterrer quelqu’un. Ce n’était pas quelque chose comme : « tiens,
si je m’essayais à ce <i>genre</i> ? On verrait bien ce que je pourrais en
faire »… Laissons cela à un Verdi avec un <i>Dies irae</i> à grand
spectacle ou à Saint-Saëns dans la façon <i>col Claudine</i>. À bien écouter ce<i>
Requiem</i> de Mozart, aucun spectacle là-dedans, pas d’enflure ni de
mignardise, mais bien de la foi – mêlée sans doute de crainte – malgré les
errements spirituels que l’on prête au compositeur et dont se vantent encore
bruyamment les francs-maçons. En sortant d’avoir écouté ce<i> Requiem</i>-là,
il conviendrait plutôt de murmurer un « merci » en hochant la tête.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Mais la faute est-elle
seulement celle du public ? Ne serions-nous pas à une époque où la plus
grande crainte serait – plutôt que celle de l’Enfer, par exemple – de ne pas
apprécier les accents avec lesquels cette crainte est exprimée ? Ou encore
celle de ne pas être en surplomb, de se laisser prendre aux émotions et à la
foi <i>réellement</i> exprimées ? L’éducation de ce public reste à faire,
en lui rappelant la <i>fonction</i> d’une œuvre comme ce <i>Requiem</i>,
magnifiquement remplie.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">La sécularisation de notre
monde est sans doute une des causes de ce que j’avais pu prendre pour un manque
de tact. Elle conduit à délaisser dans toute œuvre d’art à caractère religieux,
la fonction ou le sens au profit de la beauté (au mieux), voire du plaisir de
se voir en train d’apprécier – peut-être – cette beauté. On conseillera aux
gens de notre époque la lecture de <i>La mort des cathédrales</i> de Marcel
Proust. Lequel, s’il n’est guère réputé pour un catholicisme fervent, avait
oublié d’être sot<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[i]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>.<o:p></o:p></span></p>
<div style="mso-element: endnote-list;"><div style="text-align: justify;"><br /></div><!--[if !supportEndnotes]-->
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="edn1" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[i]</span></span><!--[endif]--></span></span> J’envisageais pour appuyer
mon propos de vous partager une citation de ce texte de Proust. Mais cela
serait vain : il se tient d’une pièce, il faudrait le citer en entier.</span><o:p></o:p></p>
</div>
</div>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-31344689325304239932022-04-28T19:36:00.006+02:002022-04-28T19:36:46.142+02:00« Le Mage du Kremlin » (Giuliano da Empoli)<p style="text-align: justify;"> <span style="letter-spacing: 0pt;">Depuis qu’il a surgi
comme du néant voici une bonne vingtaine d’années, Vladimir Vladimirovitch
Poutine fait l’objet, en Europe et en Amérique notamment, de divers sentiments
qui semblent résulter plus de préjugés ou de fantasmes que d’une réflexion
informée. Cela va de la détestation a priori à la fascination</span><span class="MsoEndnoteReference"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[i]</span></span></span></span><span style="letter-spacing: 0pt;">, en
passant par la méfiance et la prudence… La perplexité qu’il peut inspirer s’est
bien entendu teintée d’horreur ces deux derniers mois, depuis que l’intéressé s’est
lancé dans sa sanglante et désastreuse guerre en Ukraine. Quoi que nous ayons
pensé de lui jusqu’alors, force est de reconnaître que nous étions dans le
brouillard, pour ne pas dire dans l’erreur. Et de nous en repentir.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Un roman récemment paru
chez Gallimard, <i>Le Mage du Kremlin</i> (de Giuliano da Empoli), peut nous
donner d’intéressantes clefs quant au <i>personnage</i> qu’est Poutine. Certes,
tout est à prendre avec précaution, car il s’agit d’un roman où le narrateur
recueille le témoignage d’un certain Vadim Baranov<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[ii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>,
ancien bohème devenu producteur de télévision puis conseiller de Poutine, poste
qu’il finira par quitter pour vivre reclus dans une demeure cossue en rase
campagne (on n’est jamais assez prudent). Ce Baranov est déjà un personnage intéressant :
fils d’un haut fonctionnaire soviétique et petit-fils d’un gentilhomme peu
suspect de sympathies communistes, il passera lui-même par tous les états et
tous les milieux possibles dans la Russie d’après 1991. Une synthèse, comme
celle que voudrait bâtir Poutine, ou comme celle qu’il voudrait paraître – ou croire
– bâtir ?<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Le récit de Baranov
constitue une certaine traversée de l’histoire russe de ces trente dernières
années, pivotant autour d’une question que certains durent se poser dans les
derniers moments de Boris Eltsine : comment donner des airs respectables
au casino<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[iii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>
géant qui avait poussé sur les décombres d’un empire totalitaire ? En
installant à sa tête un terne tchékiste qui aurait les apparences d’un homme d’ordre
et d’autorité, et qui n’oublierait pas d’être reconnaissant envers ses
créateurs. On connaît la suite : comme toujours, la créature a échappé à
ses créateurs, ce dont les créateurs se sont mordu les doigts, parfois jusqu’au
sang, ce qui ne fut pas pour déplaire à tout le bon peuple.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">La créature, Poutine,
donc, aura désormais loisir de faire de la Russie le spectacle qui lui
conviendra. À qui est destiné ce spectacle, au monde, au peuple russe ou à son
auteur, on ne saurait trop dire. Aux trois, peut-être ? À quelle fin ?
Peut-être celle d’être redouté à l’étranger ou craint et adulé en Russie, mais
aussi celle de se voir en héros national, synthèse de tout ce qu’il imagine
représenter la grandeur de la Russie<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[iv]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>. En quelque
sorte, Poutine ne fut jamais le pantin des oligarques<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[v]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>, mais
de lui-même.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Dès lors, comment s’étonner
de ce que Poutine s’en aille dévaster l’Ukraine froidement, sans considération
pour la vie des civils ukrainiens ni pour celle de ses soldats, sans même
peut-être se soucier de l’issue <i>réelle</i> de cette macabre campagne ?
L’important ne serait-il pas pour lui l’idée ou l’impression qu’il s’en fait,
celle d’écrire dans l’histoire du monde, au nom de la Russie, des pages
tragiques ? Si c’est le cas, c’est à la fois comique et effrayant.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Si l’on est reconnaissant
à Giulio da Empoli d’avoir pu inspirer ces quelques réflexions, un reproche
sera cependant fait au narrateur de son <i>Mage du Kremlin</i>, après avoir lu
ceci : <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><i><span style="letter-spacing: 0pt;">« J’avais délaissé Zamiatine pour un récit de
Nabokov, mais il m’endormait doucement, comme d’habitude : le pensionnaire
du Montreux Palace a toujours été un peu trop raffiné à mon goût. »<o:p></o:p></span></i></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Outre qu’en matière de
Vladimir Vladimirovitch la compagnie de Nabokov est infiniment préférable à
celle de Poutine, on conseillera à ce narrateur la lecture de <i>Brisure à
senestre</i> ou de <i>L’Extermination des tyrans</i>. Cela devrait l’intéresser.
Et, s’il sait se libérer de sa peur des raffinements excessifs, celle de <i>Feu
pâle</i>…<o:p></o:p></span></p>
<div style="mso-element: endnote-list;"><div style="text-align: justify;"><br /></div><!--[if !supportEndnotes]-->
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="edn1" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[i]</span></span><!--[endif]--></span></span> Parfois chez des
nationalistes, ici ou ailleurs. Curieuse manie, chez ces gens, que celle de se
chercher de modèles, voire des maîtres, à l’étranger.<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn2" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[ii]</span></span><!--[endif]--></span></span> Personnage fictif inspiré,
apparemment, du nommé Vladislav Sourkov.<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn3" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[iii]</span></span><!--[endif]--></span></span> Pour rester poli.<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn4" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[iv]</span></span><!--[endif]--></span></span> Cette synthèse – voulue,
jouée ou rêvée par Poutine – n’est pas sans rappeler quelques aspects d’un nommé
Buonaparte, lequel aurait, dit-on, encore quelques admirateurs de nos jours.<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn5" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[v]</span></span><!--[endif]--></span></span> Ce qu’ils découvrirent à
leurs dépens.</span><o:p></o:p></p>
</div>
</div>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-66207907669086194412022-02-06T19:33:00.002+01:002022-04-29T11:32:22.061+02:00Emmerdements<p style="text-align: justify;"> <span style="letter-spacing: 0pt;">Il n’est pas illégitime
de s’interroger ce qui pousse les responsables politiques, dans divers pays, à
briguer tel ou tel poste. La vanité, l’ambition, l’orgueil ? Certes, cela
y est pour beaucoup. Certains se justifieront en invoquant une vocation. Pourquoi
pas ? D’autres le désir servir leur pays. Fort bien ! D’autres encore
celui de faire triompher leurs idées. On veut bien.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">M. Macron, depuis cinq
ans, fait l’objet à peu près en permanence de ce genre d’interrogation. De nombreuses
hypothèses ont été émises à son sujet, dont les plus originales portent sur le
courant d’idées dans lequel il s’inscrirait – au-delà du superficiel <i>en même
temps</i>, peut-on dire. Dans ce domaine, un essai de Frédéric Rouvillois, <i><a href="http://chattycorner1.blogspot.com/2020/12/dans-la-brume.html" target="_blank">Liquidation</a></i>,
paru il y a environ un an et demi, est assez intéressant.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Restent, chez M. Macron,
de curieux éléments de psychologie. Curieux, pour ne pas dire inquiétants. On n’aura
pas oublié sa sortie d’il y a un mois environ sur ceux qui refusent de se faire
vacciner contre le virus qui nous ennuie depuis deux ans : M ; Macron
a « très envie de les emmerder », comme chacun sait. Nous passerons
sur ce que cette déclaration a d’offensant, sur le désir qu’elle semble révéler
de désigner comme coupables de tous les maux une minorité de récalcitrants, ou
sur la manière d’alimenter les délires complotistes que représentent de tels
propos<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[i]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>… tout
cela a déjà été dit ailleurs, mieux que je ne saurais le faire (sans compter
que je n’avais qu’à me manifester plus tôt !).<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Ce qui devrait nous
inquiéter, c’est ce « j’ai très envie ». Après tout, que M. Macron
ait « très envie » de ceci ou de cela, peu me chaut tant qu’il le
garde pour lui et se garde de céder à ses envies. Mais s’il le déclare à des
journalistes, cela a comme un accent menaçant<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[ii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>. Et rappelle
quelque peu <i>Zazie dans le métro</i> aux lecteurs de Queneau, où Zazie
déclare vouloir devenir institutrice « pour faire chier les mômes ».
La littérature nous donnerait ainsi des indices peu encourageants sur la
maturité de M. Macron.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">On peut aussi se
contenter de penser que ce n’est qu’un écart de langage de plus de sa part, et
hausser les épaules. Je ne sais pourquoi je songe tout à coup au jour où il a
qualifié M. Boris Johnson, premier ministre britannique, de « clown ».
Il est vrai qu’en la matière les méchantes langues diront qu’il est
connaisseur, voire expert. Il n’est besoin que de voir de quels ministres il
est capable de s’entourer, préciseront ces méchantes langues.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Car oui, ce sont de
méchantes langues : comment par exemple ne pas éprouver un sentiment
bienveillant envers notre premier ministre, M. Castex ? Ses mines
perplexes, son air perpétuel de se demander ce qu’il fait là, voilà qui est
touchant et devrait nous attendrir. Puisque les références littéraires
devraient nous éclairer, comment ne pas penser au président Melba dans <i>Perfide</i>,
de <a href="http://chattycorner1.blogspot.com/2013/04/roger-nimier-vite-et-bien.html" target="_blank">Roger Nimier</a> ? Curieuse époque que la nôtre, où le personnel politique
français semble nous ramener couvent à cette roborative farce. C’est drôle,
mais ce n’est pas rassurant.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">À propos de M. Johnson,
dont il était question plus haut, cet homme semble traverser une mauvaise passe.
La presse britannique s’en donne à cœur joie, à propos de fêtes qui eurent lieu
au 10 Downing Street en plein confinement. Si de telles fêtes sont de fait moralement
répréhensibles et d’un effet déplorable par le manque d’exemplarité qu’elles
révèlent, il semble manquer quelque chose aux diatribes contre M. Johnson. Non pas
quant à leur effet éventuel, beaucoup sommant l’intéressé de démissionner, mais
quant au personnage qu’est Boris Johnson.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Certains n’ignorent pas
qu’il fut à Oxford membre du <i>Bullingdon Club</i>, institution dont les
familiers de l’œuvre d’Evelyn Waugh peuvent se faire une idée<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[iii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>.
<a href="http://chattycorner1.blogspot.com/2013/06/pour-honorer-encore-mais-autrement-une.html" target="_blank">Evelyn Waugh</a> ? Voilà une piste intéressante. M. Johnson n’a-t-il pas
quelques traits de ces <i>bright young things</i> dont le non moins brillant
Waugh dépeignit quelques frasques dans <i>Ces Corps vils</i> ? Pour preuve
ce personnage qui, apprenant l’existence de l’<i>Independent Labour Party</i>,
regrette de ne pas y avoir été invité ; et aussi une fête improvisée… au 10
Downing Street. Dans ces conditions, allez savoir si M. Johnson – ou l’un ou l’autre
de ses collaborateurs – n’aura pas commis une fâcheuse erreur quant à l’acception,
en anglais dans le texte, du mot <i>party</i>. La littérature, décidément, nous
éclaire d’une manière aussi drôle qu’effrayante<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[iv]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>.<o:p></o:p></span></p>
<div style="mso-element: endnote-list;"><div style="text-align: justify;"><br /></div><!--[if !supportEndnotes]-->
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="edn1" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[i]</span></span><!--[endif]--></span></span> Nous ne dirons rien des
propos absurdes et indécents de M. Estrosi ou de M. Hirsch au même sujet. Les courtisans
ne sont souvent que de pâles imitateurs.<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn2" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[ii]</span></span><!--[endif]--></span></span> Voulu, c’est du cynisme,
involontaire, c’est un manque de maîtrise de soi.<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn3" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[iii]</span></span><!--[endif]--></span></span> Dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Grandeur et décadence</i> (sous le nom de <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bollinger Club</i>) et dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Retour à Brideshead</i>.<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn4" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[iv]</span></span><!--[endif]--></span></span> Ne nous plaignons pas :
le rire et la littérature ne sont pas là pour nous rassurer.</span><o:p></o:p></p>
</div>
</div>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-13433506107486027032022-01-21T21:19:00.008+01:002022-08-15T13:51:16.837+02:00Un peu de sérieux, voyons !<p style="text-align: justify;"> <span style="letter-spacing: 0pt;">Le 21 janvier 1793, date
funeste dans l’histoire de France, donne chaque année lieu à diverses
commémorations. Nous ne dirons rien, ou presque, de la tradition, peut-être encore
chère à quelques ventres républicains, qui consiste à manger de la tête de veau
tous les 21 janvier, sinon que Flaubert fait dire à un personnage de </span><i style="letter-spacing: 0pt;">L’Éducation
sentimentale</i><span style="letter-spacing: 0pt;"> que c’est une preuve de ce que « la bêtise est féconde ».
Voilà qui qualifie fort bien, depuis plus d’un siècle et demi, la gastronomie
républicaine.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Considérons plutôt
quelques traditions plus recommandables : des messes sont célébrées en
mémoire de Louis XVI, des royalistes se fleurdelysent plus ou moins
discrètement, et votre serviteur se fend ici d’un billet. Il arrive à la grosse
presse de s’y intéresser. Elle rend en général compte de ces commémorations d’un
œil condescendant : tout ce pittoresque tellement vieille France est pour
nos amis les journalistes un genre de folklore plus ridicule qu’inquiétant. Somme
toute, quiconque aujourd’hui sentirait un pincement de cœur en pensant à ce roi
assassiné ou trouverait quelque attrait à l’idée de restaurer la monarchie en France,
passerait plus, à leurs yeux, pour un doux dingue ou un diplodocus inoffensif
que pour un hargneux réactionnaire. Un roi en France ? Un peu de sérieux,
voyons ! Ces royalistes sont d’ailleurs incapables de se mettre d’accord
sur l’identité de l’héritier légitime du trône.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">S’il y a du vrai dans ce
dernier argument, qu’il me soit permis de renvoyer nos amis républicains au
spectacle que constitue désormais tous les cinq ans<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[i]</span></span></span><!--[endif]--></span></span> la
campagne pour l’élection présidentielle. Pour ma part, je ne vois pas un, je
dis bien pas un, prétendant qui soit à la hauteur de la charge<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[ii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>. Faut-il
donc considérer l’élection présidentielle comme un folklore plus ridicule qu’inquiétant ?
Non, certes : ce folklore est <i>aussi</i> ridicule qu’inquiétant.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">La monarchie héréditaire –
dotée d’un certain pouvoir – ne serait-elle pas en somme quelque chose de plus
sérieux ? Je ne dis pas que c’est possible immédiatement, mais cela mérite
qu’on y réfléchisse.<o:p></o:p></span></p>
<div style="mso-element: endnote-list;"><div style="text-align: justify;"><br /></div><!--[if !supportEndnotes]-->
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="edn1" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman",serif; font-size: 10pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[i]</span></span><!--[endif]--></span></span> <span style="font-size: x-small;">Que d’éventuels jeunes
lecteurs me pardonnent : j’ai connu l’époque des septennats !</span><o:p></o:p></p>
</div>
<div id="edn2" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman",serif; font-size: 10pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[ii]</span></span><!--[endif]--></span></span> <span style="font-size: x-small;">Que d’éventuels vieux
lecteurs me pardonnent : le général de Gaulle démissionna trois ans et des
poussières avant ma naissance.</span><o:p></o:p></p>
</div>
</div>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-9186298465596699852022-01-03T19:35:00.002+01:002022-01-15T18:59:58.981+01:00J’ai feuilleté pour vous…<p style="text-align: justify;"> <b><i><span style="letter-spacing: 0pt;">Chevreuse</span></i></b><b><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;"> (Patrick Modiano)</span></b></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Quelques lieux, objets,
photographies, bribes de phrases, noms ou visages font faire à Jean Bosmans des
bonds en arrière ou en avant dans le temps. Il en fera un roman, mais les
souvenirs sont une brume où il voyagera toujours. Comme Patrick Modiano qui,
fidèle à son habitude, évoque une petite galerie de personnages tour à tour
fascinants, louches, dangereux ou pitoyables, voire simplement ridicules. Leurs
noms, comme toujours, ont quelque chose de familier et exotique à la fois. Un Modiano
de plus, toujours le même roman, quoi qu’en disent les inconditionnels ou les
snobs, pas déplaisant à lire mais quasiment impossible à distinguer <a href="http://chattycorner1.blogspot.com/2019/11/eternels-retours.html" target="_blank">du précédent</a> : à quoi bon, se demandera le lecteur en tournant les premières
pages de <i>Chevreuse</i>. Il aura tort : s’il continue, il découvrira
que, peu à peu, le brouillard s’ordonne pour faire entrevoir le début d’une
intrigue.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><i><span style="letter-spacing: 0pt;">Bosmans devient écrivain</span></i><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;"> pourrait être un autre
titre pour <i>Chevreuse</i>. En tout cas, Modiano le redevient complètement, et c’est
une bonne nouvelle que ce roman.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><i><span style="letter-spacing: 0pt;">Châteaux
de sable</span></i></b><b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;"> (Louis-Henri de la
Rochefoucauld)<o:p></o:p></span></b></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">On ne devrait pas trop
boire en sortant d’un mariage. Ou, au contraire, devrait-on ? Un certain
Louis-Henri de la Rochefoucauld, héros et narrateur du dernier roman de
Louis-Henri de la Rochefoucauld, en fait l’expérience. Il atterrira, assoiffé
par un excès de boisson, dans un bar clandestin tenu et fréquenté par des
royalistes un rien dérangés, où il fera la connaissance d’un nommé Robinson,
qui n’est autre que Louis XVI.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Ce dernier s’avère d’une
compagnie agréable, bien plus fin (intellectuellement, du moins, que la
réputation qui lui a été faite), malgré quelques excentricités. Outre Louis
XVI, notre narrateur aura l’honneur et la joie de rencontrer une Marie-Antoinette
au naturel, grisonnante et sobrement vêtue, embellie et ennoblie par les
épreuves, loin du kitsch chocolatier dont elle semble devenue à son corps
défendant l’enseigne, ce dont elle sourit amèrement : « vous savez qu’on
se sert de moi pour faire le marketing des macarons ? »<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Quoi de mieux, en somme,
que cette rencontre fort improbable – ivresse, folie douce, songe éveillé,
réalité ou tout simplement roman – pour un homme qui se sent déplacé dans un
monde peu fait pour de doux rêveurs issus de vieilles familles françaises ?<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Il flotte dans <i>Châteaux
de sable</i> comme un parfum légèrement blondinien, où l’ironie et l’humour
tempèrent la mélancolie et l’anxiété. Ce n’est pas une surprise, ce parfum
étant déjà présent, quoique moins bien dosé, en 2017 dans <i><a href="http://chattycorner1.blogspot.com/2017/05/le-club-des-vieux-garcons-louis-henri.html" target="_blank">Le Club des vieux garçons</a></i>.
Et la fantaisie de ces <i>Châteaux de sable</i> n’est pas exempte de gravité,
voire de profondeur, en espérant que ces compliments n’offenseront pas l’auteur.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><i><span style="letter-spacing: 0pt;">Correspondance,
III, 1964-1968</span></i></b><b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;"> (Paul Morand, Jacques
Chardonne)<o:p></o:p></span></b></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Il arrive aux noms de
Modiano et de La Rochefoucauld d’apparaître dans ces pages : le même
Modiano, d’autres la Rochefoucauld.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Peu de choses à dire de
plus sur cet ultime volume de la correspondance des deux vieux chats que sur <a href="http://chattycorner1.blogspot.com/2015/08/morand-chardonne-les-vieux-chats-sont.html" target="_blank">le précédent (1961-1963)</a>, paru il y a plus de six ans. Chardonne, sentant la mort
venir, semble encore plus <i>tao</i> par moments, ses « ce n’est rien »
étant agrémentés d’aveux d’admiration pour la civilisation chinoise. Morand excelle
encore ici et là dans l’image originale ou la description-éclair : « Nous
vivons ici dans un négatif de photographie : au lieu de la masse claire du
lac et d’une place plus sombre, j’ai un lac et un ciel d’ardoise noire, et un
sol éclatant de blancheur », écrit-il de Vevey le 29 décembre 1964.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">La fin de cette
correspondance, ce sera la mort de Chardonne, fin mai 1968. Morand, apprenant
cette mort, écrira le 30 mai 1968 lettre qui ne partira évidemment pas,
finissant par : « Je ferme ici une correspondance d’une quinzaine d’années,
une boule de laine dans la gorge. » Curieusement, cette lettre est suivie
d’un post-scriptum reconnaissant apparemment quelques mérites à de Gaulle. Tout
arrive… Le vieil homme entrera ensuite dans le long hiver, pour paraphraser
Blondin, et ce sera le <i>Journal inutile</i> qui commencera le surlendemain.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Reste, entre des
souvenirs dur Proust (et quelques autres) et des considérations point
déshonorantes sur <i>Les Choses</i> de Georges Perec, un voyage dans le temps
qui fascinera les amateurs et rasera les autres d’une manière monumentale, quand
ils ne seront pas outrés par l’imbécillité politique, morale et spirituelle de
Morand. Dommage pour ce grand talent (ce dont il a déjà été question <a href="http://chattycorner1.blogspot.com/2021/01/aimer-paul-morand.html" target="_blank">ici</a>).<o:p></o:p></span></p>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-24603553332711868992022-01-01T20:16:00.000+01:002022-01-01T20:16:20.193+01:00Pour en finir avec 2021<p> <span style="letter-spacing: 0pt;">Sans qu'elles se ressemblent tout à fait, reconnaissons à certaines années consécutives de fâcheux airs de
famille. Ainsi avons-nous été peinés ou ennuyés en 2021 autant qu’en 2020 par
la funeste pandémie que l’on sait, avec son cortège de deuils, d’enfermements,
de bobards et de vaines querelles. De quoi avoir l’impression pour le moins
lassante d’un perpétuel recommencement.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6.0pt;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Les instants joyeux étant
rares, autant ne pas se priver de se les rappeler. Pour les catholiques
français, ce fut probablement la possibilité de fêter Pâques ensemble,
contrairement à ce qui se fit en 2020, en particulier, pour les plus matinaux,
lors de la vigile pascale célébrée au petit matin pour des raisons de
couvre-feu. Moment extraordinaire, beau, émouvant et, selon toute vraisemblance,
unique.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6.0pt;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Cette joie intense nous
fut nécessaire pour affronter d’autres épreuves. La parution en octobre du « rapport
Sauvé » fut un choc dans l’Église. Certes, nous savions bien qu’en son
sein des abus effroyables étaient commis ici et là, de temps à autre. Sans en
nier la gravité, voire le caractère diabolique à tout point de vue, nous
préférions nous rassurer en nous disant que cela ne concernait qu’une infime
minorité de prêtres… Seulement voilà : cette infime minorité, accumulée au
cours des décennies, donne en absolu un nombre terrible. Ce qui fut, sinon
terrible, du moins navrant, c’est le petit tas de controverses qui en sont
nées, lancées par quelques cliques habituelles de « progressistes »
exigeant la démission de tous nos évêques ou encore le mariage des prêtres, ou
de « conservateurs » contestant la validité du « rapport Sauvé ».
Or l’Église n’a pas besoin de « progressistes » ni de « conservateurs »,
mais d’un combat permanent contre le mal, y compris – et peut-être d’abord là –
en son sein. Laissons donc au magasin des curiosités les solutions aussi
incongrues que préfabriquées ou les expressions de déni s’appuyant sur des
arguties de statisticiens amateurs.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6.0pt;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Les coups ne tombant
jamais seuls, il nous fallut, en décembre, apprendre la démission de l’archevêque
de Paris après une campagne de presse pour le moins crapoteuse. On peut, à ce
propos, penser ce que l’on veut du <i>Point</i>, mais on ignorait jusque-là que
cette publication appartînt à la presse de caniveau. On s’instruit tous les
jours, après tout. Si certains avaient de vraies raisons de faire des reproches
à Mgr Aupetit, pourquoi n’ont-ils pas fait ces reproches à visage découvert,
franchement et dans le calme ? Leur était-il nécessaire de répandre
anonymement des ragots dans des journaux friands de spectacle ?<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6.0pt;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Dans ce domaine, ne nous
attardons point sur <i>Paris-Match</i>, dont certaines photos floues montrant
Mgr Aupetit en compagnie d’une vierge consacrée de ses amis et légendées dans
la plus pure tradition farfelue de cette entreprise de gaspillage de papier
feraient hennir de rire s’il ne s’agissait de calomnies. Comment ne pas penser
à cette « une » de <i>Paris-Flash</i> dans <i>Les Bijoux de la
Castafiore</i> : « Le rossignol milanais va épouser un vieux loup de
mer » ?<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6.0pt;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Et, puisqu’il est
question de rire, les amateurs de vieux dessins politiques se rappelleront
celui que commit Jacques Faizant pour le Figaro du 1<sup>er</sup> janvier 1969 :
Marianne, épuisée, laisse derrière elle une porte barricadée au moyen de
verrous, cadenas, barres et bûches de toute sorte où l’on peut lire :
1968. 2020 et 2021, à part quelques moments de joie qu’il ne faut pas oublier,
conviendraient aussi bien. Souhaitons – et faisons en sorte – qu’il n’en soit
rien en 2022. Bonne année !<o:p></o:p></span></p>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-63831274924458364422021-09-25T21:00:00.005+02:002021-09-25T21:00:46.652+02:00Emballements<p style="text-align: justify;"> <span style="letter-spacing: 0pt;">En ces temps de constante
accélération, à peine a-t-on le temps d’y penser qu’une chose a déjà disparu ou
a été oubliée. Ainsi, j’ignore pour combien de temps l’Arc de Triomphe de la
place de l’Étoile est censé rester emballé selon les spécifications laissées
par feu Christo et même s’il l’est encore aujourd’hui.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">À ce sujet, je ne
joindrai pas ma voix à celles qui, dans quelques milieux dits culturels,
chantent les louanges de cette dernière œuvre d’un artiste défunt, ni à celles
qui tonnent contre la supposée profanation d’un monument national. Je pourrais
me contenter de trouver que <i>ça a de la gueule</i> ou de demander quand et où
doit être emporté le monument que l’on vient ainsi d’emballer. Mais essayons de
penser un peu, ce n’est pas toujours déplaisant, tant l’exercice que le
résultat.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Le résultat de mes
réflexions est que les emballages de Christo ne relèvent tout simplement pas du
domaine de l’art. Non qu’ils soient laids ou offensants. Mais, pour commencer,
le caractère de récidive qu’ils présentent (l’Arc de Triomphe après le
Reichstag et, il y a quelque chose comme trente-cinq ans, le Pont-Neuf) en font
plus des événements orchestrés selon des procédés éprouvés que des œuvres d’art.
Poursuivons : l’idée d’emballer quelques monuments plus ou moins chargés
de symboles peut être amusante, voire belle, par l’aspect inhabituel que cet
emballage peut leur donner. Un véritable artiste en fera alors la
représentation grâce aux dons dont il aura été pourvu : l’idée, l’illusion
le talent suffisent, tandis que la réalisation vient tuer toute imagination,
tout art en tant que représentation et non réalisation d’un rêve. Imagine-t-on
Hubert Robert détruisant le Louvre ?<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">D’où vient alors l’erreur
consistant à considérer comme de l’art ce qui manifestement n’en est pas ?
Certes, le snobisme y a une part qui est loin d’être négligeable. Mais aussi et
surtout, depuis l’apparition (il y a environ un siècle) de la vaste supercherie
nommée <i>art contemporain</i>, l’erreur est cultivée par un certain nombre de
petits malins professant qu’il suffit de se proclamer artiste pour produire de
l’art. De là l’agenouillement des snobs devant n’importe quel fruit d’une
élucubration d’un de ces petits malins, que ce fruit soit fade, laid, obscène,
identique à un autre ou relevant de l’événement ou du divertissement. Et les petits
malins savent que cela rapporte, les Kapoor et autres Koons ne diront pas le
contraire.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Reconnaissons cependant
deux mérites aux « œuvres » de Christo : elles n’offensent point
le regard et ont le mérite d’être provisoires. Ceux qui crient au vandalisme
devraient apprécier ce caractère réversible.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;"><o:p> </o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Il est des domaines, fort
différents de celui évoqué ci-dessus, où la réversibilité des choses affole,
que dis-je, terrifie les progressistes. Il n’est besoin que de se rappeler sur
quel ton il a été question, il y a quelques semaines, dans divers de nos
organes de presse, du rétablissement de l’interdiction de l’avortement au Texas
et de l’aval donné à cette loi par la Cour suprême des États-Unis. Les belles
voix de nos radios nationales semblaient hésiter entre l’abattement et la
panique à tel point que c’en était réjouissant. Enfin, presque : la prime
promise à qui dénoncera une femme ayant avorté n’est pas du meilleur effet. Pourquoi
faut-il que des imbéciles viennent toujours gâcher une bonne nouvelle ? <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Observons au passage que
quelques jours plus tard, lorsque la Cour suprême du Mexique approuva la
décision d’autoriser l’avortement dans ce pays, le ton fut tout autre chez nos
journalistes. Je n’ai pas entendu parler de quelque mainmise sur ladite Cour
suprême, à l’issue de quelques basses manœuvres politiciennes, d’une poignée de
juges progressistes aux sombres desseins.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">(Mais laissons-là les Amériques,
surtout celle du Nord, laquelle a récemment, comme toujours, montré aux
atlantistes ce qu’elle entend par <i>alliance</i>. Sauront-ils le comprendre un
jour ?)<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">À propos d’imbécillités
venant tout gâcher, quelqu’un peut-il me dire si, dans leurs débats
préliminaires aux prolégomènes d’une préparation de l’élection présidentielle
de 2022, les membres d’un fameux parti se présentant comme écologiste ont parlé
d’écologie ? Les rares propos de Mme Sandrine Rousseau parvenus à mes
oreilles me donnent quelques doutes. Ce serait drôle si l’écologie n’était pas
un sujet grave.<o:p></o:p></span></p>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-53833428918620573862021-08-22T19:38:00.006+02:002021-08-22T19:38:46.689+02:00« Vivonne » (Jérôme Leroy)<p style="text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt;">Entre les pandémies, les
guerres – civiles ou internationales –, les catastrophes naturelles – dont on
nous dit qu’elles ne sont qu’un avant-goût de ce qui nous attend – et diverses
incertitudes politiques, l’humanité – et en particulier la civilisation
européenne – serait-elle en train de déchoir d’une manière effrayante ?</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">À ce propos, un lecteur
superficiel de <i>Vivonne</i>, le dernier roman de Jérôme Leroy, pourrait
refermer le volume en se disant, avec un soupir las, qu’il a encore perdu son
temps avec une de ces dystopies à la mode qui n’ont pour effet, en se déroulant
dans un futur proche dont les circonstances ne seraient qu’une exagération
somme toute logique de celles que nous vivons aujourd’hui, que de plomber un
peu plus, avec talent, certes, son moral. Ne jetons pas la pierre à un tel
lecteur : après un prologue de feu et de sang que l’on devine dans un
futur plus lointain, nous voici en France, entre 2025 et 2030, et le moins que
l’on puisse dire est que le tableau n’est pas réjouissant. Les catastrophes
climatiques se succèdent et notre pays, comme ceux qui l’entourent, est ravagé
par une guerre civile où s’opposent plusieurs factions qui ressemblent à des
caricatures armées de ce que nous connaissons aujourd’hui : identitaires
de tout poil, islamistes, zadistes, décroissants rêvant de déclencher une
grande panne mondiale (le <i>Stroke</i>)… sans oublier que tout le monde, pour
désigner le gouvernement, dit « les Dingues ». En somme, nous avons
sous les yeux ce que le monde devenait si tous les imbéciles, les fanatiques et
les utopistes se donnaient les moyens d’aller au bout de leur sottise.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Une telle situation, pour
un romancier digne de ce nom, est l’occasion de quelques intéressants récits de
combats et de catastrophes, pourvu que le point de vue adopté soit pertinent. Ici,
les combats sont vus par les yeux de Chimène<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[i]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>,
khâgneuse devenue milicienne dans les rangs de « Nation Celte »,
troupe sanguinaire dont la cause, aussi douteuse que bouffonne, ne l’intéresse
guère. Le point de vue de Chimène, cynique et lettré, est rendu en phrases souvent
courtes qui peuvent prendre valeur d’aphorismes… Est-ce à dire qu’en 2030 le
François Sanders de Nimier serait une jeune fille, et que son Casse-Pompons s’appellerait
désormais « Le Nain » ? Peut-être : les allusions à une
littérature hussarde ne manquent pas dans <i>Vivonne</i>, tout en n’étant pas
les seules, les noms de Drieu, Aragon ou Roger Vailland apparaissant au détour
de quelques pages…<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Mais tout n’est pas dans
l’époque et les tribulations qu’elle impose : après le prologue déjà
mentionné, nous sommes avertis :<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">« <i>Alexandre
Garnier pleurait dans son bureau et il ne savait pas pourquoi.<o:p></o:p></i></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><i><span style="letter-spacing: 0pt;">Il ne pleurait pas parce que la rue de l’Odéon s’était
transformée en rivière en crue qui charriait, de temps à autre, une voiture…</span></i><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;"> »<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Nous allons ainsi
découvrir peu à peu ce qui en fait abat Alexandre Garnier : Adrien
Vivonne, son ancien camarade de classe, poète dont il est devenu l’éditeur négligent.
À travers les chapitres intitulés « Vivonne, un essai de biographie »,
nous comprendrons les relations entre les deux hommes : à Garnier les
affaires, l’aisance matérielle, une forme de réussite bourgeoise et cultivée ;
à Vivonne la grâce des gens vraiment sérieux, celle de suivre leur vocation, en
l’occurrence celle de poète (pour Agnès Villehardouin, son amante des jeunes
années, ce sera une vocation religieuse). Entre eux, ce n’est pas d’amitié qu’il
faut parler, mais du sentiment mêlant l’admiration, la rivalité et l’envie qu’éprouve
Alexandre Garnier : celui-ci a cru pouvoir dominer (et détruire,
peut-être) Adrien Vivonne par des moyens matériels, en éditant mal ses recueils
de poèmes avec des airs de sollicitude condescendante. Ce sentiment est fort
bien dépeint, jusque dans le déni (mais attention, pas de psychanalyse de
comptoir, la délégation viennoise n’étant pas invitée ici, pour paraphraser
Nabokov, autre admiration affirmée de Jérôme Leroy – comment d’ailleurs, dans
un roman évoquant un poète plus par le commentaire et le récit que par ses
poèmes, ne pas penser, toutes proportions gardées, à <i>Feu pâle</i> ?).<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">On sait peu de choses de
la poésie de Vivonne, à part les titres de ses recueils et quelques-unes de ses
sources d’inspiration : les petites villes de province (Vivonne, peut-être ?),
le bruit du vent, l’eau (à tel point que l’on se prend à rêver : il faudrait
qu’existât une rivière qui s’appellerait le Vivonne)… Ce que l’on sait, c’est
qu’il jouit chez quelques lecteurs d’une admiration quasi-religieuse, certains
d’entre eux n’hésitant pas à prêter à ses poèmes le pouvoir de faire disparaître
les lecteurs s’y abandonnant assez, leur permettant d’échapper à la médiocrité,
à la laideur et à la brutalité du monde. Disons que cette part mystique est la
plus faible du roman, mais qu’elle peut être vue comme la manifestation d’une
foi de son auteur dans le pouvoir de la littérature, ce qui n’est pas
méprisable. Cette part mystique, un peu mièvre donc, comme toutes les mystiques
athées, revient à Béatrice Lespinasse, responsable dévouée d’une médiathèque
dans le Limousin et inconditionnelle de Vivonne.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Un roman polyphonique
bien construit finit par faire converger les voix qui le composent. Jérôme Leroy
n’étant pas un vain tartineur de papier, c’est fort logiquement qu’il fera se
rencontrer Alexandre, Béatrice et Chimène, tous trois à la recherche de
Vivonne, dont personne n’a de nouvelles depuis des années. Sans tout déflorer,
contentons-nous de dire que les fruits de cette quête seront variés, à la
mesure de chacun des trois personnages. Et que cette quête se conclura sur un
épilogue nous ramenant dans le futur lointain et sanglant du prologue<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[ii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>,
peut-être d’une manière moins désespérante que celui-ci, du point de vue de l’auteur.<o:p></o:p></span></p>
<div style="mso-element: endnote-list;"><div style="text-align: justify;"><br /></div><!--[if !supportEndnotes]-->
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="edn1" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[i]</span></span><!--[endif]--></span></span> Pardon, je n’ai pas pu
résister.<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn2" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[ii]</span></span><!--[endif]--></span></span> Le catholique que je suis
est un peu ennuyé par les oripeaux « chrétiens » brandis par les « Autres »
persécutant les « Amis ». Mais peut-être ces « Autres » représentent-ils
le dernier stade de la caricature identitaire (se parant ici, donc, d’apparences
chrétiennes) qui s’est déjà manifestée sous bien des formes au cours du roman…</span><o:p></o:p></p>
</div>
</div>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-25124014184000547112021-07-25T18:36:00.000+02:002021-07-25T18:36:12.861+02:00« Téléréalité » (Aurélien Bellanger)<p style="text-align: justify;"> <span style="letter-spacing: 0pt;">Aurélien Bellanger aurait-il
changé ? En termes statistiques, c’est le cas : après quatre romans
dont le nombre de pages tournait autour de 484 pages (avec un écart-type de 8,9
pages et un coefficient de variation inférieur à 2%), la moyenne tombe avec </span><i style="letter-spacing: 0pt;">Téléréalité</i><span style="letter-spacing: 0pt;">,
son cinquième roman, à 436 pages, l’écart-type passant à 107,8 pages et le
coefficient de variation à 25% ! Il faut dire que </span><i style="letter-spacing: 0pt;">Téléréalité</i><span style="letter-spacing: 0pt;"> ne compte
que 244 pages, soit moitié moins que les quatre précédents romans de Bellanger.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">La brièveté – relative –
de <i>Téléréalité</i> est reflétée en quatrième de couverture : « L’homme
qui voulait faire de la télévision un art », y lit-on seulement. Un défi aux
critiques littéraires paresseux !<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Dans <i>Téléréalité</i>,
nous voyons prospérer Sébastien Bitereau, fils d’un plombier de la Drôme et
jeune comptable, prospérer dans le petit monde de la télévision dont il
deviendra un des maîtres, avant un drame personnel qui aura sur sa vie des
conséquences dans divers domaines, le domaine spirituel n’étant pas le moindre.
Curieusement, on croirait avoir affaire à une réduction de <i>Théorie de l’information</i>,
premier roman de Bellanger, transposée à la télévision. L’intérêt est d’y voir
un monde de plus en plus tourné vers lui-même, se célébrant par des émissions
exploitant des archives télévisées, avant de se tourner vers le néant des candidats
de téléréalité, personnes vides éprises d’elles-mêmes ou de l’idée qu’elles se
font d’elles-mêmes.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Comme dans les romans
précédents de Bellanger, en particulier <i>Théorie de l’information</i> et <i>Le
Grand Paris</i>, on croise ici et là dans <i>Téléréalité</i> quelques
personnages réels influençant Sébastien Bitereau ou influencés par lui, de même
que l’on explore les coulisses, l’envers du monde contemporain ou du moins d’une
partie de celui-ci dont la puissance n’est pas négligeable. Magie balzacienne ?<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Les statistiques étalées
plus haut n’étaient pas qu’une pitrerie de la part de votre serviteur : cette
magie semble lasser Bellanger, ce qui explique peut-être la brièveté de <i>Téléréalité</i>.
Peut-être lassera-t-elle aussi le lecteur habitué de Bellanger par la sensation
de déjà vu qu’elle procure. L’impression est que Bellanger s’est contenté d’appliquer
une recette qu’il connaît et maîtrise bien, avec le talent qu’on lui connaît,
mais sans passion, comme par routine. <i>Téléréalité</i> peut en revanche être
recommandé à qui voudrait découvrir à peu de frais une partie de son art
romanesque – pas la meilleure, il est vrai, qui se trouve dans <i>L’Aménagement
du territoire</i> et <i><a href="http://chattycorner1.blogspot.com/2019/09/le-continent-de-la-douceur-aurelien.html" target="_blank">Le Continent de la douceur</a></i>.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">(Sinon, Aurélien
Bellanger a donné à la revue <i>Limite</i><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[i]</span></span></span><!--[endif]--></span></span><i> </i>un
court texte, « Vous n’aurez pas Mayenne », où il est question d’une
de ses expéditions cyclistes, autrement sportives que <a href="http://chattycorner1.blogspot.com/2019/12/petites-causes-grands-effets-et-linverse.html" target="_blank">celles de votre serviteur</a>. Un signe de renouveau, peut-être ?)<o:p></o:p></span></p>
<div style="mso-element: endnote-list;"><div style="text-align: justify;"><br /></div><!--[if !supportEndnotes]-->
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="edn1" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman",serif; font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[i]</span></span><!--[endif]--></span></span> <span style="font-size: x-small;">Dans son numéro 21, de
janvier de cette année, ce qui ne nous rajeunit pas.</span><o:p></o:p></p>
</div>
</div>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-1967830118266791782021-06-27T20:36:00.005+02:002021-06-27T20:36:41.269+02:00Confusions<p style="text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt;">L’avez-vous senti ?
La terre a tremblé le 8 juin du côté de Tain-l’Hermitage, sous l’effet du choc
entre la main d’un énergumène et la joue de notre président de la république.
C’était du moins ce que pouvaient laisser croire tous les organes de presse qui
ont beurré d’abondantes tartines à ce sujet. Entre deux mentions des théories
d’Ernst Kantorowicz (un des penseurs que les commentateurs politiques aiment
probablement le plus citer sans en avoir lu une page), on s’est répandu en
conjectures inquiètes sur le cri de </span><i style="letter-spacing: 0pt;">Montjoie Saint-Denis</i><span style="letter-spacing: 0pt;"> proféré par le
jeune homme un peu énervé qui a souffleté M. Macron. Lequel en a vu d’autres
depuis en matière de gifles, au sens figuré cette fois, fort heureusement. Là
encore, nos commentateurs politiques ont fait ce qu’ils ont pu, nous rassasiant
de gloses post-électorales tendant à prouver qu’ils avaient raison de s’être
trompés. Ces gens n’ont rien à envier à ceux qui font l’objet de leurs
commentaires, ni aux commentateurs de foutebôle.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Pour revenir à la gifle
bien réelle reçue par M. Macron, observons que l’auteur de ce malheureux geste
est déjà en prison, où il lui a été vivement conseillé de séjourner pendant
quatre mois, histoire sans doute de se calmer un peu. La justice sait être
rapide, quand elle veut bien.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">On ignore en revanche si
les excités qui, le 29 mai, ont lancé divers projectiles sur une procession en
mémoire des martyrs de la rue Haxo feront l’objet de décisions aussi fermes at
rapides. Il est hélas permis d’en douter, alors que deux pèlerins durent être
hospitalisés après les coups reçus. Soit dit en passant, et pour consoler ces
pèlerins, la haine exprimée par le monde, parfois avec violence, fait partie
des dures grâces promises aux chrétiens. Nous devrions savoir cela depuis les
Béatitudes. Les martyrs de la rue Haxo le savent depuis cent cinquante ans.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Observons que les
agresseurs étaient à côté de la plaque, confondant une procession avec une
manifestation politique, et criant « à bas les versaillais ». Sans
doute faut-il y voir l’incapacité des esprits partisans à avoir d’autres
considérations (si j’ose ce mot flatteur) que politiques. Sans doute aussi une
connaissance partielle et orientée de l’histoire, poussant à traiter de
« versaillais » le reste du monde, même quand il n’a rien à voir avec
ce camp. Ajoutons l’hypothèse que, parmi ces communards en peau de lapin, le
rouge se porte au moins autant dans les gosiers que sur les drapeaux, et qu’on
lève autant le coude que le poing.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Ce regrettable événement,
s’il a fait peu de brui dans la grosse presse, en a fait pas mal dans un petit
monde catholique parisien. On s’est envoyé des tribunes à la figure (ce qui est
mieux que des verres ou des gifles), dans <i>la Croix</i> notamment. Une de ces
tribunes, qualifiant la procession en question d’<i>aberration spirituelle et
politique,</i> a provoqué une certaine indignation. N’accablons pas ses auteurs
et disons que tout le monde peut se tromper. Et même y mettre le paquet, cette
tribune bancale et incohérente accusant le clergé français du XIXe siècle de
« copinage avec la bourgeoisie capitaliste » avant de sommer nos
prêtres de se contenter d’administrer les sacrements aux fidèles.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Certes, administrer les
sacrements, voilà qui est le propre d’un prêtre. Mais il s’est aussi trouvé
parmi les martyrs de la rue Haxo des prêtres qui ne se sont pas limités (si
j’ose dire) à cela. Les auteurs de cette pauvre tribune n’ignorent pas qui
était, par exemple, le père Planchat ? Lui dire de se contenter
d’administrer les sacrements aux fidèles, c’eût été sans doute le rêve des
riches et des puissants d’alors, des versaillais et de tous leurs successeurs.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Du reste, ses auteurs
avaient mieux à faire que de produire cette indigente tribune reflétant une
vision idyllique, voire gentillette, de la Commune de Paris<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[i]</span></span></span><!--[endif]--></span></span> et de
provoquer des chamailleries à propos d’événements vieux de cent cinquante ans.
On aimerait les entendre à propos du projet de loi dit bioéthique, où
s’unissent curieusement – et pour le pire – une partie de ceux qui se réclament
des communards et les parfaits versaillais de la « République en
marche ».<o:p></o:p></span></p>
<div style="mso-element: endnote-list;"><div style="text-align: justify;"><br /></div><!--[if !supportEndnotes]-->
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="edn1" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[i]</span></span><!--[endif]--></span></span> Précisons que les crimes
commis par des communards n’ôtent rien à ceux des versaillais, plus massifs.
Cyniquement, on pourrait dire que les versaillais étaient plus nombreux et plus
armés.</span><o:p></o:p></p>
</div>
</div>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-42443865987642793032021-04-09T18:25:00.001+02:002021-04-09T18:25:52.665+02:00Un peu moins de bruit !<p style="text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt;">Les outils de
communication que la technique contemporaine met à la disposition de beaucoup d’entre
nous pourraient être une bénédiction. Que de beautés, de vérités et de
discussions ils pourraient aider chacun à découvrir ou à partager ! C’est
parfois le cas, ne nous plaignons pas trop. Ces outils sont après tout ce que
nous en faisons.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Or, le plus souvent, ils
sont le relais de querelles aussi enflammées qu’insignifiantes. Faut-il
encourager les « réunions non-mixtes » ou s’en indigner, Pépé le
putois est-il un véhicule de la culture du viol, un sapin de Noël n’est-il qu’un
arbre mort, voilà des questions que d’aucuns jugent essentielles, auxquelles
ils se sentent obligés de répondre – de préférence de manière tranchée et
brutale au moyen de quelques touites, par exemple – et dont nous n’avons cure. Les
opinions, telles qu’elles sont transmises par divers canaux, s’empilent ainsi
en une cacophonie de piaillements indigents. Un ministre a même pris la peine,
ces derniers jours, de faire savoir à qui aura voulu l’entendre, qu’il était
favorable à l’octroi de la Légion d’honneur au président d’un aéro-club à qui
la municipalité de sa commune – de sensibilité écologiste – avait refusé de
renouveler une subvention représentant environ un cent-cinquantième de son
budget. Nous en sommes là. Mais après tout il ne tient qu’à nous de ne pas
prêter une attention excessive à tout ce bruit, histoire de ne pas céder devant
ce vaste complot contre toute espèce de vie intérieure qu’est – selon les mots
de Bernanos il y a bien soixante-quinze ans – le monde moderne.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Il est cependant des
bruits dont il faut bien dire quelque chose. Au détour d’une note parue dans
une livraison récente de la <i>Revue des deux mondes</i>, je pus lire que d’aucuns,
aux États-Unis, feraient bien un sort à <a href="http://chattycorner1.blogspot.com/2014/11/quelques-notes-en-hommage-flannery.html" target="_blank">Flannery O’Connor</a> en décrétant que
celle-ci était raciste, le mot <i>nègre</i><span class="MsoEndnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[i]</span></span></span><!--[endif]--></span>
apparaissant souvent dans ses nouvelles et ses romans. Cette note étant
elle-même une recension de la livraison de décembre 2020 de l’Atelier du roman<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[ii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>, je
courus me procurer ladite livraison. Laquelle contient un dossier de pas moins
de soixante-quinze pages sur Flannery O’Connor. L’un des contributeurs à ce
dossier, Trevor C. Merrill, outre un intéressant article sur « Le roman
selon Thomas d’Aquin », nous apprend dans une chronique de quoi il
retourne : en juin 2020 est paru dans le New Yorker un article<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[iii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>
accusant Flannery O’Connor de racisme en s’appuyant sur le contenu de quelques
lettres et cartes postales qu’elle avait envoyées à sa famille en 1943 (à l’âge
de dix-huit ans, donc) lors d’un voyage dans le Massachussets (mentalement aux
antipodes de sa Géorgie natale). Peu après la parution de cet article, une
étudiante de l’université Loyola, sise dans le Maryland, a lancé une pétition
(en ligne, bien entendu) pour obtenir que le nom d’un foyer d’étudiantes de
ladite université ne porte plus le nom de Flannery O’Connor et obtenu gain de
cause. Les explications du président de l’université Loyola, dont Trevor C.
Merrill rend compte, sont un trésor de sinuosité qu’on ne trouve d’ordinaire
que dans les plus malveillantes caricatures de jésuites. Trevor C. Merrill
précise en outre que des voix se sont élevées avec les meilleures intentions du
monde pour défendre la mémoire de Flannery O’Connor, puisant dans son œuvre pour
démontrer son opposition au racisme dont, pas loin de soixante ans après sa
mort, certains l’accusent. Et il n’a pas tort d’écrire que ces défenses sont
maladroites et favorisent les accusateurs, en contribuant à faire (en l’occurrence)
du racisme « la seule question valable ».<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Faut-il dire quelque
chose en défense de Flannery O’Connor ? Oui, et c’est assez simple :
si elle a tenu un jour les propos racistes qu’on lui prête et manifesté ici ou là
des préjugés dans le même sens, voilà de mauvaises pensées et de mauvaises
paroles. Si elle en a eu conscience, étant une catholique aussi pieuse que sincère,
elle s’en sera probablement ouverte à son confesseur. Et cela ne nous regarde
pas.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Quant à l’œuvre de
Flannery O’Connor, elle n’est pas là pour distribuer les bons ou les mauvais
points. C’est un regard d’une richesse et d’une profondeur considérables, qui
porte sur de tout autres sujets. C’est ce que ce dossier de <i>l’Atelier du
roman</i>, au-delà de vaines controverses contemporaines, tente de nous faire
découvrir ou de confirmer si l’œuvre de Flannery O’Connor nous est familière,
par exemple si nous avons lu <i>Mystère et manières</i>. Les lecteurs assidus de
Flannery O’Connor y trouveront donc un certain plaisir<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[iv]</span></span></span><!--[endif]--></span></span> ;
puisse la curiosité des autres être éveillée.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">On réclame donc un peu
moins de bruit et un peu plus de beauté et de vérité !<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">(Et votre serviteur vous
souhaite de joyeuses – et saintes – fêtes de Pâques.)<o:p></o:p></span></p>
<div style="mso-element: endnote-list;"><div style="text-align: justify;"><br /></div><!--[if !supportEndnotes]-->
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="edn1" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[i]</span></span><!--[endif]--></span></span> Fort crûment dans le texte,
d’ailleurs : <i style="mso-bidi-font-style: normal;">nigger</i> ; le
mot n’est pas des plus agréables, mais encore faut-il lire les autres mots du
texte…<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn2" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[ii]</span></span><!--[endif]--></span></span> Revue désormais éditée
chez Buchet-Chastel. On y retrouve avec plaisir, en guise de culs-de-lampe, quelques
dessins de Sempé.<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn3" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[iii]</span></span><!--[endif]--></span></span> « Sinistre »
selon les mots de Trevor C. Merrill, qui en écrit encore qu’il « est très
bien structuré, efficace à tous les niveaux, que ça vaut presque la peine d’être
lu. »<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn4" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[iv]</span></span><!--[endif]--></span></span> Ne serait-ce que dans le
propos liminaire de « La terrible grâce du Seigneur », article de
Nunzio Casalaspro : « Flannery O’Connor écrit des romans catholiques
dont les protagonistes, protestants, ressemblent à des fols-en-Christ
orthodoxes. »</span><o:p></o:p></p>
</div>
</div>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-91982385810225505592021-02-20T20:48:00.001+01:002021-02-25T20:03:37.255+01:00« Ce monde est tellement beau » (S. Lapaque)<p style="text-align: justify;"> <span style="letter-spacing: 0pt;">Sébastien Lapaque aime
tant les théories qu’il en échafaude parfois lui-même : d’Alger, de Rio de
Janeiro, voire de la carte postale ou de la bulle carrée, sa bibliographie en
témoigne. La pratique ne manque pas non plus, et pas seulement du point de vue
littéraire, comme le prouve </span><i style="letter-spacing: 0pt;">Ce monde est tellement beau</i><span style="letter-spacing: 0pt;">, son dernier
roman.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Pratique ? Encore
convient-il de s’entendre sur l’acception à donner à ce mot. Car nous sommes
prévenus dès le deuxième chapitre par un aphorisme que nous devons être
nombreux à regretter de ne pas avoir écrit : « <i>Les gens
pratiques sont fatigants, ils passent leur temps à vous faire des remarques
saugrenues.</i> » Un point-virgule nous eût fait toucher à des délices
dignes de Nimier…<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Mais revenons à ces gens
pratiques. Qui sont-ils ? On pourrait dire : ceux dont les
préoccupations, voire les ultimes aspirations, ne sont que terrestres et
physiques. La richesse, le confort, le bien-être, la bonne santé, voilà leurs
horizons, dont la poursuite doit impérativement faire l’objet d’une constante
évaluation, afin d’être optimisée. Pas une minute à perdre en contemplation (qu’ils
nommeront rêvasserie).<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Des gens pratiques,
Lazare, héros et narrateur de <i>Ce monde est tellement beau</i>, en est
entouré : son père, ses frères, sa compagne qui vient de le quitter et la sœur
de cette dernière. Une vie terre-à-terre en quelque sorte exaltée par le bruit
contemporain semble leur convenir à merveille. Or, ce bruit, ces horizons bas,
Lazare ne les supporte plus, au point d’avoir eu un jour la révélation du nom à
donner à tout cela : l’Immonde. Cette révélation, si elle est un signe de
lucidité, n’est pas sans dangers ni, pour user d’un vocabulaire tout à fait
pertinent, ses tentations. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Celle de s’en accommoder,
voire de s’y adapter ? Guère, si l’Immonde est désormais révélé. Celle de
se révolter ? La plus forte à première vue, avec celle de sombrer dans la
dépression ou l’à-quoi-bonisme. Cette dernière n’est pas sans menacer Lazare,
avec celle d’un repli hautain, fort confortable à sa manière. Car Lapaque n’est
pas Houellebecq : il finit ses paragraphes et ses personnages ne s’abandonnent
pas aux troubles charmes du naufrage. Lazare sait garder de la tenue, y compris
vestimentaire : « <i>Porter une cravate sous un pull en laine d’Écosse
était une habitude surannée, mais j’y tenais.</i> »<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Sur quoi s’appuyer pour
sortir de cette ornière ? Il n’y a pas trente-six solutions : la foi.
Et la pratique qui en découle, pratique qui ne saurait être une habitude, mais
un cheminement, un apprentissage sans fin. Quelques personnages vont aider
Lazare sur ce chemin.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Pour commencer, il y a
Lucie, voisine de Lazare, charmante ornithologue passionnée de Shakespeare. Avec
elle, sous le prétexte de découvrir la richesse et la beauté – menacées par la
brutalité et la gloutonnerie de l’Immonde – du règne animal et du théâtre
élisabéthain, le roman aurait pu prendre le chemin d’une idylle qui se serait
vite affadie : ma-chérie-m’a-quitté-mais-Lucie-m’a-fait-connaître-le-vrai-amour-en-m’apprenant-les-vraies-valeurs.
Soyons sérieux une minute, voulez-vous bien ? Lucie, aussi jeune et jolie
soit-elle, n’est qu’un guide parmi d’autres sur un chemin que Lazare doit
parcourir lui-même.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Il en va de même de
quelques rencontres, comme celle de Denis, ancien « dealer d’optimisme »
revenu à la religion juive, ou de quelques amis qui sont pour lui comme des
repères, Walter ou Saint-Roy notamment. De proche en proche, ils lui feront
faire d’autres rencontres qui le pousseront à faire le saut de la foi, comme le
père Raguénès ou Xavier, le frère de Walter (on pourra faire à Lapaque, à
propos de Xavier, le reproche de lui mettre dans la bouche des propos qui
semblent plus écrits que parlés ; les tirades de Xavier paraissent parfois
manquer de naturel ; trop théoriques, peut-être ?).<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">L’effort qu’a à faire
Lazare passe par la découverte des beautés du monde – la Création et les œuvres
des hommes en harmonies avec celle-ci, aussi bien dans un match de rugby entre
clubs amateurs que dans une forêt, un oiseau ou Shakespeare (libéré des élucubrations
de metteurs en scène contemporains) – en franchissant le mur de l’Immonde. Et peu
à peu en tirer les conséquences, entrer dans les églises autrement qu’en
touriste. À ce propos, une interrogation : lorsque Lazare, passant à Chartres,
sa ville natale, un dimanche<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[i]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>, se
décide à entrer dans la cathédrale pour assister à la messe, on lit : « <i>un
clerc apporta un livre saint serti d’argent tandis qu’un autre balançait un ostensoir
qui diffusa une odeur d’encens dans la nef.</i> » Il s’agit évidemment d’un
<i>encensoir</i> et non d’un <i>ostensoir</i>. Alors ? Lapaque aurait-il
commis un lapsus que, dans un monde affreusement déchristianisé, aucun
correcteur n’aura relevé ? Au travail, Lapaque ! Évangélisez-nous un
peu ces gens de chez Actes Sud ! Ou alors, s’agit-il d’user à dessein d’un
vocabulaire pour le moins approximatif afin de suggérer l’ampleur de l’ignorance,
voire de la misère de Lazare à ce moment du récit ?<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Quoi qu’il en soit, <i>Ce
monde est tellement beau</i> comporte une exhortation à s’abandonner à la foi –
confiance et louange – dans la bouche de Walter, exhortation de joueur de rugby
à qui hésiterait au seuil de cette foi : « <i>Il faut mettre la tête !
cria Walter, rentrer au casque !</i> »<o:p></o:p></span></p>
<div style="mso-element: endnote-list;"><div style="text-align: justify;"><br /></div><!--[if !supportEndnotes]-->
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="edn1" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman",serif; font-size: 10pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[i]</span></span><!--[endif]--></span></span> <span style="font-size: x-small;">Le premier dimanche de
Carême, soit dit en passant. C’est en ce moment que ça se passe !</span><o:p></o:p></p>
</div>
</div>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-41780961231584132172021-01-27T21:27:00.003+01:002021-01-27T21:27:54.374+01:00Aimer Paul Morand ?<p style="text-align: justify;"> <span style="letter-spacing: 0pt;">-<span style="font-size: xx-small;"> </span></span><span style="letter-spacing: 0pt;">Naturellement, pas du tout. Je le déteste même, au point d’entretenir
cette détestation par la lecture abondante de ses œuvres.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">C’est ainsi que j’avais
répondu, voici quelques années, à une amie que m’avait interrogé devant le bon
mètre de Morand qui garnissait ma bibliothèque.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Est-ce l’abondance d’one œuvre
parfois inégale, que l’on ne sait trop comment aborder, ou celle des clichés
dont il pâtit autant qu’il sut en profiter, qui intimide ou repousse le lecteur
hésitant ? Les deux, peut-être. Efforçons-nous au moins, pour nous en
débarrasser, d’énumérer les clichés.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><i><span style="letter-spacing: 0pt;">L’Homme pressé</span></i><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">, titre d’un de ses romans, en résume une bonne
partie. Il faut d’ailleurs observer que le héros de ce roman, en partie un
autoportrait de Morand<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[i]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>, se
rend en permanence insupportable à son entourage, voire à lui-même, par sa
manie de vivre vite. Le cliché a donc sa part d’ambiguïté. Voilà pour la
vitesse, le Morand sportif, courant d’air étourdissant jusqu’à sa mort à 88 ans<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[ii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Citons aussi le mondain
cosmopolite, ou encore l’écrivain-diplomate (à l’instar de Claudel ou de
Saint-John Perse), avec une touche d’exotisme et de « Bœuf sur le toit ».
Le mondain fut plutôt vraisemblablement un snob, du moins dans sa jeunesse. Quant
au diplomate, le moins que l’on puisse en dire est qu’il n’a pas laissé de
trace impérissable au cours d’une carrière en pointillé. Une, peut-être :
son départ pour Vichy l’été 1940 alors qu’il était encore alors en poste à
Londres, qui lui valut surtout une rancune tenace de la part du général de
Gaulle.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">À propos de Vichy, on
connaît la suite, dont des détails nous sont fournis dans le <i>Journal de
guerre</i> de Morand. Et c’est plutôt consternant : au conformisme du haut
fonctionnaire soucieux de sa carrière s’ajoutent des vues singulièrement
courtes en matière politique<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[iii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span> et
une indifférence qui confine à la sécheresse de cœur ou d’âme devant les
horreurs dont le gouvernement de Vichy se rendit complice. Un côté « que
voulez-vous que ça me fasse », mêlé d’embarras quand certaines voix s’élèvent
devant ces horreurs ; ainsi en août 1942 : <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">« <i>Les évêques
font une démarche collective des plus énergiques en faveur des Juifs de la zone
libre. […] C’est inouï l’enjuivement des curés. C’est à vous rendre
anticlérical.</i> »<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Ou encore en septembre de
la même année : <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">« <i>La brave
aubergiste dit qu’elle est isolée, qu’elle n’a pas de radio, qu’elle ne lit
jamais le journal. Elle n’a d’opinion sur rien, sauf sur une chose :<o:p></o:p></i></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin: 6pt 0cm 0.0001pt; text-align: justify;"><!--[if !supportLists]--><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">-<span style="font-size: xx-small;"> </span></span><i><span style="letter-spacing: 0pt;">C’est mal de
séparer les Juifs de leurs enfants, dit-elle. D’ailleurs puisqu’on les a
accueillis, il faut les garder !<o:p></o:p></span></i></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><i><span style="letter-spacing: 0pt;">C’est inouï la force de pénétration de la propagande
juive.</span></i><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;"> »<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Ce qui est inouï en l’occurrence,
c’est surtout la bêtise des remarques de Morand, une bêtise qui a quelque chose
de diabolique<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[iv]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Ce <i>Journal de guerre</i>
comporte cependant des aspects intéressants, dont une occasion manquée. On y
lit en effet un portrait par petites touches de Pierre Laval, que Morand côtoie
de près en 1942-43 ; on rêve de voir apparaître dans un roman ce
personnage de parfait politicien, sûr de lui, cynique, prêt à tous les
marchandages et à toutes les justifications d’iceux, jamais avare d’une
anecdote ou d’une observation tendant à prouver sa fine intelligence, son
empathie, son bon sens paysan. Morand n’en fera jamais rien, trop séduit puis
trop déçu ou lassé par le personnage, peut-être<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[v]</span></span></span><!--[endif]--></span></span> ?<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Ici et là, dans ce <i>Journal</i>,
apparaissent aussi quelques formules qui nous rappellent que nous avons <i>quand
même</i> affaire à un écrivain et que c’est en somme ce qui nous intéresse :
« <i>Maxim’s ressemble à un sous-marin décoré avec des iris qui aurait
coulé en 1900</i> », note Morand début 1942. L’homme a beau faire de
touchants efforts pour devenir un parfait imbécile, voilà que, comme par inadvertance,
l’écrivain surgit avec tout ce qui fait son charme : la note brève, l’image
inattendue, voire incongrue, moins flatteuse que chez son contemporain Cocteau.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Parler de Morand exige
donc un sens peu répandu de la nuance. À ce propos, il faut saluer et
recommander sa biographie récemment parue chez Gallimard<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[vi]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>, que
nous devons à <a href="http://chattycorner1.blogspot.com/2017/10/le-dejeuner-des-barricades-pauline.html" target="_blank">Pauline Dreyfus</a>. Le ton est juste, ainsi que le point de vue,
mêlant à l’admiration qui s’impose la sévérité qui convient, sans oublier une
certaine ironie<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[vii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>.
Cela n’est pas une surprise de la part de l’auteur d’<i>Immortel, enfin</i>,
roman où il est question des splendeurs et des ridicules d’un Paul Morand
vieillissant.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">(Naturellement, je ne
déteste pas Paul Morand.)<o:p></o:p></span></p>
<div style="mso-element: endnote-list;"><div style="text-align: justify;"><br /></div><!--[if !supportEndnotes]-->
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="edn1" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[i]</span></span><!--[endif]--></span></span> Si un écrivain trouve
matière à écrire, et à écrire bien, sur quelque sujet que ce soit, y compris un
de ses traits de caractère poussé jusqu’à la caricature, pourquoi l’en
blâmerait-on ?<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn2" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[ii]</span></span><!--[endif]--></span></span> Le cliché de l’homme à
femme relève du même domaine : en coup de vent, déjà ailleurs.<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn3" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[iii]</span></span><!--[endif]--></span></span> La facilité avec
laquelle Morand (ainsi que d’autres) a gobé la fiction vichyssoise – sans en
ignorer le côté vain, intrigue de ville d’eaux – et accepté une certaine
soumission à l’Allemagne laisse pantois.<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn4" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[iv]</span></span><!--[endif]--></span></span> Avec, à côté, la mention
d’aides apportées à des amis juifs. Curieuse incohérence de la part de qui ne
perçoit pas la fausseté de vues générales auxquelles il adhère à travers les
cas particuliers où, par amitié ou par humanité, il contredit ces vues. Mais n’accablons
pas Morand. Il ne fut pas le seul dans ce cas.<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn5" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[v]</span></span><!--[endif]--></span></span> On passe de « <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Laval a l’air de marcher somnambuliquement
vers un but connu de lui seul : ça m’impressionne</i> » (mars 1943) à
« <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Le côté paysan, amour de la terre,
connaissance de la ferme, etc., chez Laval est "acquis". Ce n’est pas
un vrai paysan</i> » (juin 1943).<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn6" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[vi]</span></span><!--[endif]--></span></span> Ainsi que le <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Journal de guerre</i> déjà cité.<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn7" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[vii]</span></span><!--[endif]--></span></span> Cette biographie est à
lire jusqu’aux remerciements <i style="mso-bidi-font-style: normal;">inclus</i>,
où l’on apprendra (de seconde main, certes) ce qui distingue les Morandiens des
Proustiens et des Céliniens.</span><o:p></o:p></p>
</div>
</div>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-1106576314787841762021-01-21T12:55:00.006+01:002021-01-21T12:55:44.185+01:00Le sans-culotte Trump<p style="text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt;">En ce 21 janvier, comme
chaque année, je m’efforcerai de livrer quelque réflexion, si possible
intelligente, à la mémoire de Louis XVI, sans éviter un regard critique.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Prenons les États-Unis, nés
d’une erreur de ce roi assassiné un 21 janvier. Cette nation, si les folies
ultérieures de l’Europe n’avaient provoqué son intervention en nos contrées à
plusieurs reprises, serait-elle autre chose que l’objet d’un regard amusé et,
il faut le reconnaître, un brin condescendant de notre part ? En somme,
les États-Unis, s’ils n’étaient devenus si puissants, seraient encore pour nous
une curiosité plus ou moins pittoresque. Tandis que désormais le moindre
événement agitant ces plus ou moins sympathiques provinces fait frémir le
monde, et en particulier l’Europe.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Hier, par exemple, M.
Biden a été installé comme nouveau président des États-Unis. Toute la presse
européenne s’est répandue en reportages en direct sur son intronisation, comme
siu chaque pays d’Europe aspirait à être choisi comme le cinquante-et-unième
des États-Unis d’Amérique du Nord.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Ne boudons pas cependant
notre plaisir : nous ne regretterons pas, de ce côté-ci de l’Atlantique,
M. Trump et ses foucades. Les atlantistes se réjouiront d’avoir enfin un patron
plus poli auprès de qui prendre des ordres. Les autres, dont votre serviteur,
passeront ce pitre par pertes et profits, regrettant cependant l’occasion
manquée de prendre conscience de la nécessité de nous affranchir de l’encombrante
tutelle américaine. Donc, <i>sic transit gloria mundi</i>, et hop ! atlantistes
ou non, renvoyons M. Trump à ses parties de golf ou à d’autres plaisirs sans
conséquences pour nous.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Ce dernier a paru
éprouver quelques difficultés à admettre sa défaite électorale. Naturellement
fruste dans son expression, l’intéressé a manifesté sa déception à la manière d’un
petit garçon renversant tous les pions d’un jeu où il est en train de perdre. Que
voulez-vous, les Américains sont de grands enfants !<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Ce dernier jugement, d’aucuns
se seront fait tancer par des esprits sérieux pour l’avoir émis à propos de
partisans de M. Trump venus à Washington prendre d’assaut le Capitole voici une
quinzaine de jours. À ceux qui n’ont vu dans cette lamentable mascarade qu’une
manifestation d’un folklore douteux, toutes sortes de références historiques
ont été opposées pour leur répondre qu’il s’agissait d’une affaire sérieuse. On
a parlé de fascisme.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Par chez nous, il s’est
trouvé quelques esprits narquois pour citer des extraits de <i>L’Éducation
sentimentale</i> où Flaubert se régale à dépeindre les émeutiers (ou les
insurgés, tout dépend du point de vue) de 1848 envahissant les Tuileries. Nous voilà
en bonne voie, et je ne résiste pas au plaisir (si l’on veut) de remonter
encore d’un bon demi-siècle, pour nous ramener en 1793. Voici ce qu’écrit
Jean-Christian Petitfils dans sa biographie de Louis XVI sur les délibérations
de la Convention relatives au sort à faire au roi :<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">« <i>Ainsi chauffées
à blanc par la presse populaire, certaines sections parisiennes, impatientes de
clore le procès, rendaient des arrêts incendiaires, réclamaient une
distribution d’armes, envisageaient même de purger la Convention de ses tyrans,
c’est-à-dire des députés girondins (c’est ce qu’ils feront en mai 1793), et de
se porter aux prisons pour y renouveler la justice populaire de septembre 1792.
Au club des Jacobins, le conventionnel Louis Legendre, ancien boucher parisien,
demanda de découper le corps de l’ex-souverain en quatre-vingt-quatre quartiers
et de distribuer ceux-ci à chaque département, afin de servir d’engrais aux
arbres de la Liberté… Un des principaux chefs de la démagogie, Le Peletier de
Saint-Fargeau, représentant de l’Yonne, considérait que si le roi n’était pas
condamné à mort, le peuple avait le droit absolu à l’insurrection afin "d’ôter
sa confiance à ses mandataires". C’était toujours l’affrontement entre la
théorie de la démocratie insurrectionnelle et le concept de représentation
nationale !</i> »<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Après tout, les émeutiers
de Washington, énergumènes frustes, violents, affublés d’oripeaux grotesques et
plus ou moins téléguidés par de tranquilles agitateurs, rappellent furieusement
« nos » sans-culottes. Oui, vous savez, ce « peuple »
soulevé contre la « tyrannie », tant célébré par les plus fermes
républicains – au sens français du terme – de chez nous.<o:p></o:p></span></p>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-1110734619091857102020-12-30T19:49:00.001+01:002020-12-30T19:49:32.313+01:00Dans la brume<p style="text-align: justify;"> <span style="letter-spacing: 0pt;">Les myopes, dont votre
serviteur, sont exposés depuis quelques mois à un dilemme dès qu’ils sortent :
voir le monde à travers un voile de buée résultant du port du masque, ou ôter
leurs lunettes pour ne plus en avoir qu’une vague impression. Pour ma part, j’ai
choisi la buée. Dans les rues de Paris, aux heures sombres, les réverbères et
les feux des voitures s’irisent dans le brouillard de mes lunettes. Un des
rares charmes de l’année 2020.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Cette buée ne voile pas
que notre vue. Il semble que le brouillard ait envahi les esprits, des peuples
aussi bien que des gouvernements. Et cela, évidemment, a moins de charme.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">J’en veux pour exemple
les prétendues méthodes ou stratégies utilisées ici et là pour lutter contre l’épidémie
qui a envahi nos vies voici bientôt un an. L’hiver dernier, nos gouvernants
rejetaient avec mépris l’idée de contrôler les frontières et de placer en
quarantaine quiconque viendrait de l’étranger : « les virus n’ont pas
de passeport », psalmodiaient-ils, heureux de cette trouvaille. Cette contrainte
nous eût peut-être évité bien des déboires et bien d’autres contraintes, plus
pesantes. À vouloir user d’arguments (ou plutôt d’incantations) d’ordre
idéologique contre une mesure d’hygiène connue depuis longtemps, ils se sont
par la suite improvisés hygiénistes, ayant recours à des méthodes franchement
archaïques, quoique d’une certaine efficacité. Ajoutons l’apparition d’applications
à télécharger sur son téléphone portable (à condition de disposer d’un modèle
adéquat), et nous avions sous les yeux ce mélange d’archaïsme et de foi aveugle
en la technique qui caractérise la modernité tardive.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Voici qu’apparaissent peu
à peu des vaccins qui pourraient finir par nous débarrasser de cette insistante
pandémie. On le souhaite, évidemment, et nous gouvernants le claironnent. La vitesse
à laquelle ces vaccins sont apparus et l’habitude d’avoir entendu nos
responsables politiques dire tout et le contraire de tout sont probablement les
raisons pour lesquelles tant de Français s’en méfient. Après tout, nous ne
savons pas trop ce qu’on nous inoculera. De même, d’ailleurs, que nous ne
savons pas trop de quoi sont faits les médicaments que nous ingérons volontiers
quand nos médecins nous les prescrivent. Peut-être est-ce là un argument qui
pourrait apaiser nos craintes ?<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Mais assez parlé de ce
maudit virus. Il est d’autres exemples de confusion, aussi intéressants que
drôles car la confusion ne réside pas où l’on pourrait croire. Ainsi, il y a
quelques semaines, les journalistes et les lecteurs de <i>Marianne</i> se sont
étonnés – pour ne pas dire étranglés – de ce que Mme Agnès Pannier-Runacher,
ministre déléguée chargée de l’industrie ait déclaré que le libéralisme était « <a href="https://www.marianne.net/politique/gouvernement/le-liberalisme-la-meilleure-facon-detre-de-gauche-selon-agnes-pannier-runacher" target="_blank">la meilleure façon d’être de gauche</a> ». N’étant personnellement ni de gauche
ni libéral, je ne me prononcerai pas quant à la pertinence de l’épithète
utilisée par Mme Pannier-Runacher. Il n’est en revanche pas interdit de penser
qu’être libéral <i>peut être une manière</i> d’être de gauche, voire d’être
socialiste. Le saint-simonisme et ses évolutions peuvent être cités en exemple.
C’est ce qu’a fait <a href="http://chattycorner1.blogspot.com/2016/05/une-hypothese-royale.html">Frédéric Rouvillois</a> dans un essai intitulé <i>Liquidation</i>,
paru cette année aux éditions du Cerf. Le sous-titre en étant « Emmanuel
macron et le saint-simonisme », on comprendra aisément que Rouvillois
entend ici donner une cohérence aux choix politiques de M. Macron, que l’on
résume un peu trop facilement par son fameux <i>en même temps</i>. Cet essai
consiste largement, en les classant selon différents thèmes, à confronter d’amples
citations d’écrits saint-simoniens à des discours ou des propos de M. Macron et
des plus lettrés de ses conseillers, parrains, suiveurs ou thuriféraires. Le rapprochement
est pertinent, et certains desdits conseillers (etc.) l’assument et même le
revendiquent depuis un bon moment. La différence avec <i>Liquidation</i> réside
dans le fait que son propos n’est guère favorable à la politique de M. Macron (« l’utopie
des très riches »). Cet essai relativement bref (et, dirait-on, édité d’une
manière quelque peu expéditive) vient apporter un éclairage au point aveugle du
<i>XIXe siècle à travers les âges</i>, de Philippe Muray : la parenté
entre le socialisme et le libéralisme, issus du même bouillonnement de pensée
magique vieux d’environ deux cents ans (et dont il faudrait sérieusement songer
un jour à nous défaire), voire l’hybridation entre les deux.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Après tout, concevoir ce
à quoi l’on entend s’opposer est toujours plus fécond que marmonner ou éructer –
selon son tempérament – des slogans hostiles, voire haineux. Je recommande donc
la lecture de <i>Liquidation</i> aux journalistes et aux lecteurs de <i>Marianne</i>.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Et je souhaite à mes
lecteurs une joyeuse et sainte fête de Noël. En espérant que 2021 sera un
meilleur millésime que 2020.<o:p></o:p></span></p>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-74878029170766480512020-11-28T20:31:00.005+01:002020-11-29T11:24:44.588+01:00L’essentiel et le reste<p style="text-align: justify;"> <span style="letter-spacing: 0pt;">Si le confinement qui
nous fut imposé entre mars et mai de cette année avait comme un caractère de
douleur mêlée d’angoisse et d’attente, celui que nous subissons depuis fin
octobre donne un sentiment de perplexité teintée d’amertume. Comme si « on
ne la faisait plus » aux redoublants. Beaucoup d’entre nous renâclent
quant au caractère </span><i style="letter-spacing: 0pt;">essentiel</i><span style="letter-spacing: 0pt;"> ou </span><i style="letter-spacing: 0pt;">non essentiel</i><span style="letter-spacing: 0pt;"> de tel ou tel motif
de sortir de chez nous, motif que nous cochons sagement sur nos </span><i style="letter-spacing: 0pt;">attestations</i><span style="letter-spacing: 0pt;">.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Faut-il voir dans la
distinction officiellement faite entre nos diverses activités un manifeste,
voire un programme, du macronisme ? Ce serait donc : bosser et
bouffer, le reste comptant pour du beurre ? Le reste ? Citons :
aller s’acheter un (bon) livre, rendre une brève et prudente visite à ses vieux
parents, ou encore pratiquer sa religion. Ce tri a quelque chose d’offensant.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">On pourrait y voir un
problème de vocabulaire : notre gouvernement n’aurait-il pas plutôt dû
nous dire que c’était justement de l’essentiel qu’il nous serait demandé de
nous priver un temps, afin de pouvoir mieux le retrouver ensuite<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[i]</span></span></span><!--[endif]--></span></span> ?
Non que travailler ou se nourrir, encore moins travailler pour se nourrir,
soient des occupations méprisables. Elles sont même nécessaires. Après tout,
personne ne souhaite mourir de faim ou de misère, ni en faire souffrir d’autres.
Mais, à travers ce problème de vocabulaire, notre gouvernement semble avoir un
problème de communication ou plutôt de point de vue.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Pour s’en rendre compte,
il suffit d’entendre nos ministres dire « les Français » plutôt que « nous ».
Ils paraissent ainsi s’exclure de la nation au gouvernement de laquelle ils
participent. Si l’on ajoute à cela les attestations à remplir pour sortir faire
trois pas dans la rue, on pourra comprendre que certains esprits fatigués
finissent par se sentir administrés par quelque autorité d’occupation. Il n’est
pas étonnant dans ces conditions que certains finissent par gober la première
faribole complotiste qui leur passe sous les yeux.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Il faudrait aussi – avis aux
amateurs ou, mieux, aux universitaires – prendre le temps de se pencher sur la
manière qu’ont certains ministres ou hauts fonctionnaires de s’adresser à nous
(ou <i>aux Français</i>, comme on voudra), manière souvent relayée dans la
presse : nous serions au mieux de petits enfants (que l’on encouragera par
des métaphores guerrières ou par des injonctions comme « Papi et Mamie
vont à la cuisine manger leur part de bûche »<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[ii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>), ou
alors des benêts (la ridicule affaire des masques, ce printemps, en a été une
des premières et plus mémorables illustrations), ou bien, au pire, des suspects
qu’il importe de tenir en respect (combien de fois aurons-nous entendu parler
de « tour de vis » ou de « durcissement » à propos des
règles sanitaires que nous avons à appliquer ?)<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[iii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Le sommet du ridicule a
été atteint avec une des annonces faites mardi 24 novembre par M. Macron,
annonce confirmée le 26 par M. Castex. Il s’agit bien entendu de l’autorisation
des célébrations religieuses limitées à trente personnes. Cette limite n’ayant
à peu près aucun sens, mieux eût encore valu prolonger de deux semaines l’interdiction
des célébrations en public, ce que nous eussions pu endurer avec tristesse mais
aussi avec patience<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[iv]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>.
Il est malheureusement possible de supposer que le protocole proposé par nos
évêques pour un bon déroulement – du point de vue sanitaire – des messes n’aura
pas même eu l’heur d’être étudié par le gouvernement. Plus que de la malveillance,
il faut y voir une probable marque de paresse intellectuelle et de mépris. Nous
en avons hélas l’habitude.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Il n’en demeure pas moins
que cette inepte décision gouvernementale – outre favoriser assez dangereusement
un sentiment de défiance et des désirs de désobéissance civile – a été l’occasion
d’un grand nombre de plaisanteries, ce qui fait toujours du bien par ces temps
sombres et confus<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[v]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>.
Comment ? entends-je déjà protester. Des plaisanteries alors qu’un
terrible fléau nous frappe ? Oui, des plaisanteries, du rire, dans la
mesure où rire des choses sérieuses est parfois une chose sérieuse.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Il reste à dire de ces
temps, une fois qu’ils seront derrière nous, qu’ils devraient constituer un
matériau romanesque fécond, pour peu que quelques écrivains se laissent aller à
une veine à la fois profonde et narquoise. Pour les inspirer, on leur donnera à
méditer ce qu’écrivit <a href="http://chattycorner1.blogspot.com/2014/11/quelques-notes-en-hommage-flannery.html" target="_blank">Flannery O’Connor</a> sur son premier roman, <i>La Sagesse
dans le sang</i> : « <i>C’est un roman comique sur un chrétien malgré
lui, et en tant que tel, très sérieux, car tous les romans comiques de quelque
valeur doivent porter sur des questions de vie ou de mort.</i> »<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Le programme est
ambitieux. Les candidats sont autorisés à prendre le temps nécessaire pour se
préparer.<o:p></o:p></span></p>
<div style="mso-element: endnote-list;"><div style="text-align: justify;"><br /></div><!--[if !supportEndnotes]-->
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="edn1" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman",serif; font-size: 10pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[i]</span></span><!--[endif]--></span></span> <span style="font-size: x-small;">Le roi de Suède, qui n’a
pas une réputation d’orateur enflammé, en a été capable, le dimanche des
Rameaux, en disant à son peuple que, malgré l’importance des fêtes de Pâques,
il allait peut-être falloir s’abstenir cette année de célébrations religieuses
et retrouvailles familiales.</span><o:p></o:p></p>
</div>
<div id="edn2" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman",serif; font-size: 10pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[ii]</span></span><!--[endif]--></span></span> <span style="font-size: x-small;">Celle-ci est
intéressante, outre l’appellation familière de « Papi et Mamie », par
l’emploi du présent de l’indicatif, le futur simple étant probablement un temps
que nous ne sommes pas censés encore maîtriser, pauvres petits enfants que nous
sommes. </span><o:p></o:p></p>
</div>
<div id="edn3" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman",serif; font-size: 10pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[iii]</span></span><!--[endif]--></span></span> <span style="font-size: x-small;">Serait-ce là un mal
typiquement français ? J’ai comme l’intuition qu’aucun gouvernement ou
aucun régime dans notre pays ne se sent à l’aise avec la notion de <a href="http://chattycorner1.blogspot.com/2013/05/la-femme-aux-cent-tetes.html" target="_blank">légitimité</a> depuis
1792 environ (!), d’où une méfiance a priori envers la population de la part du
pouvoir, quel qu’il soit.</span><o:p></o:p></p>
</div>
<div id="edn4" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman",serif; font-size: 10pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[iv]</span></span><!--[endif]--></span></span> <span style="font-size: x-small;">Enfin… divers génies n’ont
pas réussi à imposer un report de Noël, contrairement au <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Black Friday</i> : tout n’est pas perdu !</span><o:p></o:p></p>
</div>
<div id="edn5" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman",serif; font-size: 10pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[v]</span></span><!--[endif]--></span></span> <span style="font-size: x-small;">Un florilège – incomplet et
d’une valeur inégale quoique comprenant quelques excellentes trouvailles – a été
proposé il y a peu dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;"><a href="https://www.lavie.fr/idees/debats/messe-a-30-personnes-entre-deception-et-agacement-certains-preferent-en-rire-68984.php" target="_blank">La Vie</a></i>.</span><o:p></o:p></p>
</div>
</div>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-4531153997902834912020-11-11T19:06:00.000+01:002020-11-11T19:06:20.454+01:00« La grande épreuve » (Étienne de Montety)<p style="text-align: justify;"> <span style="letter-spacing: 0pt;">Les récents assassinats
commis en France par des islamistes</span><span class="MsoEndnoteReference" style="letter-spacing: 0pt;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[i]</span></span></span></span><span style="letter-spacing: 0pt;">,
outre ajouter à la tristesse des épreuves que nous traversons tant bien que mal
en ce moment, nous obligent à nous souvenir du martyre, en 2016, du père
Jacques Hamel. C’est évidemment ce martyre qui a inspiré à Étienne de Montety
son dernier roman, </span><i style="letter-spacing: 0pt;">La grande épreuve</i><span style="letter-spacing: 0pt;">, paru il y a quelques mois aux
éditions Stock. La trame en est donc aussi simple qu’effroyable : à la fin
d’une messe qu’il célébrait, un vieux prêtre est égorgé par deux islamistes,
lesquels se laisseront ensuite abattre par les policiers venus libérer leurs
otages.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Ce que nous dépeint <i>La
grande épreuve</i>, c’est le chemin qui va mener cinq personnages à leur
rencontre tragique un matin d’août dans une église : le prêtre et ses deux
assassins, bien entendu, mais aussi une religieuse qui assistera à l’assassinat,
et l’officier de police qui dirigera l’assaut.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Commençons – de manière à
nous en débarrasser – par adresser un reproche à Étienne de Montety : <i>La
grande épreuve</i> est-il vraiment un roman ? Nous y verrions bien plutôt
le récit romancé – par la transposition des lieux, des noms et des détails
concernant les personnages – de l’assassinat du père Hamel, mêlé à la synthèse
de quelques « cas » de parcours de djihadistes. L’ensemble « fonctionne »,
si j’ose dire, par une construction intelligente qui tisse la toile tragique
dans laquelle vont se prendre les personnages. Mais cela semble écrit dans un
style d’enquête journalistique fait pour que quelques critiques paresseux le
qualifient de <i>haletant</i><span class="MsoEndnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[ii]</span></span></span><!--[endif]--></span>.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Une fois énoncé ce
reproche, venons-en à ce qui fait l’intérêt de <i>La grande épreuve</i>.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Cet intérêt réside dans
la description des personnages : le père Georges Tellier, la petite sœur Agnès
de Jésus, Daoud et Hicham (les deux assassins), et enfin le capitaine Frédéric
Nguyen. Ces personnages ont entre eux des relations de ressemblance et d’opposition.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Il y a bien entendu l’opposition
entre le martyr chrétien – le père Tellier – et ses assassins, « martyrs »
selon une conception radicalement fausse. Le père Tellier nous est décrit comme
un prêtre apparemment sans charisme exceptionnel, assailli parfois de doutes
quant à sa vocation, sympathique assurément, mais, semble-t-il, un peu fatigué.
Or voici que survient l’épreuve, celle du martyre : il lui faut l’accepter
sans fléchir ; d’abord en essayant de raisonner les tueurs afin de les
empêcher de commettre leur crime, puis, voyant à qui il a à faire en fait, à
travers deux jeunes imbéciles, en luttant avec les pouvoirs qui lui sont
conférés :<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">« <i>Une certitude
soudain, fulgurante, le saisit : cette violence qui vient d’éclater a un
nom, celui que l’Église donne au Mal depuis toujours. Le responsable c’est
celui qui prend possession, celui qui divise, celui qui perd : Satan. Les voilà
maintenant face à face.<o:p></o:p></i></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><i><span style="letter-spacing: 0pt;">Georges se débat avec une vigueur inattendue. Dans ses
yeux, on lit une incompréhension mêlée de compassion : ils ne savent pas
ce qu’ils font. Hicham est surpris de rencontrer une résistance et brandit son
couteau pour l’intimider.<o:p></o:p></span></i></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin: 6pt 0cm 0.0001pt 32.2pt; text-align: justify; text-indent: -18pt;"><!--[if !supportLists]--><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-list: Ignore;">-<span style="font: 7.0pt "Times New Roman";">
</span></span></span><!--[endif]--><i><span style="letter-spacing: 0pt;">Au nom de
Jésus-Christ, ne fais pas ça ! Au nom de Jésus !<o:p></o:p></span></i></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><i><span style="letter-spacing: 0pt;">À ce nom, Hicham sent une force le traverser, une
rage, une furie intérieure qui lui ordonne : "Tue ! tue !"</span></i><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;"> »<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Une autre relation
intéressante à relever est celle qui oppose la petite sœur Agnès de Jésus à un
des assassins : tous deux ont grandi dans un milieu aisé et ont connu,
chacun à sa manière, une « conversion » allant jusqu’à changer de nom ;
Agnès Mauconduit est devenue la petite sœur Agnès de Jésus, et David Berteau
est devenu Daoud. L’une se sent appelée par Dieu à faire rayonner le bien, l’autre
se croit un devoir de tuer des « infidèles », c’est-à-dire de faire
le mal.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Ce Daoud – ou David – est
d’ailleurs un enfant adopté, d’origine étrangère. Élevé par un couple de braves
gens pour qui toute satisfaction réside dans l’aisance matérielle, il se lance
dans une quête identitaire semée de pièges dans lesquels il tombe tous. On peut
l’opposer en cela au capitaine Nguyen, fils d’une réfugiée vietnamienne, qui n’a
pas connu son père. Issu d’un milieu modeste, épris d’action, il trouvera sa
voie dans la police (ce en quoi on pourrait aussi l’opposer à Hicham).
Indifférent à toute préoccupation spirituelle, on le découvre, au moment de l’assaut,
à la fois ébranlé et perplexe devant ce qu’avait bien compris le père Tellier :<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">« <i>Le capitaine
Nguyen n’a jamais rien observé de pareil. Il en a vu, pourtant, des yeux de
forcenés, de criminels, de pédophiles. Des yeux cruels, des yeux perdus, des
yeux fixes de tueurs, de vengeurs, de fous, de pervers, d’enragés, de
trompe-la-mort. […]<o:p></o:p></i></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><i><span style="letter-spacing: 0pt;">Des regards de possédés… Mais possédés par quoi ?</span></i><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;"> »<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Cette interrogation vient
après le combat du père Tellier, ce qui ajoute une nouvelle relation de
ressemblance-dissemblance entre les personnages.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Quant au diable, le
triste exemple des deux assassins, en particulier celui de Daoud, nous suggère
que l’ennemi doit aimer à s’installer dans les âmes vides.<o:p></o:p></span></p>
<div style="mso-element: endnote-list;"><div style="text-align: justify;"><br /></div><!--[if !supportEndnotes]-->
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="edn1" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman",serif; font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[i]</span></span><!--[endif]--></span></span> Il convient de nommer les
trois martyrs de Nice : Nadine Devillers, Simone Barreto Silva, Vincent Loquès.<o:p></o:p></p>
</div>
<div id="edn2" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman",serif; font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[ii]</span></span><!--[endif]--></span></span> Quelques extraits cités
en donneront un exemple.<o:p></o:p></p>
</div>
</div>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-54455632265992155842020-10-10T20:18:00.008+02:002020-10-10T20:18:48.941+02:00« L’Or du temps » (François Sureau)<p style="text-align: justify;"> <span style="letter-spacing: 0pt;">Faut-il chercher sur la
vie et l’œuvre d’Agram Bagramko, peintre de </span><i style="letter-spacing: 0pt;">Ma source la Seine</i><span style="letter-spacing: 0pt;">, d’autres
renseignements que ceux fournis par François Sureau dans </span><i style="letter-spacing: 0pt;">L’Or du temps</i><span style="letter-spacing: 0pt;"> ?
Qu’il soit permis d’en douter. Nous devrons donc nous contenter au sujet de « </span><i style="letter-spacing: 0pt;">ce
réfugié aux origines imprécises, proche du groupe surréaliste depuis l’époque
dite </i><span style="letter-spacing: 0pt;">des sommeils</span><i style="letter-spacing: 0pt;">, mais séparé ensuite de Breton par son mysticisme
tranquille qui le rendit suspect</i><span style="letter-spacing: 0pt;"> » de ce que François Sureau aura bien
voulu nous livrer, pour servir son propos dans la descente du cours de la Seine
à laquelle il nous invite.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Ce Bagramko, quoique
voyageur et nanti, sinon d’un carnet d’adresses, d’une liste d’accointances
longue comme le bras<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[i]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>,
ne saurait être présent partout le long de la Seine, et au fil du récit nous
faisons d’autres rencontres : d’intéressants généraux nommés Mangin ou
Brosset, un vieux sage juif de Troyes (Rachi) et son contemporain Chrétien de
Troyes ; et d’étranges lieux aussi, comme le lac d’Orient, nous sont
évoqués.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Peu à peu nous approchons
de Paris et, là, la Seine de Sureau semble prendre un autre cours que celui que
nous connaissons<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[ii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span> :
elle vient irriguer tout Paris où elle finit par se perdre. Et c’est en fait un
autre livre qui commence, dont le prétexte n’est plus la Seine, mais Paris. Si Bagramko,
son fantôme ou son souvenir, nous accompagne toujours, Sureau s’est trouvé ici
un nouveau parrain en la personne de Jacques Hillairet, figure chère aux <i>amoureux
de Paris</i><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[iii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>,
lequel fait l’objet d’un portrait à la fois reconnaissant et ironique sur
quatre pages. Il est bon, pour évoquer Paris en artiste, de disposer des
renseignements amassés avec la rigueur passionnée d’un officier du génie pour s’y
repérer. Outre ce portrait et quelques références explicites, les titres des
chapitres de <i>L’Or du temps</i> relatifs à Paris rappellent souvent ceux des
méthodiques promenades proposées par le colonel Coussillan dans Connaissance du
vieux Paris, avec il est vrai quelques fantaisies : « Le salut, du Luxembourg
à Neuilly », « Rive droite, du Père-Lachaise à Odessa »…<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Comme il a été dit plus
haut, on s’éloigne ici des rives de la Seine, jusqu’à explorer des quartiers
sans grand rapport avec celles-ci. Nous pourrons donc par exemple nous égarer
du côté du boulevard Barbès, dans une rêverie à la fois fantomatique et féroce
du magasin Dufayel : de ce temple précoce du capitalisme kitsch (ou du
kitsch capitaliste ?), il ne reste aujourd’hui que quelques portails le
long du boulevard Barbès ou de la rue de Clignancourt. Nous en saurons plus, au
passage, sur ce nom, DUFAYEL, que l’on voit s’étaler sur les murs aveugles ou
les pignons des immeubles, en gros caractères publicitaires, dans tant de
vieilles photographies de Paris…<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Les détours, les
digressions, les méandres ou les bras morts, oserait-on dire, abondent donc dans
les chapitres parisiens de <i>L’Or du temps</i>. François Sureau semble avoir
perdu de vue son prétexte, voire son système, mais il serait un peu mesquin de
le lui reprocher.<o:p></o:p></span></p>
<div style="mso-element: endnote-list;"><div style="text-align: justify;"><br /></div><!--[if !supportEndnotes]-->
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="edn1" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman",serif; font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[i]</span></span><!--[endif]--></span></span> Un bras plus long que ne
pourrait jamais en avoir la Seine.<o:p></o:p></p>
</div>
<div id="edn2" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman",serif; font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[ii]</span></span><!--[endif]--></span></span> Pour descendre la Seine avec
Sureau jusqu’à son embouchure, il y eut cet été une série sur France-Culture,
reprenant d’ailleurs (des sources à Paris) pas mal de passages de <i style="mso-bidi-font-style: normal;">L’Or du temps</i>.<o:p></o:p></p>
</div>
<div id="edn3" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman",serif; font-size: 10.0pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[iii]</span></span><!--[endif]--></span></span> À qui est dédié son <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Dictionnaire historique des rues de Paris</i>.<o:p></o:p></p>
</div>
</div>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-50988011430612538452020-08-31T16:59:00.004+02:002020-08-31T17:00:49.124+02:00Lectures en liberté (2)<p style="text-align: justify;"> <span style="letter-spacing: 0pt;">La curieuse épreuve de ce
printemps – dont nous n’avons pas fini de subir les conséquences ou les
rebondissements – aura donné à certains le loisir de réfléchir à ce qu’elle a
révélé de notre monde, de ce qu’il a été et de ce qu’il pourrait ou devrait
être. D’aucuns auront même eu la capacité d’organiser ces réflexions et de nous
les faire connaître par écrit. Si le risque d’une mode – que l’on pourrait
nommer </span><i style="letter-spacing: 0pt;">littérature coronaviresque</i><span style="letter-spacing: 0pt;"> – produisant des fruits d’une valeur
fatalement inégale est avéré, il n’en demeure pas moins que l’on peut
rencontrer ici et là des pensées nourrissantes.</span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><i><span style="letter-spacing: 0pt;">Le matin,
sème ton grain</span></i></b><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">, de Mgr Éric de Moulins-Beaufort<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[i]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>, est
une « Lettre en réponse à l’invitation du Président de la République »<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><span style="font-size: x-small;">[ii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span> qui
s’articule autour de quatre axes : la mémoire, le corps, la liberté et l’hospitalité.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">La <i>mémoire</i> est
celle, évidemment, des sacrifices et des efforts de ceux que leur métier a
exposés pendant que nous nous étions abrités chez nous ; mais aussi celle
des souffrances de ceux dont l’abri était exigu, précaire, voire absent ;
celle, enfin, d’un temps où, dans les grandes villes, la frénésie habituelle
connut une suspension qui avait quelque chose, malgré les tristes
circonstances, d’une trêve. Que faire alors de cette mémoire ? Des
monuments, des cérémonies et des pompes ? Certes non, plutôt prendre
conscience de la dureté de l’existence de nos prochains et chercher à l’atténuer
– y compris par des mesures de politique très terre-à-terre – ainsi qu’instaurer
régulièrement des moments de trêve dans notre activité productive ou marchande ;
ces moments, dans un monde de tradition chrétienne, comme le rappelle Mgr de
Moulins-Beaufort, portent un beau nom, qui est <i>dimanche</i>.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Parler du <i>corps</i>
est l’occasion de ce que l’on peut oser nommer des jeux de mots sérieux. Mgr de
Moulins-Beaufort nous invite à réfléchir aux rapports entre plusieurs <i>corps</i> :
le corps individuel et le corps social, le corps physique et la personne qui l’habite ;
et aussi à réfléchir à notre rapport à la mort. Il est donc question dans cette
partie de la préservation de notre santé, de celle des autres, de ce que nous
pouvons attendre de la société et de ce que nous pouvons lui offrir. Par-delà
ces questions se posent aussi celles du dévouement envers les plus démunis, y
compris les malades et les mourants. En ce qui concerne ces derniers, il semble
que le « confinement » n’ait pas été un moment des plus heureux :
« J’ai déjà regretté plusieurs fois publiquement que les plans d’urgence
des hôpitaux, prévoyant de ne plus y laisser entrer le personnel "non-indispensable",
incluent dans cette catégorie les aumôniers et tous les visiteurs. Non seulement
une telle mesure réduit le patient à n’être qu’un bénéficiaire de soins
médicaux mais elle fait peser le poids de l’accompagnement des personnes sur
les seuls soignants, par définition débordés dans une telle situation. »<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">En matière de <i>liberté</i>,
Mgr de Moulins-Beaufort, outre la regrettable impossibilité faite aux
aumôniers, visiteurs ou proches d’accompagner malades et mourants, rappelle qu’une
liberté fondamentale dans notre pays, celle des cultes, a été mise de côté un
temps par l’État pour des raisons sanitaires. Partant de cet exemple, il nous
avertit sur les risques que nous courons lorsque l’État, même avec de bonnes
intentions, en vient à outrepasser ses attributions. Chaque citoyen et chaque
responsable politique devraient retenir cette phrase : « L’État
bienveillant peut être au moins autant envahissant et disciplinaire que l’État
totalitaire. »<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">L’<i>hospitalité</i>,
enfin, est un devoir qui pourrait nous être rappelé par le caractère universel
de l’épidémie qui nous frappe. Les étrangers, dans de telles conditions, le
sont-ils entièrement ? N’y a-t-il pas une plus grande place à faire aux
habitants des pays pauvres, en les accueillant mieux ou en leur permettant de
mieux vivre dans leurs pays ? Dans les deux cas, cela ne se fera pas sans
la prise de conscience de ce qu’une certaine sobriété est nécessaire dans notre
rapport à la Création.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Pour tout catholique, les
propos de Mgr de Moulins-Beaufort devraient sembler évidents. Mais un rappel n’est
pas inutile, surtout quand il s’appuie sur une expérience que nous avons tous
plus ou moins connue. Soit dit en passant, ce dernier aspect devrait rendre ce
discours abordable à tous, catholiques ou non. À moins que d’aucuns veuillent
obstinément garder les yeux fermés.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Le titre du numéro 15 des
« Tracts » Gallimard, paru en juin de cette année, pourra sembler
provocateur, voire agressif, à quelques lecteurs : <b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><i>L’Idolâtrie de la vie</i></b>. Olivier Rey nous y livre ses
réflexions sur le genre de paralysie qui nous a saisis à l’occasion de l’épidémie
que l’on sait.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Ce titre exige quelques
explications : quelle est cette « vie » au nom de laquelle nous
avons été presque tous sommés de nous enfermer chez nous, qu’il a fallu préserver
« quoi qu’il en coûte » ? Olivier Rey répond à cette question en
nous invitant à suivre les évolutions de la définition de <i>vie</i> dans le
dictionnaire de l’Académie française de 1694 à 1935 : on y passe de « l’union
de l’âme avec le corps » (1694) à « l’état des êtres animés tant qu’ils
ont en eux le principe des sensations et du mouvement » (1795) puis à « l’activité
spontanée propre aux êtres organisés, qui se manifeste chez tous par les
fonctions de nutrition et de reproduction, auxquelles s’ajoutent chez certains
êtres les fonctions de relation, et chez l’homme la raison et le libre arbitre »
(1935) ; de spirituelle, la vie devient physiologique, matérielle. Et <i>sauver
une vie</i> consistera alors uniquement à maintenir quelqu’un en bonne santé :
tant pis pour les autres conceptions de la vie – à commencer par la vie
éternelle !<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Autour de ce chapitre
central s’articulent diverses questions portant sur l’emprise exercée aussi
bien par l’État et par la technique sur nos vies.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">L’État, à force de se prétendre
tout-puissant et omniscient – outre qu’il risque souvent de se ridiculiser
(voir le pénible feuilleton des « masques ») – finit par attirer sur
lui toute la colère d’une population qu’il aura volontiers infantilisée dès
lors que tout ne va pas bien. Jamais nous ne nous interrogeons sur <i>nos</i>
erreurs ni sur ce que <i>nous</i> pourrions faire pour que les choses aillent
mieux. En laissant l’État céder à une tentation d’orgueil, nous nous condamnons
à être des gamins geignards et peu lucides quant à nous-mêmes.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Quant à la technique, la
conception intégralement matérialiste (ou physiologique) de la vie pousse,
selon Olivier Rey, à en accepter une emprise croissante, au nom de l’impératif
de « sauver des vies » ou de la priorité absolue de « la santé ».
L’analyse de propos tenus par Mme Fioraso en 2012, alors qu’elle était ministre
de l’Enseignement et de la Recherche, est à ce titre éloquent.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Il a été beaucoup question,
alors qu’enfermés en nos demeures nous ruminions, du <i>monde d’après</i> :
dans les dernières pages de son essai, Olivier Rey ne cache pas son scepticisme
quant à diverses déclarations et envolées plus ou moins lyriques (ou revendicatives)
émises autour de cette notion. En revanche, il nous invite à « réapprendre,
collectivement et individuellement, à compter sur nous-mêmes […] alors que les
glapissements contre l’incapacité des "grands" dans les crises qui
les dépassent sont une façon de se maintenir en position de servitude ».
Belle façon de nous rappeler à nos responsabilités au lieu de rêver d’utopies
ou de nous plaindre.<o:p></o:p></span></p>
<div style="mso-element: endnote-list;"><div style="text-align: justify;"><br /></div><!--[if !supportEndnotes]-->
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="edn1" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[i]</span></span><!--[endif]--></span></span> Archevêque de Reims et
président de la Conférence des Évêques de France.<o:p></o:p></span></p>
</div>
<div id="edn2" style="mso-element: endnote;">
<p class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">[ii]</span></span><!--[endif]--></span></span> Invitation lancée par M.
Macron à « chacun des responsables des cultes de France » de
contribuer « à une réflexion nationale sur ce que la lutte contre l’épidémie
de la covid-19 nous apprend et sur l’avenir que nous entrevoyons ». Il
sied de répondre aux invitations !</span><o:p></o:p></p>
</div>
</div>Chatty Cornerhttp://www.blogger.com/profile/09587689086145429639noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5732408460274452519.post-79827453068901045792020-07-25T21:08:00.001+02:002020-07-25T21:09:08.354+02:00Lectures en liberté<br />
<div class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;">
<span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Depuis deux mois et demi
qu’il nous est possible de mettre le nez dehors<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: x-small;">[i]</span></span></span><!--[endif]--></span></span> sans
<i>Ausweis</i>, nous essayons tant bien que mal de reprendre le cours de nos vies. Peu
à peu, les petits tracas et les petites comédies du quotidien reviennent, celle
du travail par exemple. Nous éprouvons cependant quelques joies, y compris dans
ce dernier domaine : revoir les collègues, même les plus ennuyeux, fait
chaud au cœur. Quant aux amis et à la famille, cela va de soi. Nous avons même
pu retourner à la messe, ce qui n’est pas une mince joie. Et nous avons
retrouvé le plaisir d’entrer dans les librairies, pour y chercher quelques
nouveautés ou classiques désirés, ou pour y faire des trouvailles inattendues<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: x-small;">[ii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;">
<span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">De mon premier survol de
librairie, je retiendrai trois livres, qui ont tous quelque chose à voir avec
la liberté.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Presque saints !<i> (Jérôme Anciberro, Tallandier)<o:p></o:p></i></span></b></div>
<div class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;">
<span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">La présentation de l’auteur,
en quatrième de couverture, pourrait faire reculer les frileux : Jérôme
Anciberro a été rédacteur en chef de <i>Témoignage chrétien</i>. Mais faisons
fi des préjugés, ce que nous permet Touiteur, moyen d’expression souvent
utilisé par le susnommé, où il se montre souvent érudit, curieux, pertinent et
drôle. L’impression est confirmée à la lecture de ce <i>Presque saints !</i>
où, à travers quelques « canonisations ratées et autres causes délicates »,
Jérôme Anciberro nous expose ce qu’est un saint pour l’Église catholique ainsi
que le processus de canonisation. Nous sont aussi présentées les considérations
qui amènent l’Église à nous donner ou non tel ou tel comme exemple ou
intercesseur, ainsi que les évolutions d’icelles.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;">
<span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Si certains cas, comme
celui de sainte Philomène, relèvent de la curiosité historique, d’autres, plus
contemporains, sont exposés avec sérieux, rigueur et mesure. Pie XII en fournit
un excellent exemple. Au passage, le portrait que fait Jérôme Anciberro de ce
pape est fort nuancé, qualité qui manque le plus souvent à ses laudateurs ou à
ses détracteurs.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;">
<span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Voilà donc un livre
rigoureux, intelligent, écrit dans un souci de clarté, et souvent avec le
sourire, ce qui ne gâte rien, bien au contraire : la sainteté ne saurait
en rien être un sujet incitant à la tristesse. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">De Gaulle et les grands<i> (Éric Branca, Perrin)</i><o:p></o:p></span></b></div>
<div class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;">
<span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Comme toutes les années
finissant par le chiffre 0, on célèbre la mémoire de Charles de Gaulle, né en
1890, refusant la défaite en 1940 et mort en 1970. L’auteur de L’Ami américain
(sur les rapports parfois troubles entre notre pays et les États-Unis, en
particulier du temps de de Gaulle), eût pu céder à la facilité de nous livrer
une série d’anecdotes, plus ou moins savoureuses, plus ou moins connues, plus
ou moins controuvées, relatives aux rencontres entre de Gaulle et quelques
autres figures historiques de son temps. Dieu merci, si <i>De Gaulle et les
grands</i> ne manque pas de telles anecdotes, il s’agirait plutôt d’une
évocation de de Gaulle, de sa pensée et de sa politique, au travers de ses
rapports avec ces figures. Ces rapports peuvent être d’amitié, d’estime, de
méfiance, voire de franche hostilité… C’est le plus souvent fort intéressant,
mais on déplorera la faiblesse du chapitre sur Mao, qui relève, plutôt que de l’histoire,
de l’élucubration néo-malrucienne. Et, que l’on trouve Malraux ridicule ou
génial, on est plus souvent avec lui dans la littérature que dans l’histoire.
Ce n’est pas un tort, mais il vaut mieux en être conscient.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Sans la liberté <i>(François Sureau, tracts Gallimard)</i><o:p></o:p></span></b></div>
<div class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;">
<span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Y aurait-il un « moment
Sureau » ? Il semble que ce ne soit qu’aujourd’hui que l’on découvre
cet écrivain pourtant déjà sexagénaire. Les auditeurs de France-Culture peuvent
l’écouter cet été, vers sept heures du matin, parler de la Seine, reprenant des
passages de <i>L’Or du temps</i>, son dernier opus, riche et intéressant
ensemble de digressions ayant pour prétexte une descente de la Seine depuis sa
source. Mais nous verrons cela une autre fois.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;">
<span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">En septembre 2019, la
collection « tracts » de Gallimard a fait paraître <i>Sans la liberté</i>,
où Sureau, avec éloquence, nous met en garde contre une certaine dérive des
démocraties modernes. En gros, nos démocraties auraient tendance à n’avoir plus
pour objet que le maintien au pouvoir d’une classe politique par ailleurs
médiocre. Parfois par des moyens peu démocratiques. Force est de reconnaître
que François Sureau n’a pas tort. Il suffit de se rappeler avec quelle morgue,
quel cynisme et quelle brutalité divers mouvements ou manifestations (parfois
un peu désordonnées, il est vrai) d’opposition ont été traités ces dernières
années en France.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoBodyTextIndent" style="line-height: normal; margin-top: 6pt; text-align: justify;">
<span style="letter-spacing: 0pt; mso-bidi-font-style: italic;">Et comment ne pas
apprécier cette allusion à l’œuvre d’<a href="http://chattycorner1.blogspot.com/2013/06/pour-honorer-encore-mais-autrement-une.html" target="_blank">Evelyn Waugh</a> : « Ou s’il y a un
"monde nouveau", il faudrait s’inquiéter que ses habitants, en
politique du moins, ressemblent au Rex Mottram de <i>Retour à Brideshead</i>, "minuscule
fragment d’humain qui se faisait passer pour un homme complet" ». L’allusion
est pertinente, mais pour un peu je la trouverais presque indulgente. Certains des
philistins qui prétendent nous gouverner me font penser à un autre personnage
du même roman, un nommé Hooper, prototype du petit homme moderne, qui dit en
passant devant un asile de fous, vers 1942 : « Hitler les mettrait
dans une chambre à gaz. Je suppose que nous pouvons apprendre une chose ou deux
de lui. » Mais, à la décharge de François Sureau, on n’avait pas encore
entendu M. Olivier Véran trouver quelques mérites au gouvernement chinois en
matière de gestion des épidémies<span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: x-small;">[iii]</span></span></span><!--[endif]--></span></span>.<o:p></o:p></span></div>
<div style="mso-element: endnote-list;">
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<!--[if !supportEndnotes]-->
<br />
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
<br />
<div id="edn1" style="mso-element: endnote;">
<div class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "times new roman" , serif;">[i]</span></span><!--[endif]--></span></span> Un nez masqué, certes.<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div id="edn2" style="mso-element: endnote;">
<div class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "times new roman" , serif;">[ii]</span></span><!--[endif]--></span></span> Tout cela, et ce qui
précède, <i style="mso-bidi-font-style: normal;">en pratiquant les gestes-barrières</i>,
bien entendu.<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div id="edn3" style="mso-element: endnote;">
<div class="MsoEndnoteText" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;"><span class="MsoEndnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoEndnoteReference"><span style="font-family: "times new roman" , serif;">[iii]</span></span><!--[endif]--></span></span> C’était le 18 février
2020, sur France Inter.</span><o:p></o:p></div>
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